Winter Schnee ✦ Because that’s my duty. Now you do yours.

The silence of spring

Une fille marche dans les longs couloirs de pierre d’un manoir.

Elle porte une robe et elle porte un nom. La robe est légère; le nom pèse sur ses épaules en écrasant les parties d’elle qui ne sont pas réglementaires. Elle est l’héritière des Schnee avant d’être la fille de ses parents. Elle est le futur de la famille avant même d’avoir le temps de se construire un présent. Un talent en bourgeon, une sœur aînée au sens du devoir aiguisé. Une création parfaite qui ne voit que son imperfection. Son père commence à lui apprendre les bases du commerce. Il lui apprend comment calculer, comment négocier, comment imposer son opinion. Il lui apprend le pouvoir, et la responsabilité envers les siens.

Mais au sujet du cœur, cet organe inconstant, il ne lui apprend rien.

***

Une adolescente s’élance dans la poussière pour porter un coup fatal.

Le Grimm tombe à ses pieds et s’évapore sous forme de brume noire. Sans un regard pour sa victime, Winter se tourne vers l’homme assis dans les gradins. James Ironwood: un combattant hors pair dont l’ascension fulgurante dans les rangs de l’armée attire autant l’admiration que l’animosité. Il est tout ce que Jacques Schnee n’est pas, car il ne cesse de se sacrifier pour le plus grand bien. Force. Honneur. Discipline. Courage. Ordre. Ses paroles inspirent Winter comme jamais celles de son père ne l’ont fait. Satisfait de voir son aînée exceller dans un nouveau domaine, celui-ci ne se rend pas compte qu’il l’a déjà perdue. Au fil des années, Winter se sent prendre une forme nouvelle. Pas l’héritière parfaite, mais la combattante ultime.

Elle a deux pères; bien plus tard, elle comprendra qu’elle n’en a eu aucun.

The solitude of summer

Une jeune adulte se tient devant les portes de l’Atlas Academy.

C’est le dernier jour de quatre années d’études. Elle ne s’est pas contentée de réussir dans toutes les matières. Non, pour atteindre son but, Winter avait besoin de briller. C’est donc ce qu’elle a fait, repoussant encore et encore les limites de son corps et de son esprit. Pas un seul faux pas. Pas de distractions. Les membres de son équipe sont devenus des collègues en qui elle a pleinement confiance, mais jamais ils n’ont franchi la ligne vers l’amitié. Ironwood lui a appris à cloisonner son cœur, à ravaler la colère qui incendie parfois sa poitrine, la tristesse qui se glisse derrière ses yeux lorsqu’elle voit sa mère cuver son vin, le doute qui fait trembler ses mains. Aujourd’hui, Winter deviendra une chasseresse. Aujourd’hui, elle entrera dans le bureau de son père, son diplôme à la main, le menton levé, et elle lui déclarera son intention de s’enrôler dans l’armée pour seconder Ironwood.

Aujourd’hui, elle croit commencer à sauver le monde.

***

Une soldate d’élite arrive à Beacon Academy.

Elle y rejoint Ironwood pour assurer la sécurité du Vytal Festival Tournament. Sa mission est de courte durée. Trop courte pour rester jusqu’à la fin du tournoi et voir sa sœur Weiss combattre. Trop courte pour s’attarder sur le lien fragile qui l’unit à sa cadette. C’est ainsi depuis qu’elle a rejoint l’armée: les missions se succèdent, parfois en équipe, souvent seule. Action et réaction, repos optionnel, relations personnelles inexistantes. Le mur qu’elle a érigé autour d’elle se hérisse de piques tranchantes et de regards acérés à ceux qui osent critiquer le Général. Sa chambre à l’Atlas Academy est décorée de façon tellement impersonnelle qu’elle serait plus chaleureuse vide.

Il n’y a pas de place pour Winter dans cette vie; la meilleure soldate d’Atlas l’a étouffée.

The fires of fall

La main droite d’Ironwood se retrouve seule dans une pièce avec une vieille dame.

La dame s’appelle Fria, et une vie passée à cacher ses pouvoirs de Winter Maiden a creusé des rides profondes sur son visage doux. Winter est la seule personne autorisée à lui rendre visite, afin d’hériter de ses pouvoirs à sa mort. Dans le tumulte et le chaos qui menacent de détruire son monde, la jeune femme se raccroche à la sérénité de cette chambre d’hôpital où le temps semble s’être arrêté. Les forces de Salem, l’ennemie ultime de toute vie sur Remnant, ne laissent pas un instant de répit aux défenseurs d’Atlas. Entre les efforts désespérés pour rétablir le contact avec les trois autres royaumes, les meurtres dans la ville de Mantle, et la voix du peuple qui crie de plus en plus fort face aux choix d’Ironwood, Winter se sent prise dans un tourbillon où son seule guide est sa froide détermination à faire son devoir.

Si sa sœur doute d’Ironwood, Winter, elle, ne vacille pas. Pas encore.


***

Une soldate blessée enfile sa nouvelle armure.

La main droite de Salem a failli la tuer en essayant de voler le pouvoir de Fria, mais elle ignore les douleurs qui lui meurtrissent le corps. Weiss et sa team sont recherchées pour avoir osé s’opposer à Ironwood, mais elle se dit que ce n’est pas à elle de remettre cette décision en question. Elle réduit son conflit intérieur au silence avec plus de violence que jamais, enfermant ses doutes derrière un regard de glace, poussant le Général à plus de modération sans oser le contredire ouvertement. Suivre les ordres, peu importe le prix à payer. Afficher une foi totale en Ironwood, parce qu’elle y est obligée, parce que si elle ne croit pas en lui, alors en quoi? Le pouvoir de Winter Maiden est à présent entre les mains de Penny, ancienne défenseure de Mantle qui a préféré s’allier à la team de Weiss. Penny, une compagne d’armes qui aurait mérité le nom d’amie, un robot qui montre plus d’émotions que Winter ne s’autorise à en ressentir. Penny, un élément dissident qui doit être contrôlé ou détruit. Une dualité qui n’a pas le droit d’exister, un dilemme continu entre ce que son devoir lui dicte et ce que son cœur lui crie.

La fêlure dans sa confiance envers Ironwood se propage à toute son identité.

The warmth of winter

Une soldate pousse un homme dans un ascenseur.

Il s’appelle Marrow Amin, et elle vient de lui sauver la vie face à Ironwood - mais elle ne ressent que des regrets. Pas d’avoir agi, mais de ne pas avoir agi plus tôt. Beaucoup plus tôt. De décision en décision, Ironwood s’est laissé glisser dans un état impitoyable, où sa victoire sur Salem importe plus que les vies humaines qu’il sacrifie si facilement. Ses opposants sont assassinés sans autre forme de procès. Les habitants de Mantle ont cessé d’être humains à ses yeux; ce ne sont plus que des pions dans son chantage envers Penny. En sauvant Marrow, Winter a fait un choix: celui de s’opposer à son général, son mentor, son deuxième père. Son cœur a agi avant que sa raison n’ait le temps de l’endormir avec des phrases toutes faites sur le devoir et l’honneur. Aujourd’hui, elle fera ce qu’elle aurait dû faire dès le début: prêter allégeance non pas à un homme et ses idées, mais aux citoyens d’Atlas et surtout de Mantle, qui risquent de payer le prix des erreurs d’Ironwood.

Elle n’a encore jamais été aussi brisée; elle n’a encore jamais été aussi entière.

***

La Winter Maiden traverse le portail qui mène à Vacuo.

Elle tue un Grimm qui menace les réfugiés d’Atlas. Son pouvoir nouvellement acquis gronde dans son corps; sa conscience morcelée pulse sous la douleur de flashs horribles qui entravent sa respiration. Un autre Grimm. Elle s’est opposée à Ironwood, elle l’a ouvertement défié. Un autre Grimm encore, plus coriace. Elle l’a combattu et il a essayé de la tuer. Un Ursa dont la gueule béante montre une rangée de crocs effilés. Elle l’a vaincu, son mentor, et elle l’a laissé pour mort. Elle l’a abandonné. Un bref répit. A sa droite, d’autres chasseurs tuent une nuée de Nevermore. Weiss est tombée, dans l’entre-lieu entre Atlas et Vacuo. Un autre Grimm. Weiss est tombée. Un autre Grimm. Tombée. Elle est tombée, et Winter n’a rien pu faire. Elle est tombée, et Winter n’a rien fait. Sa sœur est tombée, et Winter est restée debout. Trois Grimm; elle les bombarde d’éclats de glace et les fait disparaître en fumée. Et Penny… Un autre Ursa; ne pas penser à Penny, à son sacrifice, à sa mort qui a donné à Winter ses pouvoirs actuels. Tuer plus de Grimm. Protéger plus de réfugiés. Ne pas penser, ne pas ressentir.

Elle ferme les yeux, et elle ressent la tristesse qui la ravage. Elle ferme les yeux, et tout s’effondre.

Nowhere, no one

Une milicienne de Nexus combat l’injustice et… Non, elle n’est pas une milicienne. Pas plus qu’elle n’est de Nexus. Et l’injustice ultime, celle d’une vie qui lui a pris sa ville, sa sœur, sa destinée, elle ne pourra jamais la combattre. Winter est plus loin de chez elle qu’elle ne l’a jamais été. Milicienne, certes, mais la risée de la brigade parce qu’elle a perdu tous ses moyens dès le premier combat. Ancienne soldate d’élite reléguée à un travail dans les rues de Nexus, parce que les monstres qui lui déchirent le cœur l’empêchent de combattre ceux de l’Interstice. À Remnant, elle était quelqu’un, elle signifiait quelque chose. À présent, sa vie n’est qu’un éternel épilogue d’une histoire dont elle ne fait plus partie. Quand tout ce pour quoi l’on se bat disparaît, que reste-t-il à faire, sinon se retourner contre soi-même? Se battre contre les regrets qui rongent le sommeil, contre les cauchemars qui surviennent en plein jour, contre la perte qu’un sens du devoir artificiel envers une nouvelle ville ne peut compenser. Se battre contre qui on était, qui on est, sans savoir qui l’on sera demain.

Elle est Winter Schnee, et elle est sa pire ennemie.