Espèce protégée en danger - Donnie

Mikey adore Donnie, à n’en pas douter. Mikey adore chacun de ses frères à part égale, sans aucune préférence. Il adore Raph’ et son côté bougon et il adore le mettre en rogne. Il adore Léo et son assurance et il adore pouvoir y trouver les failles pour le faire enrager. Il adore Donnie et ses élucubrations sans fin et il adore surtout ne pas l’écouter. Il adore vivre avec eux, aussi bien leurs aventures que leurs moments de calme, leurs luttes pour sauver le monde que leurs soirées films et pizzas ou tout autre moment de détentes collectifs qu’ils peuvent partager. Mais il y avait quand même des moments où Donnie avait le chic pour le mettre mal à l’aise. Comme maintenant, alors qu’il ne le quitte pas des yeux. Si les premières secondes ne sont pas si inconfortables, cela commence à durer, durer… Trop, pour que ce soit honnête. Trop, à tel point que Mikey finit même par se demander s’il n’a pas une verrue qui vient de lui pousser sur le nez. Ca dure tellement que ça commence même à devenir inconfortable, tant et si bien que Mikey commence à presque se tortiller pour y échapper. Mais il n’a pas le temps de protester que Donnie l’a déjà saisit par le bras pour qu’il le suive, faisant peu de cas de ses fournitures, lui valant quelques cris d’orfraie de sa part – après tout, il venait de fouler au pied des pigments venant de Turquie et vu que la Turquie n’existait techniquement plus, il ne pourrait certainement pas s’en procurer de nouveau !

Mais il ne pourrait constater les dégâts que plus tard, puisque Donnie semble bien décider à l’entraîner avec lui et que Mikey est bien trop dévoré de curiosité pour garder cela en tête très longtemps. Alors il suit, hochant même la tête quand son frère lui ordonne de ne toucher à rien, bien décidé à se tenir : « Je sais, je sais, sinon, je finis la tête la première dans la benne » qu’il énonce, un peu sarcastique, même si ce type de menace vient bien plus souvent de Raph que de Donnie. Donnie, lui, aurait bien plus tendance à vrai dire à les menacer de faire exploser un à un chacun de leurs organes, le tout pouvant être énoncé avec le plus charmant de ses sourires. Pour autant, Mikey se laisse faire quand Donnie l’enveloppe dans une couverture bariolée qui semble être à domicile dans le laboratoire, se permettant de se complaire dans cette chaleur bienvenue. Car même s’il a retrouvé son enthousiasme en évoquant ce projet avec son frère, il y a toujours ce malaise en lui, caché au creux de son estomac. Un creux que, même s’il ne s’agissait pas d’une quelconque faim – pour une fois ! – pouvait malgré tout être en parti comblé par les attentions de Donnie et le jus de fruit qu’il peut lentement siroter avec force bruits, se tortillant quelque peu pour accentuer le pliant de la paille.

Sauf que Mikey étant Mikey, il ne peut rester très longtemps immobile et commence déjà à s’agiter, débordant de nouveau d’enthousiasme aux propositions de son frère : « Des projectiles ! Quel genre de projectile ? Tu crois que je pourrais avoir des petites bombes de fumées ?! » Il pourrait ainsi repartir dans un grand nuage, comme tout bon ninja qui se respecte – même si oui, bien sûr, il savait que ce n’était là que des clichés éloignés de toute réalité, mais c’était classe ! Déjà, les bras de Mickey ont quitté le cocon offert par son frère, suivi bientôt de tout son corps, telle une chenille abandonnant son nid pour se faire papillon. Sauf qu’au lieu de battre gracieusement des ailes, ce sont ses mains qui viennent commencer à farfouiller sur toutes les étagères, les consignes de son frère déjà largement oubliées. Déjà, ses doigts viennent tourner la roulette d’un télescope qui aurait fait rougir de jalousie n’importe quel astronome amateur, se saisissent d’un jaugeur qui sert à mesurer il ne sait quoi, avant d’être de nouveau totalement happé par les propos de Donnie : « Des matériaux ?! Ca, c’est carrément dans mes cordes ! Dis-moi ce dont tu as besoin et je me débrouillerai pour te le rapporter. Alors, on commence par quoi ?! » Un instant, il ressent comme une pique dans le cœur, un point de nostalgie à la pensée qu’April aurait été totalement preneuse d’une telle aventure à leur côté. Leur sœur de cœur lui manquait tellement ! Mais, comme le disait souvent leur père, il fallait qu’il gère un problème après l’autre. Et pour le moment, le problème était bien en passe de devenir la meilleure des solutions !

Il l’avait su, dès l’instant où Donatello avait enseveli son frère dans la couverture, que ça n’allait pas durer longtemps. L’immobilité ne sied pas au plus jeune des Hamato. Qu’importe, il le regarde en sortir avec un sourire immense, déjà enthousiaste au projet qu’ils vont réaliser ensemble. Angelo est loin d’avoir la moindre once de talent scientifique, mais en motivation et en imagination, il peut en remontrer à presque n’importe qui !

- Des bombes fumigènes, bien sûr ! En les ciblant correctement tu n’auras même pas à avoir les mains libres pour les lancer, ton sac le fera pour toi.

Sa voix chantonnante à imaginer Mikey disparaitre à grand renfort de « bouyakasha » aux yeux de ses ennemis, se fait d’un coup plus sèche dès qu’il se rend compte que Mikey n’a absolument pas tenu la condition sous laquelle il l’avait autorisé à rester dans son laboratoire. La jeune ex tortue fouillait déjà partout, dérangeant ses affaires, bien trop curieux comme à son habitude !

- Mikey arrête. Mikey tu vas faire sauter l’immeuble entier si tu touches à ces boutons ! Reviens plutôt ici, si tu veux aider ! J’aurais dû coudre cette couverture autour de toi, j’aurais peut-être eu une dizaine de minutes avant que tu touches à tout.

Pour être honnête, Donnie n’avait pas obligatoirement besoin de l’aide de son petit frère pour la conception même de son prototype. Et il ne lui avait pas non plus laissé sous le nez de quoi faire sauter l’immeuble. Pas sans un peu de transformation préalable, en tous cas. Mais Donnie savait très bien qu’il devait se méfier même de ce que Mikey pouvait faire comme dégâts avec un simple télescope. Après tout, son petit frère était un champion absolu pour provoquer des catastrophes. -oui, lui aussi, non, ce n’était pas la question, merci bien, les siennes avaient au moins la décence d’avoir un côté fascinant avec la science-.
Mais une attention dispersée comme celle de Michelangelo, dans un milieu au potentiel aussi destructif que son laboratoire, il fallait la canaliser. Alors Donnie tapote son tableau, pour attirer l’attention de son dissipé de frère sur les parties mobiles de son futur sac, à peine esquissé pour le moment.

- C’est là où on en aura besoin. A la jonction entre le sac et le plastron qui apparait. Il nous faut un alliage spécial, un acier carbone tissé au tungstène, du genre qu’on ne trouve que dans les industries super spécialisées de Nexus. Sans ça, tu vas te retrouver avec une vingtaine de kilos sur le dos, au bas mot ! C’est déjà difficilement tolérable pour une armure, mais ridicule en remplacement d’une carapace qui était…

Il a un vague geste englobant son frère, une grimace gênée, incapable de trouver des mots qui ne replongerait pas Mikey dans ses tourments.

- Qui était toi, quoi. Je dois faire mieux que ça !

Il revient à son tableau, le regard sombre. Ce n’est pas quelque chose qu’il peut prendre à la légère. Pas un caprice de Mikey. C’est important. Assez pour qu’il donne, au minimum, son maximum.

- J’ai pu récolter un tuyau ou deux sur les activités de ces magnats de l’industrie, mais pour le moment, avec tout le travail qu’on a ici, je n’ai pas pu encore m’y pencher. Et pour le matériel le plus intéressant, forcément, ils interdisent l’importation ! Ou alors à des prix, je t’assure, c’est du vol.  

Il refuse de baisser les bras, pourtant. Il doit y avoir des moyens de trouver autrement ce qui lui manque. Ou se… Le procurer, d’une façon ou d’une autre.

- Je sais que tu te débrouille avec quasi n’importe quoi, Mikey… Mais ça, je sais même pas où commencer à le chercher !

A part aller directement se fournir à Nexus. Et il commençait à l’envisager.

Mickey était connu, surtout par ses frères, pour être incapable de se concentrer plus de quelques secondes à peine. L’avantage d’être sans cesse rappeler à l’ordre par ladite fratrie, c’était qu’il avait appris à écouter en même temps qu’il faisait… Eh bien, en général, tout et n’importe quoi. Enfin. Pour être totalement honnête, il entendait et écoutait ce qui l’arrangeait. Mais forcément, quand Donnie approuve ses fumigènes et qu’il l’informe qu’il n’aura même pas besoin de ses mains pour les lancer, le benjamin des Hamato ne peut s’empêcher de s’écrier avec enthousiasme : « Oh yes ! Je vais tellement pouvoir botter des c*ls avec ça, ils verront rien venir ! » Et tout à ses habituels débordements, Mickey repose un peu plus fortement l’appareil inconnu qu’il avait pris en main sur le haut des étagères d’où il l’a tiré. Il prend néanmoins la peine d’avoir quelques secondes l’expression désolé sous le ton de reproche de son frère, peu désireux de démolir leur lieu d’habitation – tout, pour ne pas se retrouver de nouveau dans une grotte au fond des égouts, l’appartement était quand même bien plus confortable.

Le cocon de couvertures désormais définitivement envolé de son esprit, Mikey se rapproche donc de son frère, son expression encore un peu contrite disparaissant rapidement, comme toujours. Car déjà, son esprit est concentré sur les explications de son frère, suivant des yeux les schémas esquissés sur son tableau blanc. Et si une brève grimace déforme ses traits à l’évocation de sa carapace aujourd’hui disparue, son attention est bien trop prise par les projets de Donnie pour que cela ne le bouleverse de nouveau – pour le moment, en tout cas. Parce qu’ils allaient donc se confronter à un nouveau problème. Un problème dont, peut-être, il pourrait avoir la solution : « On peut aller en chopper là-bas, alors ! Dans une entreprise qui fait des choses pas nettes, ou mieux ! Tu sais qui est aussi présent à Nexus ? » Mickey laisse quelques secondes de suspens, mais pas plus d’une poignée, trop excité à l’idée de pouvoir étaler un peu ses connaissance : « La Wayne Enterprise y est aussi ! On peut peut-être le contacter, on l’invite autour d’une pizza ou d’un plat de macaronis, je juge pas ses goûts, hein, et puis on lui demande ? Si c’est celui qu’on connaît, je suis sûr qu’il accepterait de nous aider ! »

Après tout, si désormais ils pouvaient se fondre dans la foule sans aucune difficulté, en tant que tortues, ça n’avait bien sûr jamais été le cas et Mr Wayne, Batman, faisait parti de leurs très rares alliés. Bon, il ne leur avait jamais fait don d’aucun matériel, d’accord, mais qui sait, peut-être que le fait d’avoir déjà sauvé le monde à ses côtés aiderait à un petit élan de solidarité ? Mais il leur fallait aussi un plan de secours au cas où ce premier plan ne marche pas et le cerveau de Michelangelo, tournant toujours à mille à l’heure, fourmille déjà de dizaines d’idées : « Ou alors… » La voix de Mickey baisse de quelques tons, son ton se fait plus conspirateur et il se rapproche un peu plus encore de Donnie, se prenant comme toujours un peu trop au jeu de ses propres simagrées : «Ou alors on va directement se servir, je suis sûr qu’on peut passer facilement certaines sécurités. » La seconde d’après, il s’éloigne de nouveau, tout à son enthousiasme renouvelé : « Il faudra juste que je prenne le temps de raccomoder mon masque, j’ai fait un méchant accroc la dernière fois. Mais bon, on a déjà affronter Shredder et son technodrome, c’est pas une petite entreprise malhonnête qui pourrait nous résister ! »

Mickey, donc. Mickey qui ne doute jamais. Mais après tout, ils sont les frères Hamato, et s’ils n’ont plus rien de tortues, ils restent des ninjas surentraînés. A eux quatre, ils pouvaient tout réaliser… Enfin, à eux trois, puisque Léo restait toujours désespérément manquant à l’appel.

Donnie avait beau avoir un cerveau roulant plus vite qu’un bolide, il mit quelques secondes à fixer son petit frère qui, comme d’habitude, avait la maitrise de lui-même et l’immobilité d’une puce sous extasie, avant de parvenir à réagir à la bombe qu’il venait de lui lâcher, négligemment.

-          La Wayne Entreprise ?! Ici ?! Mais alors.. ; Tu crois que… IL est là ?

Batman serait aussi à Nowhere ? Donnie se lève, incapable de rester en place, levant les bras haut au-dessus de sa tête.

-          Et c’est seulement maintenant que tu me le dis ? Depuis quand tu le sais ? Mikey par définition c’est le genre de donnée primaire, fondamentale, qu'il faut partager !

Ça amènerait tout un tas de possibilités nouvelles en ressources, en informations, en possibilités de recherches ! Avec toute la force de l'habitude, Donnie rabaisse ses bras qui s'agitaient déjà en tous sens pour attraper les lunettes de vision nocturnes que Mikey venait de poser sur son nez. Les lentilles convexes lui donnaient un air de caméléon absolument ridicule.

-          On va aller le voir. Il vaut mieux qu'on lui explique qu'on est là, et pourquoi on ne ressemble plus à... ce qu'il connaît de nous. Et si il peut nous aider. Et seulement s'il ne peut pas on ira à Nexus !

Donnie pose les lunettes, fait quelques pas les mains dans le dos, préoccupé. La mégacorporation ConneXion ? Ce n'est pas vraiment des adversaires qu’ils allaient aimer avoir à dos, loin de là. Même si la confiance de Mikey a quelque chose de rassurant, de motivant. Mais Donatello devait rester la voix de la raison, malgré l’attrait immense d’aller fouiller les laboratoires de super technologie.

-          Sans un plan parfait pour y entrer, et surtout en sortir sans se faire repérer, on va se retrouver captif de la corporation la plus puissante du pays ! Alors crois moi que j’ai une immense envie d’aller voir ce qui se cache derrière leurs murs, mais on-ne-fonce-pas-dans-le-tas. Pas cette fois. Et ce n’est pas une question de ne pas vouloir prendre de coups hein ! Bien que je ne sois pas particulièrement fan de ce fait. Raph, lui, te dirais qu’il s’en moque.

Il fait les guillemets avec ses doigts, imitant en exagérant au possible la voix plus grave de leur grand frère.

-          "Je laisse la vie me frapper jusqu’à ce qu’elle soit fatiguée. Et après je rends les coups en double !  "

Avec une grimace, il revient à Mikey, qui vient de faire pour la troisième fois le tour de son laboratoire malgré le sujet passionnant et vital, et surtout, qui le concerne directement. Des fois, Donatello a l’impression d’être face à un poisson dans un bocal, sans cesse en mouvement, incapable de concentration et d’immobilité. Peut-être que c’est dû au fait qu’ils soient des tortues à la base, animal aquatique ? Peut-être que Mikey a un peu trop pris du poisson rouge, plutôt que du reptile à carapace.

Donnie secoue la tête. C’est ridicule, et illogique, et niveau attention qui se disperse, il déteste quand son cerveau se met à dériver sur des sujets aussi primaires, il se laisse trop influencer par son petit frère. Blasé, il lève les yeux au ciel,

-          Il faut qu’on lui en parle. Et laisse tomber ton ancien masque, il est tellement usé, on n’en voudrait même pas pour en faire une carpette. Je t’en ai fait un nouveau.

D’un tiroir, il tire un masque en tissus orange vif, élastique, et parfait, bien entendu, et le lance à son petit frère avec un sourire. Comme il disait, si ils devaient agir, autant le faire bien préparés.

Un instant, Mikey s’arrête de bouger. S’immobilise. C’est assez rare pour être souligné. Plus de masse d’air transporté, plus de mouvements en tout sens qui peuvent paraitre parfois erratique mais qui ont toujours un but - encore faut-il espérer que leur propriétaire se souvienne duquel. Mais non, cette fois, Mikey ne bouge tout simplement plus, observant pendant ces quelques instants avec des yeux aussi morts que ceux d’un poisson sortant d’une casserole son ainé. Quelques secondes qui, quand on le connaît, doivent bien paraître une éternité, devenir presque inquiétantes, en vérité. Jusqu’à ce qu’il prenne soudain un air presque professoral renforcé par les lunettes spéciales qu’il venait de mettre sur son nez, comme s’il reprenait un élève pris en faute : « Enfin, bien sûr qu’il est ici, et je suis sûr que si tu passais un peu moins de temps dans ton labo pour mettre le nez dehors, je suis sûr que tu le saurais. » Même si comme toujours Batman n’était qu’une ombre, qu’une rumeur parcourant la nuit, amenant autant d’espoir que de terreurs dans les cœurs des habitants de Nowhere comme c’était le cas avant pour ceux de Gotham City. Mais même s’ils n’étaient plus des tortues, ils gardaient un pied dans le monde de la nuit et Mikey avait finit par découvrir assez rapidement sa présence. Mais non, effectivement, il n’avait pas pensé à en faire part à ses frères, persuadés qu’eux aussi étaient au courant.

C’était sans compter bien sûr sur cette tête de bois que pouvait être Donatello Hamato quand il s’agissait de ses chères expériences. Tout en reprenant une fois de plus son exploration, comme s’il ne venait pas de faire le tour trois fois de tout le laboratoire, Mikey reprend, le pas toujours aussi léger : « C’est vrai qu’il va pas forcément nous reconnaître, comme ça, j’y avais pas pensé ! On fait quoi, on lui envoie un mot, une lettre mystérieuse ? » Le ton accompagne ce dernier mot, comme si le mystère devait commencer dès à présent. Et s’il n’écoute que d’une oreille les inquiétudes que Donnie étale quant au fait de se retrouver coincé au sein d’une des entreprises de ConneXion – comme s’ils ne s’étaient pas sortis de situation bien pires -, il ne peut s’empêcher de ricaner à son imitation que son frère fait de Raph’, y allant de la sienne pour surenchérir : « Aucune épreuve n'a jamais été surmontée en versant des larmes. » Du Raphaël tout craché, en somme, qui pouvait si facilement foncer tête baissée et en ressortir malgré tout vainqueur, Mikey ne courant que trop souvent dans son sillage. Bon, c’était certain qu’infiltrer une entreprise de haute technologie de Nexus n’aurait rien de vacances sous un chaud soleil d’Espagne, mais c’était faisable, non ? Même si, clairement, aller parler à Monsieur Wayne serait bien plus tranquille.

Connaissant à présent de son point de vue le laboratoire par cœur, Mikey allait enfin s’assoir pour récupérer la boisson généreusement offerte par Donnie un peu plus tôt, quand ce dernier sort ce qui est un cadeau… Non, un véritable trésor à ses yeux. Lui arrachant presque des mains, Mikey en teste aussitôt la matière et l’élasticité, le triturant en tout sens : « Waaah mais il est trop classe ! T’as fais ça quand ?! Oh, tu sais ce qu’on pourrait faire, maintenant ? On pourrait se servir de nos costumes et de nos talents pour faire des combats de rue ou du freefight ! Je suis sûr qu’on pourrait se faire une fortune. » S’imaginant déjà sur des montagnes de billets, Mikey se permets de revenir sur terre, prévoyant toute possible protestation de son frère : « Enfin, tu peux faire arbitre, toi, si tu veux. Mais on va devenir célèbre, moi je te le dis ! » Un bras passé autour des épaules de Donnie, le masque serré dans son poing fermé, le plus jeune des Hamato imagine déjà quelle serait leur vie alors. Après tout, ils étaient entraînés à se battre, non ? Même si une voix ressemblant un peu trop à celle de leur père n’avait de cesse de se rappeler un peu à lui, dans un coin de son esprit encore raisonné.

Le silence dure, et Donatello a juste le temps de commencer à se méfier que Mikey le cloue sur place par son ton professoral. Donnie a l’horrible sensation de s’être fait entièrement possédé par son petit frère. Il ouvre la bouche à plusieurs reprises, la referme, avant de de devoir se contenter, vaincu, d’un regard noir dans sa direction.

-          Excuse-moi d’être occupé ici !

Il sait bien, en réalité, qu’il n’a aucune excuse. Que lui, génie de la famille, à l’esprit d’observation sans égal, chargé en prime de vérifier partout si une trace de présence du membre manquant de la fratrie existe quelque part à Nowhere, ai manqué la présence de BATMAN ?! C’est inexcusable, bien entendu, et son petit frère le sait, et s’en délecte.

Mikey joue avec ses nerfs comme un virtuose joue de son instrument, sans besoin de vérifier sa partition. Et il y parvenait aussi habilement ! Le petit génie se retrouve prit de court. La répartie de Donnie manque cruellement de panache, et l’air bien trop satisfait de lui-même de Mikey lui démontre bien qu’il n’est pas le seul à s’en rendre compte. Pour la peine, Donnie est tenté de bouder en silence, n’offrant en réponse à la jubilation du plus jeune qu’un silence éloquent de dédain. Mais déjà Mikey reprend et son exploration, et le fil de ses pensées. Et un sourire malicieux se dessine sur les lèvres de Donnie, à l’évocation d’une missive qui pourrait prendre par surprise le plus grand détective de tous les temps. Il se frotte les mains, tout à fait prêt à suivre cette idée-là.

-          J’adore, et tu sais quoi, c’est exactement ce qu’on va faire ! Il n’y a aucune chance qu’il nous ai reconnu sous notre nouvelle apparence, et cette fois, nous allons le surprendre, pour de bon !

L’habitude de Batman d’être plus discret encore qu’eux, se glissant comme une ombre et les prenant à chaque fois à défaut, tout ninja qu’ils sont, est depuis longtemps un sujet de frustration dans la famille Hamato. Et en parlant de la famille Hamato… Donnie s’y permet quelques secondes de réflexion, et décide que non, il ne vaut mieux pas mettre leur grand frère dans la confidence. Il y a tout d’abord le caractère de Raphael, fonceur, bagarreur, sanguin, qui risque de leur faire avoir des ennuis avec le chevalier noir avant même qu’ils aient pu se révéler à lui. Et puis, si Donatello veut être tout à fait honnête avec lui-même -il peut bien se le permettre, parfois, bien que ne soit pas un de ses exercices favoris- il a assez envie de voir la tête qu’il ferait quand, de retour avec Michellangelo, ils lui annonceront la nouvelle. Ils ont vu Batman, EUX, oui monsieur ! Oui, Donnie est absolument toujours vexé d’avoir apprit la nouvelle après Mikey. Oui, il va s’en défouler sur Raph. Oui, il l’assume aussi parfaitement. Mais on verra tout cela plus tard, pour le moment, c’est leur plan qui compte.

-          Je me demande, au passage, ce qu’il dira du fait qu’on soit devenus humains ? Enfin, presque humain ? et tu sais que dans notre monde, pas mal de personnes le soupçonnaient d’être vraiment à moitié chauve-souris ? Ou à moitié démon aussi. Ce qui est ridicule, bien entendu, quand on le connait un peu, mais…

Une fois de plus, son esprit file sur la ligne de ses pensées, emporté comme une locomotive dont le rivet d’attache aurait rompu et qui prendrait de la vitesse, libérée de ses lourds wagons. Au risque de perdre son frère, qui ne pouvait jamais rester concentré aussi longtemps que lui. Il ignore d’ailleurs ses commentaires sur son masque, n’y répondant que par un signe de tête satisfait et un peu orgueilleux. C’est la moindre des choses, allons, pour un génie comme lui ! Ce masque est anecdotique, mais pas la reconnaissance de Mikey, qui il s’il doit l’avouer, lui réchauffe toujours le cœur, même pour les accessoires les plus anodins. Mais leur conversation initiale est bien plus importante, et Donnie veut y ramener le plus jeune.

-          Tu sais ce qui serait fou, ce que LUI soit vraiment devenu à moitié chauve-souris !

Il a tapé dans son poing en même temps, faisant sursauter Mikey, et ses grands yeux lui montrent qu’il a au moins toute son attention sur ce coup-là. Autant essayer de faire rentrer un peu de connaissance dans ce jeune cerveau dynamique.

-          Même si au final, je pense qu’il n’aurait rien changé de ce qu’il faisait à Gotham dans notre monde. Parce que, "Tu connais le paradoxe de maître Tchouang ? J'ai rêvé que j'étais un papillon. Maintenant je suis réveillé et je ne sais plus si je suis un être humain qui a rêvé qu'il était un papillon ou si je suis un papillon qui est en train de rêvé qu'il est un être humain."

Il regarde un moment Mikey, qui semble attendre une suite ou une chute, et renonce à une discussion philosophique avec lui pour le ramener vers une sagesse toute Donniesque, où un zeste de celle de leur père maitre Splinter pouvait toujours transparaitre.

-          Mais tu sais ce qui compte, au fond ? Ce qui est là. A l’intérieur. Ce qu’on en fait, et comment on le nourrit.

Le regard intense, il tapote son torse, hoche la tête solennellement. Avant de s’étirer de tout son long, les bras au-dessus de la tête. Son estomac proteste depuis un moment, et maintenant qu’il a dénoué le mystère de Mikey, qu’ils ont un plan d’action pour régler son problème, Batman à contacter, et une nuit d’action et d’aventures devant eux, il se rend compte d’à quel point il est affamé.

-          Et je ne sais pas toi, mais en parlant de ça, mon dernier repas date déjà d’il y a une éternité ! On devrait travailler à cette lettre en remédiant à ça !

Parce qu’après tout, les toasts qu’il a dévoré ce matin devant son écran sont déjà bien loin, les flocons d’avoine qu’il garde à l’abri dans un placard secret de son laboratoire ne lui font aucune envie, et il avait une proposition à faire à son frère, qu’il savait que le plus jeune ne pourrait pas refuser.


-          Mon cher Angelo, "2 mots. 7 lettres. Dis-les-moi, et je suis à toi."

Haussement de sourcil plus que sceptique, regard empli de jugement et le plus jeune des Hamato sait qu’il n’a rien besoin d’ajouter ; ses constatations précédentes, par trop de points proches d’accusations, se suffisent à elles-mêmes et ce n’est certainement pas les dénégations sans aucun argument valable de Donatello qui sauraient le faire changer d’avis. Après tout, Donnie a beau être un génie, face à l’évidence que vient de signaler son petit frère, il est difficile pour lui de se défendre de quoi que ce soit. C’est Batman. Et aucune excuse, aucune charge de travail, ne saurait expliquer que Donnie n’ait pas même eu vent de sa présence. Aucune, si ce peut-être la traque constante de Léo dans laquelle son jumeau s’est jeté corps et âme et qui semble même le plus souvent passer devant ses propres inventions. Et rien que dire cela, ça n’est pas rien. Car l’absence du quatrième membre de la fratrie ne pèse sur toujours plus lourd sur les épaules des anciennes tortues, toujours ninjas, merci bien.

Mais comme toujours, Mikey ne veut pas perdre le temps de s’apitoyer sur ces changements, tentant plutôt par tous les moyens de régler leur dilemme actuel, à savoir, contacter Batman. Et alors qu’il lance des idées comme on jette des confettis dans un festival, les laissant s’envoler et porter par le vent, il est ravi de voir que Donnie s’en saisit au vol et le rejoint dans ses plans parfois quelque peu tordu – mais logiques, si si, la preuve !! -. Aussitôt, Mikey exprime tout son habituel enthousiasme d’un petit saut en l’air, ravi de pouvoir prendre le Chevalier Noir en défaut – mais gentiment, bien sûr, ils n’ont jamais été ennemis après tout. « Aucune ! Ni lui, ni Robin ne pourraient nous reconnaître comme ça, c’est mort ! On fait quoi, on lui donne un rendez-vous anonyme dans une ruelle sombre et là Tchac ! on se dévoile ? » le Tchac en question est accompagné d’un coup de poing fermé dans la paume de sa main, alors même que Mikey n’a absolument aucune intention d’attaquer Batman, mimant ainsi avec sa vivacité habituelle l’acte de surprise. Il en rirait presque d’avance, en tout cas, de voir la surprise se peindre sur les traits de l’homme chauve-souris, si tant est qu’il parvienne à apercevoir ce type de réaction chez lui. Peut-être en plissant les yeux très forts et en secouant la tête très vite, qui sait ? Mais oui, il était sûr qu’ils l’auraient, ça ne faisaient aucun doute !

Mikey peine un peu, parti dans ses propres pensées, à reprendre le fil des propos de Donnie, abandonnant une énième babiole dans un coin. Sa moue sceptique parle pour lui bien avant qu’il ne prononce le moindre mot : « Je sais pas si ça peut le surprendre, il a dû voir des trucs bien bizarre, lui aussi, depuis qu’il est là… Et j’ai jamais aimé qu’on le traite de démon, c’est stupide. » C’est stupide, et surtout, ça rappelle un peu trop au jeune Hamato les insultes qu’ils ont pu recevoir bien plus souvent qu’à leur tour les rares fois où, plus jeunes, ils se sont risqués à s’aventurer au-delà de leur égout, quand ils n’étaient encore que des monstres aux yeux de la population. Et même alors que certains commençaient à les reconnaître comme héros, il savait bien que d’autres n’hésitaient pas à cracher dans leur dos. Alors oui, Batman entretenait sciemment le mystère, incarnant la peur elle-même, mais tout de même ; il était un héros, un super-héros, et pas un monstre. Comme eux.

Il ne peut cependant s’empêcher de rire un peu aux propos de son frère à imaginer l’homme ainsi transformé, ressemblant plus à un hybride, à ManBat, même, qu’au Batman qu’ils connaissaient et avec qui ils avaient déjà pu travailler dans leur monde. « Ce serait drôle, ouais, mais je crois qu’il faudrait revoir tout son costume ! T’imagine, la cape, avec les ailes, ce doit pas vraiment être top pratique. Puis les oreilles de son casque pourraient jamais accueillir de vraies oreilles de chauves-souris ! Faut que j’en fasse un dessin. » Déjà, son imagination menace de l’emporter et dans sa tête se forme le croquis de sa future œuvre d’art qu’il lui tarde de crayonner au plus vite. Pourtant, il sait qu’il doit encore un peu se concentrer, d’autant plus que Donnie part dans une de ses explications… sans fin. Littéralement sans fin. Et Mikey, qui a fait l’effort de tenter de suivre les palabres de son frère, en ressort quelque peu stupéfait, le fixant avec un regard de poisson frit. Non, il ne voit pas le rapport. Et à vrai dire, il n’est vraiment pas certain qu’il y en est un.

Mais peu importe. Tergiversant presque aussi vite que lui-même, Donnie, déjà, l’amène sur un chemin que Mikey est bien plus apte à suivre et sur lequel, tous ses frères le savent très bien, il ne les abandonnera clairement jamais. Son sourire se fait plus grand alors qu’il laisse son frère finir, pour s’écrier aussitôt qu’il le lui demande, bras en l’air dans un signe de future victoire : « J’AI FAIM ! C’est enfin l’heure du repas ? Bon, je vais commander des pizzas, moi je veux une trois fromage avec supplément thon et ananas ! Et puis on pourrait peut-être se prendre des desserts ? C’est important, le sucre, quand on réfléchit autant que toi ! » Elle semble bien loin, désormais, la tristesse du jeune Hamato qui les a amené ici. Parce qu’ils ont des plans, des projets, et plein de choses à faire. Et surtout, parce qu’il sait qu’il est avec son frère, et que celui-ci ne l’abandonnera jamais. Ils sont des Hamato. Ils sont les tortues ninjas.