Invaded by the dark - Shoto

Le soleil était terne mais présent, il éclairait timidement les dalles des rues de Juggernauts qui brillaient de l’averse qui était tombée sur le quartier endormi.  Les rues étaient le théâtre des échanges vifs qui liés les habitants des lieux, entre eux, dans des dynamiques de co-dépendance ; client et commerçant, travailleurs ou simple badaud. On entendait leurs voix porter entre les dédalles de pierres épaisses. Eren passa à côté des étales, ignorant les invectives et les invitations à débourser quelques pièces pour des produits dont il n’allait pas trouver grand intérêt. Il effleura de son épaule le flanc d’un canasson tirant une charrette remplie de marchandises derrière lui, ses sabots claquant sur le sol pavé.

C’était une étrange accalmie alors que quelques jours plus tôt ils étaient au centre d’un charnier, prenant les allures d’une ville, comme celle-ci mais totalement corrompu, dépossédé de son but initial pour profiter à quelques intérêts. Le lieu où les monstres qui existaient dans chaque nation prenaient formes pour les torturer. Et Eren ne sentait pas qu’il avait été loin de le mérité, même s’il se serrait battu, battu jusqu’à la mort.  Car il n’avait que ce choix ; le combat ou l’abandon. Et il n’était pas du genre à céder. Cependant, il s’interrogeait sur la présence de Shoto Todoroki. Si Sieg, Reiner et lui avait assurément une place au cœur de l’enfer, investigateur de temps de souffrance, il ne lui semblait pas en être de même pour son ami, cette connaissance faite par hasard et qui maintenant était inscrite sur l’écran minuscule de son cellulaire alors qu’il consultait ses contacts.

Jaeger évitait la foule d’un pas décadencé, en remontant du regard sa conversation avec le garçon de flamme et de glace ; conversation qui s’était tari à la suite de cette nuit dans les tréfonds de Nowhere. Ses cheveux tombaient en rideau devant son visage contrarié. Il repensait au visage pâle et esquinté du plus jeune, à ses yeux perdus quelque part ailleurs, dans un endroit où la mort et la douleur devait l’étreindre trop fort pour qu’il puisse regagner l’instant présent.  Il s’inquiétait. Il n’avait pas beaucoup d’occasion de s’inquiéter, ses sentiments émoussés ne lui donnant pas l’occasion de s’accrocher encore à des relations. Car si Sieg était cette présence grisâtre qui lui permettait de percer la solitude ; son frère dans l’ignominie et l’étrange famille qui voulait encore s’occupait de lui ;  Shoto était une lueur douce qui balayait les ombres de son passé et plus qu’imposait par la fatalité, c’était une lumière qu’il choisissait d’approcher. Lui donnant l’occasion de se draper dans un mensonge qu’il appréciait en sa compagnie.

Il traversait le pont de bois qui le séparait du cœur de la cité, ses mains et son portable ayant retrouvé la chaleur des poches de son sweat alors qu’il avait remonté sa capuche sur son visage de marbre. Une fois arrivé devant la maison à la beauté étrangère qu’habitait Shoto, Eren hésita. Après avoir parcouru plusieurs kilomètres, il se retrouvait soudain prêt à faire marche arrière. Car il ignorait quel était son droit de s’imposer dans cette vie, d’y ajouter ses pas sanglants. Il regarda encore une fois les sms envoyés, ses prises de paroles assez hasardeuses alors qu’il maîtrisait mal ce genre de discussion. Et surtout, le silence, l’absence sur son écran terne aux reflets sépia. Il passa une main dans ses cheveux et appuya sur le bouton qui devait déclencher une clochette dans le domicile du plus jeune. Il remit ses mains dans son sweat, prêt à donner son nom de sa voix laconique et traînante.

Quand la porte s'ouvrit, il pénétra les lieux avec une certaine hésitation, la stature plus rigide, plus militaire, observant les lieux d'un regard scrutateur. Il passa une main dans sa nuque et ses yeux se découvraient sous les stries de sa chevelure, finissant par observer Shoto et son état. "Désolé du dérangement. Je venais voir... Je venais voir si tu avais réussi à te remettre." Il commença à avancer avant de s'arrêter avec un sursaut en se rappelant que ses us et coutumes n'étaient pas les mêmes. "Il faut enlever ses chaussures, c'est ça ? Il fallait ramener une offrande ? Je peux aller chercher du pain, il y a une boulangerie à côté."