Ça n’a jamais été facile, d’être Leo Valdez. D’abord, il y a eu l’absence du père, même si sa mère la compensait très largement. Il y a eu les attentes du grand-père, placées sur un nourrisson qui ne comprenait absolument rien et se voyait déjà affublé d’un destin bien trop grand pour ses petites épaules. Destin, parlons-en... Il s’en serait bien passé, de ce destin tracé depuis sa naissance, ou peut-être même avant, d’ailleurs. Exposé à toutes sortes d’épreuves par sa Tia Callida – la déesse Hera en personne – le tout jeune Leo a su montrer qu’il était un véritable héros, et tout ça n’a mené à rien de bien. Décès de sa mère – dont il pensera des années durant être à l’origine – gamin renié par la famille – « el diablo » qui terrifie tout le monde et ne mérite plus d’appartenir aux rangs des Valdez – familles d’accueil toutes plus horribles les unes que les autres qui l’ont menée à vivre une vie d’errance et de misère avant d’être tout simplement envoyé dans un centre de redressement. Non, décidément, on ne peut pas dire que le destin tissé par les Moires ait été une bénédiction pour le jeune homme. Jamais vraiment à sa place, toujours la dernière roue du carrosse, il a très vite compris que l’humour était sa meilleure arme. L’humour pour dédramatiser sa situation familiale plus que compliquée, pour désarmer les brutes qui s’en prenaient à lui, pour faire en sorte que ceux qui voulaient lui casser la figure deviennent presque ses amis, pour se faire tout simplement des amis, et pour cacher tous ses traumatismes. Petit, ses blagues étaient sa meilleure arme, et tout ça a duré bien longtemps.
Et puis Jason a débarqué. Jason, qu’il pensait connaître depuis des mois et s’est avéré être un parfait étranger, souvenirs installés dans sa tête par sa cher Tia, qu’il n’avait pas vue depuis ses cinq ans. Avec lui, c’est toute la vie de l’adolescent qui a été bousculée. Propulsé dans un univers où il découvre être un demi-dieu, Leo se voit affublé d’un nouveau défi, une mission à nouveau bien trop grande pour ses épaules. Combattre les géants, sauver le monde, être l’inventeur de la situation pour déplacer les Sept de la Prophétie d’un continent à un autre... Et bien évidemment mourir dans le processus. Réconcilié avec son don de pyrokinésie – qu’il pensait être un fardeau, une malédiction – ayant pris en maturité suite à sa toute première peine amoureuse, impression de n’être jamais à sa place peu à peu effacée au profit de cette nouvelle famille qu’il s’était créée, Leo n’a pas mis longtemps à prendre sa décision. Il le savait, l’un d’entre eux devait se sacrifier pour permettre aux autres de rester en vie, et ça serait lui. La septième roue du carrosse, celui qui avait au fond toujours été élevé dans cette optique, celui sur qui personne n’aurait misé. Grâce à lui, Gaïa a été vaincue, les demi-dieux – et le monde – sauvés, et lui présumé mort.
Sauf que non. Bien sûr. Parce que rien n’a jamais été simple, dans la vie de Leo. Ramené à la vie par Festus – son dragon mécanique – et le remède obtenu grâce à Asclépios, il a réussi à tenir la promesse faite à sa belle Calypso. Sauvée d’Ogygie sur le dos du dragon, par le seul héros à avoir réussi à revenir sur l’île, elle laisse derrière elle pouvoirs et immortalité, les troquant pour une vie plus paisible aux côtés de Leo, bien décidé à enfin vivre cette jolie histoire d’amour qui occupait son esprit. Malheureusement, rien ne dure jamais bien longtemps dans la vie de ce cher fils d’Héphaïstos, et c’est après avoir subi les coups de tous ses camarades de la Colonie des Sang-mêlés – menés par Nico, bien entendu – qu’il apprend la chute parmi les mortels d’Apollon, qu’il doit aider dans sa quête pour reconquérir sa divinité en empêchant un trio d’anciens empereurs romains de s’emparer du monde. Un mardi, en somme. Dans sa mission, il se trouve finalement un place à la Waystation, lieu de passage pour demi-dieux en détresse, toujours accompagné de sa chère Calypso.
Apollon redevenu dieu, empereurs battus, le quotidien s’installe pour Leo. Un quotidien auquel il n’aurait jamais pensé appartenir, qui le voit redevenir un lycéen lambda, tuteur en mécanique pour gamins en difficulté, modèle pour ces enfants un peu perdus dans lesquels il se revoit. Le temps passe, les mois se transforment en années, le voilà âgé de 18 ans. Calypso et lui n’ont malheureusement pas tenu la distance, et s’il la gardera à jamais dans son cœur comme celle qui aura enfin vu en lui au-delà du blagueur invétéré, c’est une fin douce-amère, qui lui laisse un goût de trop peu. Ils se sont aimés, la vie a décidé de les séparer, c’est ainsi. Un peu perdu, sans trop savoir ce qu’il allait bien pouvoir faire de son futur, Leo a encore une fois été victime du destin... Mais un destin un peu bizarre, cette fois.


Un matin comme les autres, Leo qui se réveille dans son atelier-chambre de la Waystation... Pour se rendre bien vite compte qu’aucune des autres pièces n’est à sa place. Si l’intérieur est le même, ce qui se trouve derrière la porte n’a absolument rien à voir avec le refuge, et tous les autres habitants sont introuvables. Emmie et Jo, la petite Georgina... Personne n’est là. Il se rend rapidement compte qu’il n’est pas le seul à être perdu, et que les bâtiments autour de lui n’ont à peu près aucun sens. Amas de pièces n’ayant aucun rapport les unes avec les autres, immenses buildings et maisons traditionnelles qui se côtoient comme si de rien n’était... Tout ça ne lui dit rien qui vaille. Il apprend finalement la vérité, découvre que tous les univers se sont fracassés les uns dans les autres, résultant en ce bric à brac incompréhensible... Et tout ça le rend infiniment heureux. Nouveau monde, nouvelles personnes, nouveaux objets. Il va pouvoir explorer, découvrir, inventer. Face à lui, il ne voit pas la désolation, le bazar et l’incompréhension. Non. Il ne voit qu’un immense terrain de jeu, des possibilités infinies. Il se sent triste, bien entendu, parce que sa famille de cœur n’est pas autour de lui et qu’il n’a aucune idée de comment les retrouver, mais il sait que l’univers fonctionne comme une machine, comme il l’a déjà dit par le passé. Les choses arrivent pour une bonne raison, il a juste à comprendre laquelle, ou attendre qu’on lui explique.
Près de trois ans plus tard, Leo est désormais bien installé à Nowhere. Il a transformé la pièce dans laquelle il est arrivé en réel atelier – heureusement pour lui, il est au rez-de-chaussée – et a aménagé une petite zone en arrière-boutique qui lui sert d’appartement. Cela lui rappelle les bons moments passés à la Colonie, à travailler dans le Bunker 9 des heures durant, quitte à s’y endormir, et il ne pourrait en être plus heureux. Pour l’instant, tout ça lui convient bien. On l’appelle lorsqu’on a besoin de lui, il a commencé à se faire une bonne réputation en tant que serrurier – puisque ce ne sont après tout que de petites machines qu’il comprend plus vite que l’éclair – et on lui dépose toutes sortes d’objets arrivés brisés à cause du Collapse ou perçus comme irréparables. Entre deux moments de travail pour les autres, il s’autorise également un peu de temps pour se consacrer à ses propres inventions, qui envahissent l’espace déjà limité de sa caverne de bricoleur... Ce qui ne le dérange absolument pas !