A friend is someone who knows all about you and still loves you - Eren

« Je ne pensais pas que ça ressemblerait à ça, l’enfer. » Si la voix tente de garder une neutralité dont, au fond, son propriétaire ne sait tout à fait faire preuve face à son interlocuteur, les mots sont empreints d’une douceur que personne ne saurait ignorer. Et, surtout, ils n’ont rien d’ironiques, alors que le cadre même pourrait les faire passer pour tel. Il faut dire que le décor qui s’offre à leurs yeux, alors qu’Armin vient glisser sa fine silhouette aux côtés de celle légèrement plus musclée d’Eren, pourrait bien plus être qualifié d’idyllique que d’infernal. Car il y a ces rayons d’un soleil couchant, qui viennent se refléter à la surface du lac au bord duquel ils sont désormais tous les deux installés, donnant l’impression de faire briller la surface de l’eau – et si cela n’a pas l’odeur de l’océan, le spectacle n’en est pas moins magnifique. Il y a ce vent qui s’engouffre dans les feuilles des arbres tout autour, faisant virevolter les mèches blondes trop courtes, les cheveux bruns désormais trop longs. Et surtout, il y a ce calme. Ce silence, uniquement brisé par les mille bruits de la nature. Et par leurs présences. Alors non, leur univers actuel n’a absolument rien d’un enfer, alors qu’ils sont dans un parc magnifique et dans un lieu aux aspects familiers, même si Juggernaut est loin d’être le quartier le plus accueillant de Nowhere. Mais au moins sont-ils plus ou moins à l’abri – bien plus, en tout cas, que dans leur ancienne vie.

Et pourtant, c’était là la promesse de son ami. Les propres mots d’Eren. Ceux qu’il a prononcés, dans une autre vie, et qu’il a obligé Armin à oublier, pour qu’ils lui reviennent en mémoire de plein fouet après sa mort. A ceux qui le hantent, depuis lors, tout autant que les souvenirs de leur dernier combat. Tout autant que ceux de celui qui, malgré tout, était toujours à ce moment-là son meilleur ami. Mort. Mais cela Eren ne l’est plus, maintenant, et même si Armin ne comprend pas ce phénomène, comme personne ne semble le comprendre d’ailleurs, il en est réellement heureux. Car le jeune homme qu’il a à ses côtés est bien vivant, alors que le blond a encore l’impression de sentir sous ses mains de titan la vie définitivement quitter le corps de l’autre. Et ce qui n’aurait, de fait, jamais dû se produire est pourtant en train de se réaliser. Peut-être que cette discussion qu’Eren a toujours fuit va enfin pouvoir avoir lieu. Mais même si ce n’est pas le cas, Armin serait content malgré tout. Parce qu’il est aux côtés d’Eren. Tout simplement.

Ce simple fait, d’ailleurs, aurait bien pu ne jamais arriver et Armin ne peut s’empêcher de couler un regard en coin vers son ami pour observer la réaction que son arrivée à ses côtés a pu provoquer. Car il a bien conscience qu’Eren a cherché à tout prix à l’éviter depuis qu’il s’est lancé à sa recherche. C’est pour cela qu’il a mis autant de temps à enfin pouvoir le retrouver ; plusieurs semaines, en réalité. Tout d’abord car il a dû assimiler la réalité de ce nouveau monde, même si les bénévoles qui l’ont pris en charge ont été étonné par ses capacités d’adaptation – il faut dire qu’ayant vécu la majorité de sa vie dans un mensonge et n’ayant découvert la vérité qu’à son adolescence l’a rendu probablement plus apte à cette nouvelle condition. Puis il a fallu qu’il accepte que revoir Eren était possible en apprenant que certaines personnes, par un phénomène que personne ne semblait pouvoir expliquer, étaient revenus à la vie. Et que son ami pouvait être, peut-être, l’un d’entre eux. Il avait fallu du temps ensuite à Armin pour qu’il puisse obtenir cette information, puis plus de temps encore pour le localiser. Et pendant tout ce temps, il n’avait pas pensé une seule seconde à rendre ses recherches discrètes. Parce qu’il ne lui était pas venu à l’idée que, maintenant encore, Eren tente de le fuir. Pourtant, force avait été de constater que c’était bel et bien le cas.

Mais le tout dernier major du bataillon d’exploration de Paradis avait, pour autant, refusé de renoncer. Même si cette fuite avérée était un nouveau coup porté, même s’il avait en avait ressenti une nouvelle douleur, une nouvelle blessure, Armin ne voulait pas abandonner. Si, aujourd’hui, Eren lui disait qu’il ne voulait plus jamais le voir, il s’y plierait, oui. Mais pas avant qu’ils aient pu en parler une dernière fois.

C’était avec Sieg, le frère d’Eren, le premier des Jäger qu’il avait retrouvé, qu’il avait concocté ce plan des plus simples. L’autre l’avait aidé en envoyant Eren sous un quelconque prétexte qu’Armin ne connaissait même pas, dans ce parc. Et Armin n’avait plus eu qu’à s’y rendre à son tour.

Le regard du jeune homme retourne, après avoir observé son ami quelques secondes à peine, se perdre sur les lents remous du lac qui leur fait face. Le sourire est revenu sur ses lèvres, même si ses yeux n’ont plus cette innocence, cette joie – cette naïveté, même, diraient certains – qui les ont si souvent fait briller. Pourtant, quand il reprend la parole, après ces quelques instants de silence, Armin a abandonné toute idée de distance, de neutralité. « Je suis heureux de te voir, Eren. » Malgré tout ce qu’il s’est passé. Malgré tout ce qu’ils ont vécu. Et les mots du jeune homme sont sincères, vrais. Parce que malgré tout, c’est Eren. Et Armin n’oubliera jamais qu’il a toujours été son meilleur ami.