It leaves room for you and me ft Vox

Là. Elle était enfin là, la réaction qu’il cherchait. Il était enfin là, ce sérieux teintait d’une colère qui pointait le bout de son nez. Les accents d’une révolte contre une situation que Valentino devait considérée comme étant parfaitement injuste – comme il devait, en cet instant, trouver Vox injuste dans ses propos – qui venait lui prouver que tout ça n’était pas qu’un jeu pour l’autre homme. Cela aurait dû l’être, pourtant. En enfer, cela l’aurait même été. Un jeu aux règles mal définies car jamais vraiment discutées, aux aspérités un peu trop coupantes sur les bords, mais un jeu malgré tout auxquels tous les joueurs, Velvette, Valentino et lui prenaient part volontiers, s’amusant et se déchirant parfois autour de quelques pions. Mais ils n’étaient plus en enfer, désormais, et Vox n’avait pas envie de jouer. Et Valentino venait enfin de le comprendre.

L’ancien démon des nouvelles technologies cache pourtant ce sentiment de satisfaction malsaine qui vient gonfler dans sa poitrine en limitant tout sourire devant les mots furieux de l’autre. La situation n’est peut-être pas aussi critique ce qui aurait pu être à craindre puisque Valentino semble, enfin, comprendre les reproches légitimes à son encontre. Pourtant, Vox n’est pas prêt de laisser passer tout cela si facilement. Même si la salive vient un instant de se bloquer dans sa gorge, même si son envie est de plus en plus croissante à voir ainsi Valentino découvrir son corps magnifiquement engoncé dans l’une de ses tuniques d’un noir profond, laissant apparaître ses jambes galbées dans quelques collants résines qu’il ne rêve que de déchirer de ses dents, tout aussi magnifique à ses yeux dans cette nouvelle apparence humaine que dans celle du papillon de nuit qu’il lui avait toujours connue jusqu’à présent, Vox reste campé sur ses positions, dans une attitude des plus exécrable. Parce qu’il sait très bien ce qu’il fait, au moment où il détourne sciemment le regard, qu’il le pose sur sa propre main comme pour inspecter une manucure pourtant absolument parfaite, comme chaque partie de son corps, comme si la présence même de l’autre n’était qu’indifférence. Il sait parfaitement ce qu’il fait, parce qu’il sait que Valentino ne vit que pour attirer les regards et que par-dessus tout, même par-dessus celui de Velvette, c’est le sien qui compte. Il sait qu’il va le faire enrager, à jouer ainsi l’indifférence. Il sait qu’il va le blesser, peut-être même profondément. Et, au fond, c’est exactement ce qu’il veut : le blesser, tout comme l’autre l’a fait avec tant d’insouciance. « Et qu’est-ce que tu comptes faire, seul, alors ? » Et malgré cette indifférence qu’il utilise jusque dans ses mots, dans son ton, chaque mot est très soigneusement pesé. L’utilisation du présent et non du conditionnel, comme si c’était déjà acté que Valentino était invité à se retirer et à vaquer à ses propres occupations. La question plus que ciblée. Et le renvoie à cette solitude qui lui a, a lui-même, tellement pesé en l’absence de ses deux comparses des Vees. En l’absence de Valentino.

Sauf que Valentino est bel et bien là, à ses côtés, de nouveaux. Et qu’il tente encore de l’approcher, d’une façon bien plus douce qu’ils n’en ont tous d’eux l’habitude. Comme pour l’appâter. Pour l’apprivoiser. Comme si cela pouvait suffire à un Vox déchaîné.

Un Vox qui cependant abandonne cette muraille de distance qu’il venait d’instaurer entre eux, la brisant comme pour mieux le déstabiliser. Et oui, Valentino est toujours plus grand que lui. Pourtant, quand la main de Vox vient se saisir de son visage, quand elle s’enfonce dans la peau de sa mâchoire pour le contraindre à se rapprocher, pas assez pour lui faire mal, une fois de plus, juste assez pour l’effrayer, son souffle brûlant d’une jalousie qui refuse toujours de dire son nom venant caresser le visage parfait de son amant : « Alors montre moi à quel point je compte pour toi. Maintenant. » Peu importe la façon, peu importe les intentions. Des mots, des gestes, ou même sa soumission. Il le veut à lui, maintenant, Vox. Il ne veut plus entendre parler d’Angel Dust ou de quiconque d’autre. Il veut voir comment Valentino peut lui appartenir. Tout comme lui-même, même s’il n’est certainement pas prêt à le dire ainsi, peut appartenir à Valentino.

Là. Elle est là. Juste où il la cherche, juste au bon moment. Elle est là, cette blessure profonde qu’il vient d’infliger à Valentino. Elle est là, dans ses yeux, reflet à peine perceptible dans ses lunettes de soleil. Elle est là, dans ce corps qui se recroqueville, l’espace d’un court moment, comme si les mots de Vox n’étaient en réalité que des coups. Elle est là, semblable à l’affront qu’il lui a fait. Car Vox n’oublie jamais. Et, surtout, Vox ne pardonne pas. Pas sans s’être assuré que l’autre avait bien compris la leçon. Même si l’autre était Valentino. Surtout si l’autre était Valentino.

Le bruit qui s’échappe des lèvres de son amant est déjà une victoire à lui tout seul et Vox sait que ce rappel à l’ordre a atteint son but. Oh, bien sûr, il n’est pas certain que Valentino ne dérive pas de nouveau du droit chemin, qu’il ne tente pas, par la suite, de faire passer une fois de plus – une fois de trop – cette catin d’Angel Dust avant lui. Si tel est le cas, Vox avisera en temps voulu. Parce qu’il sait que, pour le moment, Valentino a compris. Il peut le voir à cette attitude quémandeuse et pourtant toujours retenue, respectant la distance imposée par Vox. Et, surtout, il peut le voir à son regard qui s’allume quand Vox l’attire à lui, plus menaçant pourtant que jamais.

Mais ils se connaissent, lui et Valentino. Peut-être mieux que personne, même que Velvette – qui les connaît déjà tous les deux par cœur. Et même si Vox peut se targuer de toujours mener l’autre là où il le veut, il sait aussi que Valentino n’est pas dupe. Qu’il ne lui fera pas de mal pour cette incartade – pas, en tout cas, plus qu’il ne le juge nécessaire. Qu’il a toute latitude pour se faire pardonner, dès maintenant. Et que Vox le laissera faire. Parce que c’est Valentino. Son si dangereux papillon. Et parce qu’il ne laissera jamais à personne le plaisir de le posséder comme lui-même peut le faire. Corps, esprit. Et âme.

« Je suis impatient de voir ça. » Sa voix se fait plus grave, plus rauque, alors qu’il attire Valentino dans un baiser profond, possessif. Sa main, à son tour, glisse le long de ce corps à désormais forme humaine qu’il redécouvre. Le tissu si doux auquel ses doigts s’accrochent. Les mailles des bas résilles qui ne résisteront pas longtemps à ses assauts. Et cette jambe qu’il soulève pour l’amener à sa hauteur, rendant leur équilibre plus précaire, mais leurs corps plus proches que jamais. Il sait, de toute façon, que Valentino saura tenir. Il connaît sa souplesse et ses habitudes. Mais il veut le voir, encore. Le redécouvrir sous ce jour nouveau. Et s’assurer que personne ne vienne jamais prendre sa place.