(a pact with the devil) Sieg Jäger

Sieg a l'habitude de susciter les intérêts politiques ou militaires, son sang royal l'a depuis toujours placé au centre de ces enjeux. Il n'est pas dépaysé.
Peu à peu il s'est hissé à une position confortable et à proximité de l'information, n'a pas tardé à représenter un argument de poids pour Juggernaut grâce à son titan et à sa mobilité extra-muros. Le promontoire de pierre l'instrumentalise pour démontrer sa puissance auprès des autres quartiers et espérer accroître son horizon des possibles. Le Bestial pourrait participer à la terraformation de zones actuellement non-pratiquables et grâce à lui des avant-postes pourraient voir le jour, c'est ce qui se murmure entre gradés. Sieg le sait car des sympathisants le tiennent informé. L'ex-capitaine des guerriers de Mahr connait le pouvoir concédé à qui sait fédérer les espoirs. Et il sait en jouer.

Les menaces doivent être surveillées en permanence alors il a utilisé son réseau de connaissances pour placer Levi Ackerman à une position susceptible de tempérer ses ardeurs, qui devrait lui inspirer du familier et du sens mais aussi le faire retomber dans des logiques hiérarchiques, le juguler d'une certaine manière. Un homme qui s'est programmé pour et par l'action devrait aisément reprendre du service. L'apathie, ou plus joliment dit la contemplation, ne convient pas à tous les fonctionnements et Ackerman n'existe sûrement qu'en marche forcée. Sieg ne jalouse pas particulièrement sa naïveté.
S'il ne tient pas particulièrement à la vie, il n'en demeure pas moins que le barbu ne souhaite pas connaître des difficultés inutiles. Inutiles car il n'y a, à ses yeux et dans cette ville, plus rien des enjeux qui les opposaient. Il ne le considère pas comme un ennemi au sens strict du terme même s'il sait que la faveur n'est pas et ne sera jamais retournée.

Sieg n'est pas bien jouasse à l'idée de partir en exploration avec lui même s'il savait pertinemment que la situation allait se présenter tôt ou tard. Pour autant il s'est contenté d'opiner du chef lorsque les directives lui ont été données, il connait tout des intérêts de Juggernaut quant à se rallier ne serait-ce que ponctuellement aux cartographes car ceux-ci détiennent de nombreuses informations et ne sont pas frileux vis à vis de la prise de risque. Cette mission pourrait être une opportunité, un repérage avant de bâtir ensemble une base opérationnelle. Il ne sert pas les intérêts de la cité de pierre par allégeance mais pour ménager sa position et l'accès privilégié qu'il a aux découvertes qui sont faites. Parce que le barbu ne compte pas être pris dans le même piège que les Eldiens de Paradis, qui ignoraient tout de leur histoire. Peut-être également que ses retrouvailles avec Reiner auront rendu son cœur un peu plus prompt à concevoir autre chose que le non-sens.

Son pas flâne, cigarette aux lèvres, peut-être inspire t-il un peu brusquement ses goulées de tabac lorsqu'il se rapproche du point de ralliement. Car retrouver Levi, celui qui a imprimé une douleur inimaginable dans ses chairs, n'est pas séduisant malgré toute sa capacité d'abstraction. Il arrive en premier et s'assied nonchalamment sur le rebord du mur pour mieux terminer d'inhaler sa nicotine. Ses yeux inexpressifs glissent vers le ciel encombré de nuages lourds, en accord avec son humeur peu jouasse.
Lorsqu'il voit le major approcher, une démarche rigide reconnaissable entre mille, Jäger se relève et coule sur lui une œillade molle, aucun salut protocolaire car cela serait bien désuet entre eux. Il s'attend à une attaque bien sentie et ourle en conséquence un air parfaitement flegmatique.
Sieg n'a, par l'habitude et la désindividualisation, aucun mal à se savoir méprisé. Mais, dans ce cas de figure, un tel degré d'antipathie lui apparaît improductif. Lorsque le nabot lui jette un sac aux pieds il devine vite de quoi il retourne et marmonne un "hum" monolithique en s'accroupissant pour vérifier son contenu. Il n'est pas surpris - il l'avait pressenti dès l’instant où le point de rendez-vous lui avait été communiqué - mais il passe une main prétendument pensive dans sa barbe drue en remontant ses yeux clairs vers le major.
L'agressivité de Levi lui provoque un sourire bas, sa voix charbonneuse exhale un rire chaud mais sans joie, sonore pourtant. Ce n'est pas bien vif mais l'envie de l'asticoter est présente. Cet homme est encore dans l'émotionnel. Il ne s'attendait pas à être comparéà son cadet et certaines questions affluent presque malgré lui car il ne sait rien des années d'apprentissage d'Eren. « Pigé, pigé. » Marmonne t-il en se redressant et en tendant les paumes devant lui, un geste d'apaisement purement ironique et d'ailleurs mollasson. « Bonjour à toi aussi, Levi. Et, hum, pourrais-tu arrêter de me regarder comme ça ? Je vais avoir du mal à apprendre la manœuvre tridimentionelle sous cette pression. » Sa voix traîne, neutralement, pour ponctuer le sarcasme. « Ne crois-tu pas qu'il serait fâcheux qu'il m'arrive malheur sous ta supervision ? »  Juggernaut ne lui pardonnerait certainement pas cette perte. Il abaisse lentement le visage de côté. Il n'est pas très honnête en prétendant à demi-mot ne rien connaître de cet équipement car il en a déjà récolté un par le passé et a pu analyser son fonctionnement - cela dit ses connaissances restent théoriques et guère à l'épreuve du terrain. Il le lui suggère en marquant bien son scepticisme. « Sans parler des risques encourus si l'on doit me secourir. » Ajoute t-il sur le même ton au flegme mi provoquant mi condescendant. Pourtant il hausse les épaules et s'arnache aussi fluidement que possible, car il a déjà une idée de quoi faire de ce kit. Il doit s'y reprendre à deux fois pour passer toutes les lanières mais il y parvient sans trop se tortiller sur place - le ridicule ne lui fait pas froid dans le dos. Aussitôt il vérifie l'équilibre de son équipement en commençant par celui de sa ceinture, se balance un peu balourdement de côté. Il finit en saisissant son menton. « Nous avons le même objectif. » Dit-il avec soudain plus de sérieux et le regard plus ferme, abandonnant toute raillerie qui ne ferait au fond pas beaucoup de sens. Il soutient son regard sans le surplomber pour autant. « Où sont tes hommes ? »

Sieg sait bien que son petit interlocuteur n'aime pas que les vies de ses subordonnés soient gâchées, c'est pour cette raison qu'il avait tenté de se débarrasser de lui en le confrontant à ses camarades devenus des titans. S'il n'est pas particulièrement fier de ce coup là, car il a été bien vain, il le regrette de manière distante et désincarnée parce que Levi ne lui inspire aucune sympathie particulière. Cependant il comprend les réticences éprouvées par le major à l'idée de lui présenter ses hommes et se doute qu'il les protégera de sa menace figurée, sans se rendre compte qu'ils sont cette fois dans le même bateau. Ackerman n'a qu'une vision affective et étriquée du tableau et Sieg ne répond pas, se contentant de le regarder de manière distante, un peu surplombante.

Ce qu'il ressent à l'égard du nabot a un peu de fougue, en comparaison de ses standards plats et froids, ce type a presque toujours représenté de la difficulté malvenue, l'empêcheur de tourner en rond qui a contrarié le bon déroulement de son plan, quand bien même il n'occupait pas un rôle décisionnel dans le camp adverse. Juste un exécutant qui, pourtant, avait la force suffisante pour changer - de manière relative, pas absolue - le cours des batailles. C'est plus personnel que Sieg l'admettrait, c'est pour ça que son sourire se fait à ce point bienveillant, factice.
Il veut voir si l'arrivée dans cette ville a fait changer Levi, en aggravant le traumatisme des morts qu'il a causées, parce qu'elles ne peuvent sembler que plus insensées dans un monde si loin de toute les raisons qu'ils ont eu de se battre, il veut voir si cet homme s'entête encore à suivre une ligne de conduite humaniste. Au fond il se dit que le nabot est autant un soldat zélé qu'un sauvage dopé à l'adrénaline, à voir si c'est la rage qui reprend le dessus en l'absence du cadre idéel qui le maintenait dans les rangs. Sieg ne prend pas ombrage lorsque son interlocuteur lui pointe une erreur d'harnachement sous le nez, il hausse platement les épaules et fait le constat de l'aigreur qui lui est destinée.

Ackerman n'a toujours rien compris de la nécessité de son plan. Les intérêts de Mahr, l'histoire d'oppressions du peuple Eldien, visiblement tout cela dépasse encore Levi. C'est d'une naïveté irritante alors ses sourcils se froncent un instant, même s'il n'espérait pas véritablement autre chose de sa part - ou peut-être qu'il attendait sans trop y croire une forme de compréhension entre deux hommes déracinés du même monde et livrés à la perte de sens.
La main posée dans son dos ne lui inspire rien de bon mais Jäger ne s'attendait pas à quelque chose d'aussi explosif ; il est propulsé par-dessus bord et la dernière chose qu'il voit avant d'être emporté vers le vide c'est la gueule satisfaite de Levi. Le Bestial écarquille un instant les yeux, frappé par la surprise, avant de drastiquement se reprendre et de marmonner un juron bien senti. Il ne connait que théoriquement l'équipement tridimentionnel mais sa logique lui dit que cette chute sera, dans le pire des cas, douloureuse mais pas létale grâce à son pouvoir de régénération. Le capitaine, au regard blasé, actionne la poignée de son dispositif et parvient, après un premier essai infructueux, à s'accrocher à un arbre massif situé en contre-bas. Il se réceptionne comme il le peut, c'est à dire comme un pendule entraîné d'avant en arrière au bout de son cable.
Sieg finit par stabiliser son poids, au bout de quelques instants de roulé-boulé, par se mettre en position semi-debout et se lâche de sorte à regagner le plancher des vaches. Il atterrit en trois pas sautés, sans la moindre grâce. Après une petite seconde il utilise ses mains comme porte-voix et hèle Levi. "Je me suis fait dans le froc. J'espère que c'était cathartique !" S'exclame t-il sans fard avant d'étirer ses muscles soumis à contribution.
Lorsque le major arrive, après une bien jolie manœuvre se dit-il, platement, Sieg s'approche de lui comme si de rien n'était. "Tu es un petit sauvageon, Levi." Marmonne t-il en se massant les avant-bras, prétendant une quelconque douleur. "Mais je suis persuadé que tu serais venu me sauver le cul, après tout tu y es bien obligé." Il le regarde platement. "Je ne comprends pas pourquoi tu t'accroches autant au passé... Cela ne fait pas beaucoup de sens."