Reaching for the Red Sun - Gortash

Ego pourfendu. Krane tourna la tête de côté pour mieux apprécier l’homme face à lui et son visage se parant d’un masque d’ombre. La réaction fit ronronner la bête au fond de lui alors qu’il goûtait à l’intensité de la colère de l’inventeur ; si brute, si pure. Quel gâchis qu’elle lui fut destiné. Sa contemplation était totale, accaparée comme un spectateur devant une pièce dont il n’était pas l’acteur. Il accueillit la suite sans s’y opposer, admirant les nuances de parmes qui s’échappaient de la gemme aux milles éclats, dressant l’oreille pour savourer le vacarme de fer que faisait l’armure derrière lui quelques instants avant de l’encercler. Tout était monstrueusement familier…

Il fut sur ses jambes en l’espace d’un instant et quand la poigne de métal l’agrippa de nouveau, la température chuta drastiquement et un crépitement fendit l’air dans un bruit tonnant, celui qu’on entendrait au plus près de l’orage. Cependant, la tempête ne se déclara pas. Au contraire, ainsi encagé, l’homme sans passé défia son interlocuteur d’un regard affamé. Le défier de procéder, de réduire son corps en un sac d’os brisé ; de céder à la destruction plus qu’à un rafistolage en vertu de souvenirs. Oh, il avait envie de le voir céder si fort, il en ignorait la raison qui rendait acceptable d’en être l’outil même s’il fallait pour cela être consumé. Encore de sombres pulsions, mais cette fois plus intimes. Qui s’enroulaient autour de son cœur et cherchait à atteindre Gortash.

Etait-ce comme un parasite, prompte à changer d’hôte ou plutôt comme une plante déployant ses racines sans considération pour la chair qui lui barrait le passage ; éclosant au soleil dans le reste de leurs orbites ?  Son corps fut lâché et il sentit à la fois une brûlante déception et un soulagement immense. Soulagement de ne pas avoir été celui décidant de son propre sort au risque de ne pas plaider son existence avec beaucoup de volonté.

Il releva son visage avec une docilité dangereuse et prit connaissance des paroles de l’homme aux doigts dorés. Un sourire qu’il n’a pas décidé se dessine sur ses lèvres alors qu’il reçoit le ton sec de son homologue comme la marque d’un renouveau accepté ; le ton de Gortash n’était plus celui d’un vieil ami, le vieil ami que Krane n’était plus et dont il se sentait presque jaloux. Pendant quelques secondes satisfaisantes, il eut l’impression que l’inventeur face à lui parlait à ce qu’il était à l’instant ; c’est-à-dire pas grand-chose.

Loque affaiblie, il n’en demeurait pas moins ne pas être les sombres pulsions que tous semblaient concevoir comme sa seule échappatoire.

On ne pouvait pas dire que le mensonge du brun le prit au dépourvu. Déception de l’apprendre, soulagement de se savoir ne pas avoir été répudié. Voilà des sentiments contraires qu’il commençait à bien connaître. Leurs alternances étaient constantes.

« Alors pourquoi avoir menti ? » Pourquoi ? La question pouvait sembler inutile, car la réponse semblait de toute évidence se trouver dans la domination que Gortash aurait pu lui imposer. Et pourtant, il avait besoin de l’entendre. Il ne se releva pas réellement, le vent le portant lentement sur ses pieds alors que ses pieds retrouvaient le sol dans un claquement de talon qui raisonna dans la pièce vide.

« Pourquoi vous rejeter dans le cas où ce n’est pas votre intention ? J’accepte votre assistance mais pas votre omniscience, je ne veux pas de solution sans quoi son issu n’en sera que vide. »

Il souleva son propre haut et observa les ecchymoses sur sa peau, les yeux pétillants . Il rajouta. « Votre colère est aussi brutale que délicieuse. »

Krane s'est laissé faire et quelque chose dans son regard a frappé l'inventeur ; son ancien allié quémandait la mise à mort. C'est allé au-delà de la simple excitation. Le visage de Gortash se durcit à cette idée, la réprobation froisse ses lèvres mais il effectue un pas de recul le temps de penser. Il s'attendait à de l'opposition et doit délibérer. Déterminer si ce qu'il reçoit lui convient ou non.
L'autre homme lui a confié ne plus savoir qui il est ou ce qu'il veut être - cependant ces sombres pulsions, ces voix, ne le quittent pas et entendent le remettre sur un chemin laissé inachevé. Se ressent il poursuivi par un destin préétabli, sans savoir dire s'il veut l'embrasser ou y résister ? Cela pourrait expliquer la manière dont il était prêt à accueillir la fin, qui l'aurait affranchi de ces liens indéchiffrables. Enfin il aurait pu se l'imaginer, dans les faits Bhaal lui aurait réservé une après-vie de souffrances imprononçables. On n'échappe pas si facilement à son maître, Enver en sait quelque chose.
Si l'incertitude l'enfièvre et qu'il hésite à réemprunter le sentier sanglant de son Père, la logique voudrait qu'il ne se laisse pas plus convaincre par les promesses de grandeur de Gortash - car celles-ci font suite, elles également, à une histoire à laquelle il n'a plus accès. Enver souhaite t-il se satisfaire des miettes ?
Un nouveau deuil alors qu'il n'a pas eu le temps de porter le précédent. Et qu'il n'a pas plus le temps, maintenant, de connaître cet état d'âme. Ses ambitions ne le permettent pas. La contrariété traverse ses traits mais il ne se laisse pas saisir par elle et lève le menton. Il ferme puissamment les paupières et se remémore le choc de leurs corps. Une langue incandescente traverse son ventre. Il n'aurait eu cette faiblesse pour aucun autre.
Enver le regarde de pied en cap, sans dissimuler sa soif, avant de répondre d'une voix franche et un rien impérative. "Je voulais savoir qui se trouvait devant moi. Vous pousser à réagir." Son mensonge étant à ses yeux pleinement légitime, le tyran passe rapidement à autre chose. "Mais vous n'aviez pas besoin de ça. Ces voix vous exhortent déjà suffisamment à agir. Sans vous demander ce que vous voulez." Il entend démontrer qu'il le comprend, son intonation est donc plus mesurée et moins dominatrice. "Je n'ai pas de solution mais des pistes à vous fournir. Vos questions, posez-les moi."
S'il pouvait respecter la dévotion de Krane, il n'a jamais apprécié l'auto-flagellation que lui imposait Bhaal. Ni même l'emprise que le dieu du Meurtre exerçait sur lui par le biais de ses commandements. Peut-être que, sans qu'il se l'admette, cela lui rappelait de trop près ses propres parents. Je ne vous rejetterai pas. Vous me suffisez tel que je vous vois. Même amoindri. Même perdu." Cette phrase est à la fois manipulatrice et sincère et pour l'appuyer, Gortash s'approche de nouveau de l'assassin, jusqu'à effleurer son visage. Lorsque Krane se dévêtit pour contempler ses ecchymoses un nouveau trait de feu glisse dans les entrailles du tyran et un sourire satisfait et indéniablement possessif remonte l'angle de ses lèvres.
Il saisit la taille de l'autre homme pour le ramener fermement contre lui, relève avec autorité ses étoffes pour faire naviguer sa main de fer le long de ses côtes. La plaie qui barre son propre torse saigne abondamment et se partage à l'autre peau. Enver presse davantage l'étreinte. 'Ce n'était qu'un avant-goût.' Répond t-il de manière suggestive, un sourcil haussé. Ses doigts d'or empoignent vigoureusement le menton de Krane et ses yeux plongent dans les siens comme on signerait une promesse. "Vous voilà au moins fixé sur une chose : vous aimez ça." Ses lèvres s'approchent dangereusement des siennes. Il peut au moins avoir ça. Combien de fois a t-il pensé à le toucher ? Leur entente était bien trop sacralisée pour qu'il franchisse le pas. Mais ce n'est plus le cas.

L’homme face à lui sembla, non pas s’apaiser mais s’aplanir, les vagues retombant et la surface de de ses émotions reflétant une quiétude factice. Cependant Krane ne s’y trompa, ce n’était pas de l’humilité ni une prise de conscience soudaine. Il ne pouvait qu’en déduire que c’était le fait de leur lien spécial, implanté profondément en eux. Si Gortash ne se priva pas des mots pour lui rappeler son état de pathétisme, Le vagabond en apprécia sa sincérité ; il n’avait pas besoin qu’on le berce d’un récit où il était entier et aussi capable que dans sa vie antérieur.

De retour à une forme d’intimité qui s’était temporairement balayée suite à son rejet, Dark Urge senti l’odeur fleurie de l’inventeur qui s’approchait de lui. Ses effluves aromatiques prenant d’assaut son odorat développé alors que le métal des bijoux couraient sur sa peau. Il frémit à la sensation familière du métal contre sa peau, se tendant avec délice comme si il s’agissait d’une dague rituelle qui courrait sur sa peau. Le menton prit en étau, il redressa le visage avec un sourire rêveur. Les images qui assiégés sont esprits étaient effroyablement violentes et tentatrices ; alimentés d’autant plus par les stries sanguinolantes qui courrait le long du torse tanné de l’élu de Bane, se glissant dans chaque relief et chutant le long de son ventre, disparaissant dans les méandres de ses vêtements. Son esprit malade imaginait sans peine ces barrières se déchirer sous son action, révéler le creux de ses chairs finement tinté de rouge. Un avant-goût avant qu’il ne fasse éclore les sources d’un sang épais et chaud sur la terre fertile de ses chairs sensibles.
Un déglutissement fit rouler sa pomme d’Adam alors que ses yeux se fendaient,

Ses sentiments pour l’homme face à lui ne lui semblaient pas nouveaux et pourtant, il avait comme un sentiment de nouveauté ; comme si il n’avait jamais consommé ce type de réunion avec l’ambitieux. Si Gortash taisait la réciprocité, l’ancien fils de Bhaal ne le laisserait pas la nier. Ses lèvres s’entrouvrirent sur une rangée de dents au blanc resplendissant  et sur une langue se glissant entre les deux rangées de barrières opalines avant de se rétracter. Redécouvrant une nouvelle fois que son corps n’était plus le même, plus bâtie comme auparavant et que tout son être était trompé par sa nouvelle condition. Alors de ses deux mains, il attrapa la tête de l’homme influent, encadrant sa nuque et sa tempe de ses paumes solides avant de se jeter dans sa bouche ; le siège de ses mensonges mais aussi de ses promesses.  Il retint ses morsures sauvages, piquant ses lèvres sans les fendre, cueillant à peine quelques gouttes pour les étaler des siennes sur leurs peaux. Quand il recula, c’est pour mieux plonger dans ses yeux, lui renvoyant son reflet à travers un miroir affamé et fanatiquement envieux.

« Assez de savoir ce que j’aime ou non. » D’un mouvement aussi vif que fort il se projeta contre le mur, tenant Gortash au milieu de ses bras. « Proie ou prédateur, j’en ai assez de devoir me positionner. Je n’ai qu’une volonté ; vous dévorer; »

Gortash n'aurait pas accepté un allié faible à ses côtés. Si Krane s'était montré docile, à ce point différent de l'homme qu'il a connu, il l'aurait puni. Le tyran n'aurait pas pu accepter pareille frustration. Il n'a jamais recherché sa servilité, il voulait au contraire trouver en lui un égal. L'assassin se doit donc d'être suffisamment fort pour se tenir à la même hauteur que lui, sans quoi il bafouerait tout ce qu'il représentait de spécial. Peut-être que l'élu de Bane serait resté sur sa faim, avec l'âpre goût en bouche de ce qui aurait pu être, mais son châtiment aurait été impitoyable.
Enver peut toutefois tolérer son amnésie et même son affaiblissement tant que cela n'altère pas son répondant et surtout son potentiel. Qu'importe s'il décide ou non de se rallier à Bhaal, là n'est pas la question, Gortash n'a jamais perçu son zélotisme comme une entrave ou comme une nécessité. Il lui laisse ce choix et pourrait même lui donner les moyens de l'affirmer. Contrairement à Ketheric, Krane comportait une valeur intrinsèque avant et au-delà de son rôle d'élu.
Le despote n'est usuellement pas de ceux qui raccommodent, se débarrassant des pions défectueux avant qu'ils n'enrayent le système, cependant son allié de longue date n'est pas un vulgaire pantin - pas uniquement un moyen pour une fin. Ils avaient une relation, la seule qui ait été un jour sincère. Krane n'est pas interchangeable quand bien même Gortash pourrait s'en passer. Il ne réattribuerait son rang à personne d'autre.

L'envie qui serpente dans les yeux de Krane est agréable à voir. Aucune trace de soumission ; ça lui avait manqué.
Les dents qui s'abattent sur ses lèvres sont enfin décidées. C'est précisément ce que Gortash attendait. Il a toujours eu de l'appétit pour la sauvagerie du rejeton de Bhaal ainsi que du respect pour son efficacité - il ne l'aurait pas laissé peindre un carnage insipide sur ses traits mais consent à lui donner quelques goutes de son sang, en contrepartie de la faim qu'il est parvenu à attiser dans ses propres entrailles.
La poigne qui s'exerce de sa nuque à sa tempe est ferme, envieuse, l'élu de Bane lui permet de le toucher ainsi mais ne cède rien de plus. Il contrôle parfaitement ses propres envies et entend donner le rythme. Jusqu'à ce qu'il puisse s'écrire, en temps, à quatre mains.