Alive and unwell. - ft. Gwen

Peter & Gwen

alive and unwell

Gwen… Gwen était vivante. L’appel qu’il avait reçu lui avait fait tourner la tête, l’avait forcé à s’asseoir quelques secondes, le temps de retrouver son équilibre et surtout conscience du monde qui l’entourait. Heureusement pour lui, c’était arrivé en fin de journée, ce qui signifiait qu’il n’avait ensuite pas eu besoin de se retrouver face à ses petites terreurs pleines de questions sur son teint blafard. Il n’avait pas hésité très longtemps avant de rassembler ses affaires pour se mettre aussitôt en direction de l’hôpital, où elle se trouvait apparemment. Le trajet serait un peu long, tant pis. Durant toute sa durée, d’ailleurs, il ne put s’empêcher d’envisager toutes les possibilités. Il savait très bien que certains étaient revenus à la vie dans le collapse, que tout ça était possible, qu’il pouvait réellement s’agir de sa Gwen. Il savait aussi que de nombreux univers existaient, qu’il connaissait au moins 3 Peter Parker différents et probablement autant de Gwen, plus que cela, même. Peut-être que c’était l’une d’entre elles, et pas réellement la sienne, qu’il s’apprêtait à découvrir. Cela faisait tellement longtemps... Il avait pourtant l’impression que c’était hier, qu’il l’avait vue chuter du haut de cette tour, qu’il s’était cru capable de pouvoir la sauver, qu’elle était morte entre ses bras. Les larmes lui montèrent aux yeux tandis que les images défilaient sous son crâne, l’esprit toujours hanté par les sons, les odeurs, les lumières de cette nuit terrible. Il s’en voudrait à tout jamais. Réussir à sauver la MJ de Peter 1 aurait pu l’aider à entamer une reconstruction, mais ça n’avait pas été le cas. Les yeux de Gwen, la terreur qu’il y avait lu, la lumière qui s’y était éteinte... Tout ça le hantait toujours. Le hanterait probablement à jamais. C’est presque paniqué qu’il était arrivé à l’accueil de l’hôpital. Il aurait probablement été essoufflé, également, s’il n’était pas doté de super pouvoirs. Il avait couru, au moins sur les derniers mètres, parce qu’il ne pouvait plus attendre de connaître la vérité. On lui avait dit qu’elle avait perdu la mémoire, s’était souvenue de lui si récemment qu’on prenait tout juste le temps de le contacter. Ce qui avait été le plus long, au fond, ç’avait été de le retrouver, mais puisqu’il était enseignant, ça n’avait pas été si difficile que ça.

« Stacy. Gwen… Gwendolyn. On m’a appelé, je suis Peter Parker. »

Mots presque murmurés, comme s’il manquait de souffle, et sourire compatissant de la personne qui l’accueillit. Hochement de tête après avoir tapoté quelques touches, et puis on lui indiqua de suivre l’infirmier qui venait d’arriver. Il n’écouta même pas ce qu’on lui disait, les pensées étouffées par les questions. Une porte, dernière barrière entre elle et lui. Mais était-ce vraiment elle ? Lui n’était plus le Peter de l’époque. Il avait vécu tellement de choses depuis cette nuit... Il s’était perdu, s’était retrouvé, avait douté, voyagé à travers les univers. Il prit une longue inspiration avant de franchir le seuil, et les larmes lui montèrent immédiatement aux yeux lorsqu’ils se posèrent sur elle. C’était bien elle. Sa Gwen. Celle qu’il avait aimée de tout son être, pour qui il aurait voulu mourir, qu’il avait tenté de protéger jusqu’à la fin. Une main sur la bouche, les jambes tremblant presque autant que son cœur – qu’il avait au bord des lèvres – il s’avança vers elle, s’installa à la petite table où elle était assise. Il ne savait pas quoi faire, comment agir. Il avait envie de la serrer dans ses bras, mais était à la fois terrifié de ce qu’une telle étreinte pourrait déclencher en lui après tant d’années et presque autant de la mettre mal à l’aise. On ne lui avait pas dit ce qu’elle avait oublié, ce dont elle se souvenait, alors comment deviner ce qu’il pouvait faire ou non ?

« Gwen... Tu es... »

Si jeune. Là. Vivante. Les mots se bousculaient dans son esprit sans franchir ses lèvres. Il posa les mains sur la table, cherchant un équilibre qu’il avait pourtant déjà.

« C’est moi, Peter. On m’a dit... On m’a dit que tu avais perdu la mémoire. »

Restait à découvrir l’étendue des dégâts.

Alive and unwell

@Peter Parker et @Gwendolyne Stacy

Ils avaient retrouvé Peter Parker. Ce qui n'avait semblé être qu'un rêve jusqu'alors était sur le point de devenir réalité, mais Gwen n'avait pas le cœur à s'en émouvoir. La jeune femme se sentait déconnectée de tout, et plus encore d'elle-même, et rien de cela ne serait concret jusqu'à ce qu'elle ne pose les yeux sur celui qui hantait sa mémoire. C'était étrange, cette impression d'en savoir plus à son sujet qu'à propos de sa propre personne...

Gwendolyne... Gwen Stacy, c'était son prénom, son nom. Elle aimait les sciences. Et c'était tout ce dont elle se rappelait. Mais Peter ? Spiderman ? Oh, à partir du moment où elle avait commencé à se souvenir de lui, les images avaient afflué, prenant de plus en plus sens. Pourtant, malgré cela, Gwen était profondément distante.

Elle se rappelait que le voir lui donnait envie de sourire jusqu'à en avoir mal aux maxillaires, mais cette chaleur qu'il lui inspirait alors, elle ne la ressentait pas. Pas vraiment. Elle avait perdu cela, comme elle avait perdu tant d'autres choses, qu'elle se sentait incapable de récupérer, dont l'absence lui laissait cette profonde impression de néant.

Gwen était concentrée sur son carnet, traçant à l'aide de son feutre les premiers traits d'un éventuel prototype pour l'Araignée. Les pages en étaient remplies, des idées qui gagnaient en précision et réalisme au fur et à mesure que le temps s'écoulait, le dessin gagnant également en assurance. Elle avait parfois la sensation que c'était la seule chose qui l'animait encore un tant soit peu : la science. La science, au service d'un héros qui était plus tangible dans sa mémoire qu'elle ne l'était elle-même.

Ce fut dans cet exercice que Gwen fut interrompue, pour lui faire savoir que Peter Parker venait la visiter. Qu'elle était libre de refuser ou de reporter, si elle ne se sentait pas prête. Peut-être aurait-elle voulu du temps pour se préparer. Peut-être. Mais il était là, et retarder l'échéance lui semblait inutile, voire ridicule. Elle l'avait tant réclamé, lui qui était ce qu'elle avait de plus concret dans sa cervelle embrouillée, et le voilà. Le repousser, même temporairement, n'était pas de l'ordre de l'envisageable.

Les minutes s'écoulaient, atrocement longues, et Gwen n'arrivait plus à se concentrer sur ce qu'elle faisait, son feutre raturant la page sans sens ni raison. Elle ne savait pas ce qu'elle éprouvait, mais elle ressentait quelque chose, c'était certain, et c'était définitivement notable pour la jeune femme, dont l'apathie rendait parfois impossible le simple fait de quitter son lit ou de subvenir à ses besoins primaires.

Enfin, il était là. Ce visage qu'elle ne saurait confondre avec aucun autre. Instinctivement, les mains de Gwen se refermèrent sur son carnet et le serrèrent contre son cœur, comme pour se préserver de cette réalité soudainement trop concrète, de ces larmes qu'elle discernait dans ses yeux, du tremblement dans sa voix. Il était là. Et Gwen... Gwen ne savait toujours pas définir ce qu'elle ressentait. Ne devrait-elle pas sourire ? Eprouver cette chaleur qu'il lui inspirait dans la plupart de ses souvenirs ? Mais tout restait si froid. Glacial.

Il fut le premier à s'exprimer, rentrant dans le vif du sujet. Sa mémoire, oui... Traîtresse, imprévisible, insaisissable. En quelques mois, depuis son arrivée à Nowhere, elle avait indéniablement progressé, mais Gwen se sentait toujours aussi brisée. Incomplète.

"C'est bien toi, oui."

Elle essaya de forcer un sourire, d'insuffler de l'émotion dans sa voix, mais l'expression tenait du masque rigide, et son ton restait étrangement monocorde, fatigué. Ses émotions lui échappaient, comme tout le reste. Lorsqu'elles n'étaient pas simplement absentes, elles explosaient, au-delà de tout contrôle. C'était peut-être mieux, au final, qu'elle soit aussi calme, en dépit de la situation. L'alternative serait... douloureuse.

Elle serra un peu plus son carnet contre son cœur, comme elle pourrait le faire d'une peluche, avant de reprendre la parole :

"J'imagine qu'ils t'ont déjà expliqué. Que je me rappelle être Gwen Stacy, et que je me souviens de toi. Oui, je me souviens définitivement de toi. Je me rappelle de tout."

Gwen était peut-être perdue sur de nombreux sujets, mais elle gardait néanmoins l'intelligence de conserver le secret de Peter. Ce qu'elle tentait de lui faire comprendre à demi-mot, ajoutant en forçant une nouvelle fois ce masque dénué de naturel :

"J'étais ta route, n'est-ce pas ?"

C'était ce qu'il lui avait dit, sur ce pont, après avoir tissé de sa toile sa déclaration d'amour. C'était avant que... avant que... Gwen se crispa, abandonnant le masque, s'étreignant un peu plus de ses propres bras, tant et si bien que le carnet commençait à lui faire mal, serré si fort contre sa poitrine. Ce n'était pas tant le souvenir de sa mort qui la perturbait, une image qui restait encore un peu floue, incertaine. C'était l'idée qu'elle était là, malgré tout. Vivante. Une anomalie. Une erreur à corriger, au plus vite.

"Je me rappelle plus de toi que de moi. C'est étrange, non ? Que je puisse me remémorer ton visage, ton nom, nos moments passés ensemble, mais pas mes propres parents."

Peut-être avait-elle des frères, des soeurs, des amis, et pourtant, rien de tout cela n'existait dans sa mémoire. Il n'y avait qu'une vague notion d'elle, et lui. Peter Parker. Spiderman. Gwen hésita, desserrant avec difficulté son emprise sur son carnet. Enfin, elle le tendit vers lui, pour l'inviter à le lire :

"J'ai... hmm... J'ai designé quelques trucs. Les docteurs disent que c'est bon pour ma mémoire. Tu peux regarder. Si tu veux."

Ce faisant, elle frôla les doigts de Peter. En d'autres temps, elle aurait eu pour réflexe de lui prendre la main. Mais elle se retira presque aussitôt, comme si elle risquait de s'ébouillanter. Elle avait retrouvé son amour des sciences, il ne l'avait jamais quitté. Mais Peter... Peter ne lui inspirait pas cette chaleur si salvatrice. Tout restait froid, glacé. Malgré sa présence. Malgré son retour dans sa vie.

L'apathie laissa place à une nervosité visible, Gwen agitant l'une de ses jambes compulsivement, jouant avec l'une de ses mèches de cheveux, tirant dessus ici et là, tentant d'apprivoiser cette émotion qui l'envahissait. Déception. Frustration.

Plutôt que de laisser cela éclater, elle se concentra sur Peter, le laissant à loisir découvrir le contenu de ses carnets, les formules tracées au feutre pour raviver sa mémoire et ses capacités intellectuelles, les prototypes dessinés d'un trait de moins en moins maladroit au fil des pages, pour des web-shooters divers et variés, un masque avec des yeux dissimulant un retour caméra, tant d'idées griffonnées fiévreusement pour donner sens à son quotidien, pour concrétiser ses souvenirs morcelés.

"Je ne t'ai pas demandé  comment tu allais. Je devrais, non ?"

Une part d'elle voulait sincèrement le savoir. Mais il y avait aussi ce vide qui menaçait de l'engloutir, et qui l'empêchait de s'investir pleinement dans quoi que ce soit. Y compris dans ces retrouvailles qu'elle avait tant attendu. Ses yeux se mirent à briller, larmes contenues qui menaçaient de couler, sans qu'elle n'en comprenne l'origine.

Peter & Gwen

alive but not well

Au fond des yeux de celle qui avait été son amour, Peter décela une étincelle, quelque chose qu’il ne savait pas expliquer. Quand elle confirma qu’il s’agissait bien de lui, il comprit. Elle l’avait reconnu. Cette fois c’était certain, il s’agissait bien de sa Gwen. Celle qu’il avait aimée de tout son cœur, qu’il avait vu s’éteindre entre ses bras, par sa faute. Elle se souvenait de lui. De quoi d’autre ? De qui d’autre ? Il voulait le savoir, voulait comprendre, mais ne voulait absolument pas la brusquer, paraître trop impatient. Son sourire forcé lui brisa le cœur, il avala difficilement sa salive, baissa les yeux un instant. C’était elle, et elle était à mille lieux de l’être. Il l’écouta, la laissa prendre toute la place qu’elle voulait prendre. Il ne pouvait pas lui offrir grand-chose, hormis cela. L’entendre prononcer les mots qu’il lui avait dit, répéter ces paroles, lui fit revenir tous ces souvenirs en un flash. Il ne les avait pas oubliés, lui, mais ils s’étaient amoindris, cachés dans des recoins de son esprit qu’il n’explorait que très rarement. Mettre de côté pour tenter d’oublier la peine, même si on ne pouvait jamais réellement oublier.

« Ma route, oui... »

Il avait murmuré, terrifié à l’idée de parler trop fort et de l’effrayer. Il la regarda s’étreindre elle-même de plus en plus fort, se demandant si à force, elle n’était pas en train de se faire mal. Il n’osa cependant pas intervenir, craignant à nouveau la moindre réaction de sa part. Il ne savait pas ce qu’il se passait dans sa tête, ne pouvait pas deviner son état d’esprit. Ce qu’elle avoua ensuite lui brisa le cœur. C’était injuste. Elle aurait dû se souvenir de sa propre vie, de ses proches, et pas de lui. Il en voulut soudainement au monde entier, qui n’avait pourtant rien fait, hormis exploser. Ou imploser. Ou... Il ne savait pas réellement le procédé physique qui était impliqué dans tout ce bazar. Sitôt le carnet tendu, il s’en empara avec une douceur incroyable. Encore une fois, il avait l’impression d’avoir face à lui un animal blessé et terrifié. Ce qui l’effrayait lui aussi au plus haut point. Lentement, il ouvrit le carnet, regarda tranquillement les pages griffonnées, les dessins, les formules... Lorsqu’il se rendit compte que la jambe de la blonde s’agitait nerveusement, cependant, il arrêta sa découverte, referma le livret.

« Tout ça est incroyable. Bravo. Et merci, aussi, j’imagine ? »

Sourire léger, mais sourire tout de même. Elle avait fait tout ça pour lui. Elle ne savait plus qui elle était, et elle continuait de penser à lui, à des choses qui pourraient l’aider. Décidément, Gwen Stacy ne cesserait jamais de le surprendre et d’être probablement la meilleure personne de ce monde. De tous les mondes. Il se racla la gorge à l’entente de sa question, haussa les épaules.

« Tu ne dois rien du tout, Gwen. Je... Vais bien. Aussi bien qu’on puisse aller. J’imagine que je suis un peu chamboulé par tout ça. Probablement pas autant que toi. »

À peine les mots étaient-ils sortis qu’il les regretta. Bien sûr qu’elle ne vivait pas bien les choses... Le lieu où ils se trouvaient en disait assez long, d’ailleurs. Cependant, certains détails n’étaient pas encore réellement clairs. De quoi exactement se souvenait-elle ? Savait-elle qu’elle était... Qu’elle avait... Il n’osait pas poser la question, préférait attende qu’elle lui en parle d’elle-même. À nouveau, il eut envie d’attraper sa main pour la serrer doucement, mais se retint encore. À la place, il reposa le carnet sur la table, le fit glisser vers elle. Elle avait eu l’air étrange, lorsque leurs mains s’étaient frôlées un peu plus tôt, alors il préférait éviter le contact pour l’instant. Il avait vu la tristesse dans ses yeux, ou ce qui s’y apparentait. Ce n’en était pas réellement, c’était quelque chose d’indescriptible. Il ouvrit la bouche à plusieurs reprises, sans qu’aucun son ne s’en échappe. Qu’était-il censé dire, au fond ? Il n’en savait rien. Il voulait lui dire qu’elle n’avait pas changé, alors que lui avait pris dix ans. C’était une remarque idiote, stupide. Il préférait encore se taire que de l’énoncer.

« Je... Est-ce que tu aimerais que je vienne te voir régulièrement ? Je ne sais pas quand ils seront d’accord pour que tu sortes, mais je pourrais aussi t’aider, quand tu iras mieux. »

Alive and unwell

@Peter Parker et @Gwendolyne Stacy

La situation le déconcertait tout autant qu'elle. Peut-être plus. Tandis qu'elle s'exprimait, et scrutait ses réactions, Gwen ne pouvait s'empêcher de se demander à quel point elle pouvait être similaire ou différente de la personne que Peter avait connu.

Il était probablement en train de la rencontrer une seconde fois, leur vécu presque effacé, des souvenirs épars pour seuls repères. Des souvenirs qui, tous ou presque, concernaient Peter Parker, à tel point que Gwen se demandait s'il y avait de la place pour sa propre personne dans son fichu crâne. Se rappellerait-elle du reste du monde avant de daigner à avoir la moindre idée de qui elle pouvait être ? Avait-elle seulement le désir d'évoluer jusqu'à ce point, quand le silence et les ténèbres lui tendaient les bras ?

Elle la sentait, cette nervosité qui émanait de lui. La peur de dire le mauvais mot. La crainte de la briser. Ce sentiment, Gwen y était on ne peut plus familière. Ici, les gens marchaient sur des œufs en sa présence. Ils n'en avaient pas besoin : rien ne pouvait changer ce vide qui la hantait et menaçait de l'engloutir toute entière. Devrait-elle lui dire quelque chose à ce sujet ? Elle non plus, elle ne savait pas pour quelles paroles opter. Peut-être que le silence ou les banalités étaient préférables...

Les compliments de Peter lui inspirèrent un semblant de chaleur, la première once de positivité dans son organisme depuis son arrivée en ce monde.

"De rien. Je... Je l'ai fait pour moi aussi. Pour continuer à me souvenir. Pour m'occuper. On s'ennuie vite, ici."

Gwen connaissait les murs de cet hôpital comme sa poche (là où elle avait l'autorisation de s'aventurer, tout du moins). Et cet univers limité la frustrait, l'épuisait, la plongeait un peu plus chaque jour dans son propre néant. C'était un cercle vicieux, puisque Gwen aspirait à sortir pour mettre fin à tout cela, mais ses pulsions et ses pensées noires poussaient le personnel de l'hôpital à la garder, la préserver dans cet environnement qui la ruinat à petit feu.

Peter continuait de marcher sur des œufs, et Gwen avait la sensation qu'ils ne se sortiraient jamais de ces échanges prudents et malaisants si elle ne faisait pas le premier mouvement. C'était un effort conscient, comme chaque pas qui la menait vers le monde extérieur, qui la tournait vers les autres, qui la faisait sortir du vide qui la rongeait de l'intérieur. Elle prit une profonde inspiration, reprenant son carnet pour le serrer contre son coeur :

"Je ne suis pas en porcelaine, tu sais ? Tu n'as pas à t'inquiéter de me briser davantage."

Les morceaux étaient déjà éparpillés, tentant tant bien que mal de se recoller dans une construction qui n'avait de Gwen Stacy que le nom et une vague familiarité. Gwendolyne doutait que Peter puisse aggraver davantage sa situation, pas dans l'état actuel des choses. Pas tant qu'il était la seule certitude dans son univers fait de ténèbres.

"Tu n'as pas l'air d'aller bien. Tu devrais faire attention, ils pourraient être tentés de te garder ici."

Etait-ce une tentative d'humour ? Difficile à dire. Les mots étaient sortis tous seuls, comme poussés par un instinct inconnu, mais il n'y avait pas trace d'un sourire ou de la moindre étincelle malicieuse dans ses yeux, tandis qu'elle s'était exprimée à voix haute. Juste ce masque qui lui servait de visage, ce masque qu'elle peinait encore à reconnaître dans le miroir, à l'associer avec sa propre personne.

Les dernières paroles de Peter la tendirent malgré elle, ses bras se crispant davantage sur son précieux carnet. Ce n'était pas ce qu'elle avait voulu entendre. Ce n'était pas ce qu'elle espérait. Le Peter dont elle se rappelait était un héros qui sauvait les autres du péril dans lequel ils étaient piégés. Il ne les laissait pas dans les flammes qui les dévoraient...

"Il faut que tu me sortes de là."

Son ton s'était coloré d'une pointe de frustration, tandis qu'elle réalisait qu'elle ne quitterait probablement pas l'hôpital aujourd'hui. Qu'elle n'aurait pas la moindre chance de se perdre définitivement dans son néant, hors de ces fichus murs.

"Je ne veux pas rester ici. lls... Ils me surveillent, ils ne me font pas confiance, ils... ils..."

Les mots se perdaient dans les méandres d'un esprit incomplet, brisé. Gwen avait espéré. Elle avait pensé se retrouver dans ses yeux, dans sa voix, dans sa présence, chasser, ne serait-ce qu'un temps, le néant, mais il était toujours là, prêt à tout aspirer, détruisant tout sur son passage. Cela ne dépendait pas de lui. Cela dépendait d'elle. Et Gwen n'avait pas la force.

"Ils ne me laissent pas partir, tu comprends ? Partir de l'hôpital, ou... ou..."

Ou tout quitter. Cette vie qui n'avait pas de sens. Cette enveloppe charnelle sans âme. Pourquoi la forcer à rester ? Pourquoi persister à nier l'inévitable ?

"Je me sens tellement vide. Je veux que ça s'arrête. Je veux que tout s'arrête. Ca n'a pas de sens."

Son coeur battait, mais il n'y avait rien derrière ce mécanisme purement biologique. Rien, sinon la sensation persistante qu'il ne devrait pas émettre le moindre battement. Qu'il devrait se taire, comme le reste de son corps, comme le reste du monde.

"Je suis morte, n'est-ce pas ?"

Les mots étaient lâchés, avec le même poids que si Gwen venait d'évoquer le plus banal des sujets. Ses cordes vocales ne pouvaient pas exprimer le chaos qui régnait en son être, cette brisure que rien ni personne ne semblait être en mesure de réparer. Tout était enfermé dans son crâne, une cervelle qui menaçait d'exploser à tout instant, une bombe dont personne, sinon Gwen, ne pouvait entendre les incessants tic-tac.

"Je suis revenue. Mais j'ai la sensation que ce n'est pas... approprié. Comme si on m'avait détaché d'un puzzle pour essayer de m'attacher à un autre. Mais la pièce ne trouve pas sa place. Peut-être qu'elle ne le pourra jamais."

Pourrait-elle un jour trouver goût à la vie ? Combler ce néant, ce vide si profond qu'il semblait n'avoir pas de fin ? Aurait-elle enfin la sensation d'avoir une âme ?

"Ne me laisse pas seule ici. S'il te plaît."

Même si ce n'était pas évident à voir, la présence de Peter la menait indéniablement vers le progrès, aussi lent soit-il. C'était la première fois qu'elle s'exprimait autant...