Il n’a jamais été un enfant de cœur, de ça, il en est bien conscient, Husk. Joueur invétéré, un peu trop porté sur la bouteille, sa vie sur Terre n’a pas vraiment été un exemple. Pourtant, il avait de la chance, Husk. Peut-être trop. Assez en tout cas pour pouvoir jouer tout son soul. Assez pour pouvoir prêter de l’argent à de pauvres ères qui en avaient bien moins que lui. Et assez pour casser quelques jambes quand ces derniers n’étaient pas en capacité de lui rendre son dû. Une vie de jeux, donc, des jeux saupoudrés de violences, qui lui fera gagner un aller direct pour l’enfer au moment de sa mort. Qu’à cela ne tienne, pour Husk. Après tout, s’il avait pu compter sur sa chance de son vivant, il comptait bien le faire encore après sa mort.

Et c’est ce qu’il avait fait. Esquivant les purges annuelles du Paradis, Husk retombe sans jamais y résister dans ses pires travers, ceux du jeu. Et il peut constater que la chance ne l’a pas quitté. Parce qu’il gagne. Beaucoup. Oh, pas tellement d’argent, ce n’est pas ce qui se monnaye le mieux en enfer, même si le pactole qui l’amasse fait plus d’un jaloux. Non, ce qu’il gagne, lui, c’est des âmes. Assez pour se faire une place de plus en plus grande en enfer. Assez pour un devenir l’un des Overlords. Mais, malheureusement, toutes les bonnes choses ont une fin, n’est-ce pas ? Même la chance. Même sa chance. Parce que oui, voilà. Après des décennies, plus d’un siècle, même, à avoir pu compter sur sa chance pour continuer à jouer toujours plus, voilà que celle-ci l’abandonne. Qu’il se met à perdre, et perdre, plus encore. Face à un seul et unique adversaire. Face à celui qui ne tardera pas à se faire connaître sous le surnom du démon de la radio : Alastor.

Peut-être qu’en d’autres circonstances ils auraient pu s’entendre. Peut-être même qu’ils auraient pu s’allier, qui sait. Mais la question ne se posera jamais ; Alastor, de toute façon, ne semble pas en avoir besoin. Parce qu’il lui prend tout, à Husk. Il lui prend tout, oui. Jusqu’à son âme. Car Husk fait alors l’erreur de passer un contrat avec ce démon aux intentions si floues qu’il ne parvient jamais à vraiment savoir ce qu’il veut. Un contrat qui l’oblige, désormais, à obéir aux moindres ordres du monstre souriant.

Alors c’est ce qu’il fait, Husk. Il obéit. Ca n’est pas toujours réellement désagréable, même s’il ne comprend souvent pas les plans qui se cachent derrière ce qu’Alastor lui impose. Mais il n’a pas le choix, de toute façon, alors il le fait.

C’est comme ça qu’il se retrouve au Hazbin Hotel, assurant le rôle de barman pour l’établissement de Charlie Morningstar, fille du roi des enfers, Lucifer Morningstar. S’il n’a, dès le départ, aucune envie d’être là, il doit malgré tout reconnaître que le job est plutôt cool. Ca n’est pas l’un de ces lieux où l’on insulte les employés, ou même où on prend plaisir à les torturer. Non, il est bien traité, Husk. Il n’a même pas trop de boulot, puisque les résidents sont loin de se bousculer dans cet hôtel si particulier – pensez donc, vouloir racheter l’âme des démons présents aux enfers ! Alors il finit par s’y faire, le démon à forme féline. Il finit même par s’y attacher, à cette bande hétéroclite ; à sire Pentious et ses œufs, aux accès guerriers et paranoïaque. A Charlie et ses problèmes familiaux, à Vaggie et sa détestation d’elle-même. Même à Niffty, la femme de chambre, qui… Non, il ne valait mieux pas en parler ici. Et bien sûr, à Angel Dust. Angel Dust, star du porno qui passe son temps à lui faire des propositions déplacées. Angel Dust, qu’il a vu s’enfoncer dans une violence qui n’était définitivement pas faite pour lui. Angel Dust, qu’il a vu s’infliger des comportements autodestructeurs qu’il n’avait jamais mérité. Et Husk s’est un peu retrouvé, dans le démon arachnide. Dans cette détestation de lui-même, de ses propres erreurs qui l’avaient conduit où il en était aujourd’hui. De cette vie gâchée qu’on ne pensait devoir qu’à soi-même… Alors malgré des débuts entre eux des plus difficiles, Husk a décidé de l’aider. Ils ne supportaient peut-être pas leurs vies telles qu’elles étaient devenues, mais ils pouvaient au moins ne pas le supporter ensemble. Parce qu’ils étaient un groupe, oui. Et un groupe qui allait devoir faire bientôt face à une nouvelle Extermination.

Husk n’a même pas eu d’hésitations au moment de se décider de défendre Hazbin Hotel et sa population. Il avait peut-être été forcé d’être ici, mais il y était resté volontiers. Et c’est avec toutes ses forces qu’il s’était battu contre les anges exorcistes, tentant de repousser leur assaut. Et ils avaient gagnés, oui. Tous ensemble. Malgré le fait de devoir déplorer la mort de Sir Pentious dans un tragique sacrifice, ils avaient gagné. Ils avaient sauvé l’enfer, ils avaient sauvé l’hôtel. Et il pourrait désormais assister, de loin, au long chemin de repentance d’Angel et de tous nouveaux résidents au côté de Charlie, de Vaggie et, bien sûr, de l’héroïne de ce combat, Niffty elle-même.

Sauf que ça ne devait pas se passer ainsi. Parce qu’un jour, Husk se retrouve soudain projeter, sans comprendre comment, ni pourquoi, projeter dans un nouveau monde. Un monde qui lui redonne son ancienne apparence, celle qu’il avait encore humain, sans totalement lui retirer ses pouvoirs. C’est étrange. C’est déstabilisant. Et, surtout, ça n’aurait jamais dû arriver ! Parce que dans ce monde, il se retrouve de nouveau seul, Husk. Il passe ses premiers jours à errer, sans comprendre, sans moyens de subsistances, sans toit. Et puis il finit par se décider. Par se trouver un petit job de barman – parfait, pour pouvoir boire discrètement à l’œil – dans un coin mal famé du quartier de The Heart. Il ne sait pas encore où tout cela le mènera. Mais lui qui avait toujours été seul, se retrouver à désormais amèrement le regretter.