Believe in you - Damian Wayne

Il n’avait pas compris. Il n’avait pas eu le temps de comprendre, ce qui était, en soit, déjà un événement à noter. Il ne se souvenait même plus exactement de ce qu’il s’était passé. Juste de cette sensation brouillonne de chaos. D’étirement, de compression. De vide et de trop plein à la fois. Jon avait déjà vécu des voyages temporels. Il avait même déjà subi un arrachement de sa réalité pour être transposé dans une autre, plusieurs fois, même, dont une seule de son plein gré. Mais rien de ce qu’il avait pu connaître jusqu’à présent ne ressemblait à cela. Rien n’avait été aussi brutal, aussi soudain. Aussi définitif, même. Comme si tout son être, son corps, ses tripes et jusque son âme, avait su à quel point cet acte était total. Qu’il n’y aurait aucun retour en arrière possible. C’était là, d’ailleurs, la dernière pensée consciente que le métis humain avait pu avoir avant de perdre connaissance. Avant le noir total.

Et puis il avait rouvert les yeux, s’éveillant lentement dans un décor, un univers qui lui était totalement inconnu. Avec, en prime, un mal de tête terrible, ce qui était bien assez exceptionnel chez lui pour être souligné. Jon avait bien été tenté, dans un premier temps, de se laisser aller à la panique. Pour être même parfaitement honnête, il avait senti ce sentiment monter en lui, de plus en plus puissant, de plus en plus prégnant. Et il avait dû prendre sur lui, avec toute la force de sa volonté, pour ne pas y céder. Pour ne pas perdre le contrôle et déchaîner ses pouvoirs, devenant sans le vouloir une source de destruction presque inarrêtable. Il refusait cela, Jon. Ou qu’il se trouve, personne ne devait être victime de la puissance de ses pouvoirs. Et la seule manière pour lui d’être certain d’en avoir un contrôle assez fort, était de se couper, pendant quelques minutes, de toute possible source de sollicitation sensorielle qui pourrait venir le perturber. Heureusement, l’endroit où il avait atterri était une ruelle déserte et personne ne semblait pour le moment l’avoir vu. De plus en plus fébrile, de plus en plus inquiet, Jon pris le temps de se traîner jusqu’à un recoin couvert, presque invisible de la rue. Resserrant autour de lui la cape de son costume de Superman, enfouissant sa tête entre ses bras resserrés autour de ses jambes, il savait qu’il devait se concentrer. Ne pas se laisser aller à écouter les battements erratiques de son cœur qui venait pulser jusque dans ses tempes, mais au contraire, maîtriser sa respiration jusqu’à ce qu’ils puissent se caler sur ce rythme plus lent. Fermer les yeux, de toutes ses forces, pour ne pas risquer de pulvériser quoi que ce soit avec sa vision laser. Et retrouver ses propres limites, celles de son corps. Avant d’étendre lentement ses sens et son esprit pour tenter de percevoir les premiers détails de son environnement.

De ce qu’il avait pu apercevoir des constructions l’entourant à son réveil, il était dans un lieu à l’architecture ancienne, qui lui rappelait ce qu’il avait pu lire dans ses livres d’histoire concernant l’Europe, plusieurs siècles de cela en avant. Mais alors qu’il se servait de ses sens comme d’un système de géolocalisation, une capacité apprise aux côtés d’Aqualad, il pouvait voir autre chose. Un mur, contre lequel son esprit semblait bloqué par son épaisseur et sa hauteur. Et des bâtiments plus grands, plus modernes. Du verre, du métal. Des discussions, aussi, des véhicules, que Jon ne prenait pas vraiment le temps d’identifier. Un monde vaste, visiblement. Et tellement inconnu, surtout. Terrifiant. Jusqu’à ce que…

Batman. Nightwing.

Damian.

Les signes vitaux des alliés de son père et de son meilleur ami lui apparaissent soudain comme un phare au milieu d’une nuit de brouillard, des lumières si vives qu’il ne peut désormais plus voir qu’elles. Et il ne perd pas plus de temps à réfléchir, Jon. Aussitôt, avant même de l’avoir décidé, il s’est élevé dans les airs, a pris de la vitesse et s’est mis à voler de toutes ses forces vers la présence de son meilleur ami. Plus tard, probablement, prendrait-il le temps d’analyser le paysage qui se déroulait devant ses yeux, de connaître son nouvel environnement. Plus tard également prendrait-il le temps de réfléchir au fait que son vol est un peu moins certain, sa vitesse un peu moins rapide, ses sens un peu moins précis, et de chercher les causes de la perturbation de ses pouvoirs. Plus tard, oui. Mais, pour le moment, une seule chose comptait : retrouver Damian.

Et Jon, prit dans son élan, a tout juste le temps de remarquer que, si la ville qui s’étend autour de la propriété des Wayne n’est pas Gotham, c’est bien vers le manoir Wayne qu’il se précipite. Tout juste le temps de remarquer que la fenêtre est fermée avant qu’elle ne vole en éclat sous son impact. Et tout juste le temps de freiner un tant soit peu sa vitesse pour ne pas percuter de plein fouet son ami, parvenant à lui avant les bouts de verre et le protégeant par la même alors qu’il le serre dans ses bras dans une étreinte vive, mais qui ne saurait le blesser pour autant. « Damian ! » L’exclamation est pleine de cette joie si pure, de celle où l’on entend sans peine le sourire encore juvénile de ce si jeune Superman. Et il faut quelques longues secondes, celles pendant lesquels Jon peut prendre le temps de se rassurer de la santé et de la présence de son ami et avant que Damian ne trouve ce geste si insupportable qu’il ne veuille le repousser violemment, avant que Jon ne s’écarte, les mains sur ses épaules, sans totalement le lâcher : « Comment vas-tu ? Où est-ce qu’on est ? Qu’est-ce qu’il se passe, ici ? » Autant de questions qui se précipitent à ses lèvres alors que son regard d’un bleu perçant vient se figer dans celui du jeune homme qui lui fait face. Un Damian… plus vieux, se rend-il compte, que la dernière fois qu’il l’a vu. Mais surtout, un Damian qui ne peut qu’avoir les réponses qu’il lui manque. Parce qu’il est Robin.

Parce qu’il est Damian.

Damian parcourait les couloirs du manoir en prenant possession des lieux comme s'il en était le propriétaire. Ce qui, dans un sens, était le cas, partageant le nom du maître des lieux et son héritage. La plante de ses pieds épousait la tiédeur du bois vernis, dont le duramen ressortait d'un orange éclatant à la lumière des fenêtres anciennes. Il était une silhouette frêle marchant au milieu des gardiens des lieux encadrés sur les murs imposants, mais il était ici, plus que quiconque, à sa place. C'était ce qu'il s'était employé à imposer ici dès son arrivée, domestiquant les lieux, décidant de s'opposer à leurs intimidations alors même que sa relation tumultueuse avec son père lui demandait plus que jamais de s'imposer. A l'époque, il était hors de question pour lui de raser les murs comme un animal des rues. Aujourd'hui il était plus en paix avec les longs corridors et le murmure du vent qui s'y engouffrait, trouvant un attrait certain à l'odeur discrète des produits ménagers qui se mêlait à celle du vieux bois.

Alors qu'il se rendait vers le salon, il s'arrêta quelques minutes pour observer l'un des plus grand portrait, représentant ce qui avait été perdu au détour d'une ruelle sombre lors d'un soir festif. Et à côté il y avait ce portrait, représentant Bruce et sa famille, tous de noir vêtu ; commencé à être peint juste avant sa mort.  Sans aucun regard pour le surprendre, il prit le temps de l'observer, laissant un peu de la pression de ses épaules retomber alors qu'il constatait sa présence, au côté des deux autres Robin, d'Alfred et de son père. Ca appaisait fugacement son sentiment de solitude. Il sentit un poids taper ses jambes et se tourna vers Titus, comme un rappel qu'il était également présent sur le tableau. Doucement, les doigts esquintés du brun se glissèrent dans son doux pelage sombre.

Il mit fin à ce moment de flottement et recommença son périple. La nuit avait été, comme d'habitude, très exigeante en énergie. Les rayons du soleil s'était levé pour marquer une journée sans études, sans obligation autre que se reposer. Ce qu'il allait évidemment mettre à profit pour revoir ses informations collectées concernant le crime organisé de Gotham. Quand il rentra dans la cuisine, il attrapa une barre protéinée et une gourde, profitant de l'absence du majordome, occupé à d'autres tâches et il alla s'affaler sur le canapé du salon attenant avec sa tablette. Il tapa sur ses genoux et 50 kilos de poil sentant encore bon le shampoing fait la veille vinrent alourdir ses jambes alors que le chien posait sagement son menton sur sa cuisse.


Et il passa ainsi une bonne partie de sa matinée à remonter les informations collectées les dernières semaines. De nombreux groupes agissaient à Nowhere, divers et variés et surtout couvert par le blanchissement totale de leur action à leur arrivé en ville. C'était d'autant plus dur de remonter les chaînes de commandement que tout était à refaire ici ; le besoin de refaire un réseau, de collecter des informations fraiches avec très peu de traces laissées. Damian répugnait à penser qu'il faisait de Todd sa priorité ; rien que les mots étaient une absurdité. Todd. Une priorité. Leur dernière rencontre avait bien prouvé la supériorité de Damian sur lui. Le criminel était plus jeune et moins expérimenté que celui qu'il connaissait de sa terre. C'était pour dire le niveau de ses compétences. Cependant, il fallait bien reconnaître qu'il était un problème bien plus lourd que quand il jouait les anti-héros dramatiques à Gotham et un peu tout autour du monde. Et plus grave ; que cela perturbait son père et donc par extension Batman. C'est pour ça que Damian avait décidé d'enquêter sur lui pour le débusquer, le mettre hors d'état de nuire, peut-être même lui faire retrouver la raison qu'il n'avait jamais eu -mais ça il ne pouvait promettre l'impossible- et enfin présenter l'affaire régler à son père. Ainsi plus de problème et plus de figure paternelle en dérive pénitente.

Arrivé en début d'après-midi, Damian s'étira et se leva en posant la tête du molosse endormie sur un oreiller à la place de sa cuisse ; à la manière dont un aventurier intervertirait un trésor et une pierre pour ne pas déclencher un piège mortel. Doucement, il se dirigea vers l'entrée de la cave, passant par le hall central. Un éclat dans la vitre, à peine le temps de lever un batarang dans sa ceinture alors qu'il était déjà encerclé par des bras puissants. Le sang dans ses veines pulsa puissamment, ses pupilles se firent petites et glaciales alors que son mouvement continuait pour planter sa lame dans la nuque de son opposant. Il eut à peine le temps de penser au fait que les alarmes du manoir avaient dû se déclencher et qu'il lui fallait surtout gagner du temps en attente de renfort que son esprit fini par analyser réellement la scène.

Kent. Sa voix était toujours la même ; toujours si enjouée. Le garçon cligna des yeux, un peu hébété alors qu'il entendait les jambes de Titus patiner sur le sol ciré et courir vers eux, esquivant miraculeusement les débris de verre qui brillaient au soleil. Sûrement à la base pour arrêter l'intrus. Mais en voyant l'intrus, le chien changea de tactique. Et c'est quand Jon le lâcha (peut-être un peu trop tôt), que l'animal sauta devant lui, quémandant son attention. Jon Kent. S'il y avait bien une personne qu'il avait refusé d'imaginer arriver pour éviter d'en faire une idée obsessionnelle, c'était lui.

Et le voilà. Damian reprit le souffle qu'il ne pensait pas lui manquer, reprenant le rôle de mentor qu'il avait toujours eu pour Kent. Il était une sorte de phare qui le guidait sur les mers de l'ignorance.

"Kent..." Il retint un déglutissement et croisa les bras sur son torse. "J'espère que tu es prêt à expliquer à Alfred pourquoi il faut remplacer la fenêtre qui a été réparé la semaine dernière ?" Il était si heureux de le voir, s'en était étourdissant car il n'était pas réellement quelqu'un de joyeux d'habitude. "Je vais très bien, je sais m'occuper de moi-même. Toi par contre. " Il analysa sa stature pour essayer d'y déceler des marques ou des inconforts. "On est dans mon manoir vandalisé." Damian savait bien ce que voulait lui demander le super, mais y mettre les formes n'étaient pas inutiles. "Et nous sommes à Nowhere. Tu dois bien avoir vu un peu ce qu'il se passe ici. Tu n'es pas arrivé ici en fonçant vers le manoir sans te renseigner avant comme un imbécile ?" Il prit quelques secondes et soupira. "Bien sûr que si, c'est précisément ce que tu as fait. J'imagine que ce n'est pas plus mal. Accompagne-moi à la bat-cave. Je te laisse porter Titus. Si une écharde de verre se plante dans ses coussinets, je t'en tiendrais personnellement responsable." Damian lui fit dos en repartant vers le bureau où se trouvait l'horloge. Il se sentait un peu plus à l'aise, dos à Jon pour éviter de lui montrer ses émotions, même s'il savait que son cœur battant à sa vive cadence ne pouvait pas échapper au kryptonien. C'est pourquoi il commença des exercices de respiration en avançant. Il actionna l'horloge et laissa le plus grand passer. "Avant que je commence à tout t'expliquer, quel est la dernière chose dont tu te souviens ?"

Jon va trop vite. Jon vit trop vite, comme le lui a parfois déjà dit sa mère en riant. Mais ce n’est pas de sa faute, pas vraiment, en tout cas. Parce que s’il le voulait, il pourrait passer toute sa vie à une vitesse surhumaine, tant et si bien que ceux n’étant pas dotés de supervitesse ne pourraient qu’à peine l’entrapercevoir. La première fois que ce pouvoir-là s’est déclenché, il s’est même retrouvé en Chine avant même de comprendre réellement ce qui lui arrivait ! Il lui a fallu du temps, et de l’entraînement, pour parvenir à ce que ne lui échappent plus de gestes trop rapides malencontreux, d’autant plus quand il devait encore conserver son identité secrète. Alors oui, Jon vit vite, trop vite. Et c’est probablement la seule chose qui lui permet de se rendre compte du geste de Robin avant que celui-ci ne soit terminé ; toute autre personne, à n’en pas douter, aurait senti le batarang s’enfoncer dans sa nuque, avec toutes les blessures potentielles que cela aurait pu lui occasionner. Mais Jon étant Jon, l’arme de métal ne fait que ricocher sur la peau aussi dure que de l’acier du jeune métis kryptonien. "Heureusement que c'est moi, tu aurais pu blesser quelqu'un." qu'il chuchote à peine.

L’instant d’après, cependant, le geste est momentanément oublié, relégué dans un coin de son esprit, le temps de serrer fort – non pas de toutes ses forces, il est hors de question de le blesser – dans ses bras. Bien sûr, il note la respiration qui se coupe avant de reprendre, légèrement plus erratique qu’à l’ordinaire, bien sûr, il note également les battements de cœur qui s’affolent, avant de redevenir plus réguliers, sans toutefois retrouver leur vitesse normale. Mais tout cela, Jon étant Jon, il n’a aucune peine à le mettre sur le compte de la surprise qu’il vient de lui faire vivre. Et même si lui-même trouve cette étreinte apaisante, confortable, même. Et c’est tout ce qui lui importe.

Sauf que ça ne dure pas et que, si Damian a visiblement accepté de se prêter aux jeux quelques secondes, son ton devient bien vite celui de la récrimination. Et si les traits du jeune homme se tordent un instant d’une grimace contrariée, il est difficile de savoir si c’est parce que Damian l’appelle par son nom de famille, ce que Jon déteste, ou parce qu’il ne répond pas à ses questions immédiatement, ce à quoi Jon aurait dû bien entendu s’attendre. Les marmonnements quelque peu mécontents qui le font un instant ressembler à l’enfant qu’il n’est plus depuis longtemps, au vu des épreuves traversées, permettent cependant d’opter facilement pour la première option alors que s’échappent de sa bouche un boudeur : « Jon, pas Kent, Kent c’est mon père. » Damian reprend beaucoup trop vite cette habitude de l’appeler par son nom de famille, une habitude que son meilleur ami a toujours tendance à reprendre un peu trop facilement à son goût. Mais l’attention du jeune super-héros est aussitôt détournée par le bruit des pattes d’un animal s’approchant en furie et venant lui faire la fête, l’obligeant bien malgré lui à totalement relâcher Damian, aussi bien que par les reproches de ce dernier. Il ne peut s’empêcher cependant de s’écrier en réceptionnant le chien qui a déjà commencé à lui faire sa fête : « Titus ! Toi aussi tu m’as manqué mon grand. » Avant de prendre un air contrit, le même qu’il offrira sans doute à Alfred au moment où il devra, face au majordome, assumer entièrement sa dernière erreur en date. Le même qui lui donne, d’après Nightwing en personne, l’air d’un chiot mouillé que l’on menacerait d’abandonner sur le bord de la route. Le même auquel si peu savent résister. Dont Damian, même s’il ne l’avouerait probablement jamais, même sous la torture.

Pourtant, même si les reproches de Damian continuent de pleuvoir, même si Jon veut bien admettre qu’il a un peu foncé tête baisser sans se préoccuper de rien d’autre que de retrouver le seul point fixe de familiarité qu’il pouvait ressentir à la ronde, qu’il n’a pensé qu’à une chose, sur le moment et dans un début de panique, à le retrouver, lui, c’est un sourire qui revient rapidement prendre place sur ses lèvres. Même alors qu’il tente de timides excuses, qu’il passe une main un peu nerveuse dans ses cheveux, dans un mouvement de gêne qui le fait bien trop ressembler à son père, tout en balbutiant un : « Désolé pour ça, je réparerai moi-même, ce sera vite fait. » quand Damian évoque le manoir soi-disant vandalisé – comme si Jon avait quoi que ce soit d’un vandale, enfin ! – le sourire brille dans ses yeux. Parce que c’est Damian, et qu’il le connaît. Parce qu’ils sont amis depuis tellement longtemps désormais, qu’il a appris à le lire, un peu. Oh, il ne saurait se vanter de tout savoir de lui, Damian se gardant bien de se dévoiler entièrement, même à lui. Mais Jon le connaît assez, même si les années vécues de son côté dans une autre dimension n’ont été que trois semaines pour l’autre, pour être persuadé que Damian est malgré tout heureux de le revoir. A quel point, il ne saurait le dire, et même si la tentation est grande, il se refuse d’user de ses pouvoirs pour forcer l’intimité de son ami en inspectant les signes qui pourraient le lui montrer, mais bien assez en tout cas pour savoir que sa propre joie de le retrouver est, au moins en partie, partagée.

Et alors qu’il obéit à Damian, alors qu’il prend soin de soulever un Titus plutôt surpris mais visiblement ravi de se faire ainsi transporté afin que ce dernier ne se blesse pas, le jeune homme réfléchit quelques instants à la réponse, le ton de sa voix soudain plus grave, plus sérieux : « Je ne sais pas, je n’ai pas… Je n’ai pas vraiment eu le temps de voir. Tout est allé très vite, c’est comme si le monde s’effondrait sur lui-même, mais je n’ai rien pu faire et mon père n’était pas là et… Et je me suis réveillé ici. C’est tout ce dont je me souviens. » Si Damian veut en savoir un peu plus sur ce qu’il s’est passé, Jon peut lui donner plus de détail, même si le poids de son propre échec commence à venir doucement appuyer sur son cœur. Parce qu’il réalise, enfin. Qu’il n’est plus dans son monde, et qu’il ne sait pas ce qu’il s’y est passé. Qu’il a visiblement échoué à le protéger, alors que c’était là la mission que son père lui avait donnée. Est-ce que tout cela n’était pas, au fond, de sa faute ? Il ne pouvait le savoir, ne pouvait deviner les réponses. Mais s’il y avait bien une personne qui pouvait les avoir, c’était bien Damian, et il venait de promettre de tout lui expliquer.

Réconforté par cette idée, Jon suit son ami dans les couloirs du manoir, avant de finir par enfin remarquer ce qui, jusqu’alors, ne lui avait paru qu’un détail. Mais un détail qui a en réalité plus que toute son importance. Et en moins d’une seconde, ses préoccupations précédentes momentanément mises de côté, le voilà qui dépasse son ami pour lui faire de nouveau face, un sourire que l’autre aime bien souvent qualifier de niais plus grand encore que d’habitude ourlant ses lèvres presque malgré lui : « Mais Damian, tu as grandi ! Je ne sais pas ce qu’il s’est passé, mais tu as grandi ! On dirait qu’on a le même âge, maintenant ! » Enfin, peu ou prou, Jon n’est pas à une année près ; il faut dire que la relation qu’ils entretiennent a été entremêlée par ses différences temporelles. Lorsqu’ils se sont connus, Jon n’avait que 10 ans, Damian 13. Lorsque Jon est revenu de la terre parallèle sur laquelle le double de son père l’avait emprisonné, Damian avait 14 ans, et lui 17. Et maintenant ? Maintenant, le plus gros de l’adolescence de son ami semblait derrière lui et sans vouloir être trop précis, Jon leur donnait des âges bien plus proches. Et puis, Damian avait grandi, indéniablement. Ce qui, dans la bouche de tout autre, aurait pu être une moquerie quant à sa taille qui restait plus petite que celle de Jon, venant du jeune Superman, ça n’en était absolument pas une. Les faits étaient simplement là. Damian avait grandi, et cette nouvelle mettait Jon en joie. Quoi que cela veuille dire sur le monde dans lequel il l’avait retrouvé.