Révérence. Dévotion. Vénération. Il était un fidèle mais aussi un élu ; celui choisi par le dieu du meurtre. Bhaal. Remarqué pour la terreur qu’il distillait comme un poison dans les veines de la ville fourmillante, pour son dégoût de la vie et de l’existence. Il était fidèle bien avant d’être gracié, respectant les commandements et usages de sa foi avec assiduité. A l’aube de son adolescence il commença le cycle du meurtre en l’honneur de son dieu ; laissant la trace de son acte abominable tous les dix jours sur les pavés de la cité portuaire pour la gloire du Funeste. Il ne tarda pas qu’il dépasse allégrement cette exigence, laissant les corps fleurirent à grande vitesse dans les recoins sombres des coupe-gorges ou des grandes cours ; l’odeur de la putréfaction embaumant l’air et rappelant à la population que si elle voulait un répit, alors il fallait révérer Bhaal et permettre l’extension de son culte de sommes rondelettes avancées. Mais là n’était pas l’attrait du disciple, plus proche de la pureté de l’enseignement de Bhaal que des volontés matérialistes de ses prosélytes.  



Il aimait le meurtre et donnait volontiers son corps et son âme à celui qui l’inspirait et guidait son existence. Car si l’assassinat et son art était une source chaleureuse de plaisir pour son esprit, il ne pouvait s’empêcher de convoiter plus ; la fin de toute existence, la dernière exaltation de la dernière créature vivante, juste la mort qui les emporteraient tous et lui-même dans une ultime destruction. Parfaite. Rassurante. Alors comment refuser l’honneur d’être la lame de Bhaal, son élu, sa marionnette à user pour la réalisation de leur ultime objectif.  



Il rencontra un jeune homme lui aussi plein de révérence ; mais envers sa propre personne. Brillant, féroce, sans pitié. Enver Gortash. Elu de Bayne. Alors comme leurs dieux en leurs temps, une alliance fut forgée entre eux ; dans le fer des inventions du criminel et le sang que faisait couler le Drakéide. Alliance aussi splendide que difficile ; mettant à mal sa foi totale et entière pour Bhaal et l’alimentant par la même occasion. Pour les deux élus, il devint rapidement logique de trouver un représentant pour la troisième divinité Noire et ainsi permettre aux Trois Funestes d’amplifier leurs pouvoirs. Bien sûr, chaque dieu avait ses propres intérêts et en informait ou pas leurs suivants, mais le meurtrier ne s’en offusquait pas, tant qu’il pouvait se bercer de la vision du dernier meurtre qui serait le sien, sa lame rituelle pourfendant son estomac, tranchant ses intestins et rependant leurs contenues sur le sol à cet instant dénué de toutes espèces vivantes.



Cependant, c’étant sans compter sur la convoitise d’une suivante. Orin lui vola sa place, lui vola sa vie, arrachant par ses actions ses souvenirs et prenant son rôle d’élue. Sans mémoire, sans savoir, il finit par être lui-même infecté par une larve d’Illithid. Sans dieu à révérer ou parcours à observer, il sentit ce qui était avant des désirs acceptés et embrassés comme de sombres pulsions ; à combattre. Ses mains en sang lors de meurtre nocturne qu’il ne contrôlait pas le terrorisait ; car il aimait la sensation de ses gants chauds sur ses doigts, qui finissait par durcir et former une petite couche friable sur son épiderme. Enlever par les Illithids et maintenant enlevé par le monde qui s’effondra sur lui-même. Il se retrouva à Nowhere, de nouveau sans souvenir, juste la certitude d’être vide, de manquer de quelque chose pour être entier. Et la peur de trouver ce quelque chose. A ce jour il est errant, évitant les endroits peuplés surtout la nuit. Il sent son corps convoiter le meurtre et son esprit crier sa faim. Son seul réconfort le soir et de penser à ces milliers de mondes détruits, toutes ces vies perdues. Il trouve le sommeil avec un sentiment doux-amer.