Issue du Chaos originel [PV Hypnos]

Crématorium écoute, d'une oreille ô combien distante, son associé jacter avec le téléphone, le ton employé prévient que Red Hood est en rogne. Pour changer. Ses yeux mornes ne dévient pas de l'écran sur lequel s'agitent une nuée de commentaires et un jeu de tir à la première personne, un peu nerveux. Dabi, même s'il s'en cogne autant que du reste, anesthésie souvent les temps creux avec du divertissement bon marché. Pourquoi pas - sans aucune forme d'auto-apitoiement, sans émotion particulière, il sait qu'il n'est qu'une coquille vide de sens dans les intervalles, interstices, où son plan est en pause. Son bras, aux nécroses exhibées à l'air libre, s'avachit sur la tête du canapé flingué et ses bottes prennent leurs aises contre la table basse qui tient par miracle.
Pas la peine de le seriner avec les lois du marché ou du business, Tôya est imperméable. Les aspects déterministes, le combat social ou idéologique, les justifications de Todd, il entend en s'en foutant peut-être moins que du reste, mais ça reste superflus pour lui.
Lui, il ne défend rien du tout - nuire à son géniteur c'est tout ce qui l'anime. Que ce soit frontalement ou plus subtilement, via de la bonne publicité, des emmerdes causées à son Agence de guignols, peu importe... Le suturé, au fond, apporte facilement sa participation, s'il y voit un ricochet favorable. Et peut-être bien que les interstices sont, légèrement, mieux remplis par la croisade de Todd que par des heures à mater un hack'n'slash à la con. Le cramé est tellement accommodant qu'il concède même de l'intérêt à l'idée de rendre le réseau de Jason plus intimidant, mieux outillé, cette histoire de drogue anti-alter n'y est évidemment pas pour rien. Saine motivation.
Un sourire sans objet bien important traverse sa gueule piercée, il se relève, un geste d'automate décadencé, enfile un débardeur qu'il laisse retomber sans grâce puis agrippe sa veste au cuir clouté dans un mouvement ample. Il n'attend pas de se l'entendre demander, flemme de donner l'impression qu'il donne la patte sur commande, il sait pertinemment que Jason va s'élancer à la recherche de réponses et d'un supplément gueule à casser. Et oui, il en est. Parce qu'il a réalisé que sa dernière médiatisation date un peu et, qui sait quel acte héroïque il pourrait accomplir en chemin.
Tout en remontant son col, sa voix nonchalante bazarde avec un zeste de provocation. Allons défendre ton territoire, hein.
Honnêtement il n'est pas plus pressé qu'investi, scrollant sur son portable durant le déplacement et lorsqu'ils arrivent sur place, Crématorium flâne les mains dans les poches et quelques pas derrière celui qu'il est sûrement censé protéger - qui peut très bien le faire tout seul, espérons-le, dans son intérêt. Un hôtel lové dans un quartier pimpant, presque drôle de voir le crasseux masque rouge - il les aime, ses origines à fond de cale - intervenir dans un endroit si contraire à son adn. Enfin, il a déjà reserré quelques cols blancs, c'est vrai.
Crématorium s'engouffre à la suite du bordel provoqué par Jason et donne un ou deux sourires, anormaux et dissonants aux plus inquiets de ceux qu'ils croisent. Ses yeux glacés, flegmatiques, ne se chargent d'aucune lumière dans la manœuvre. Pas plus lorsque son associé démonte, avec toute la subtilité qui le caractérise, la porte et la tronche qui le dérangeaient.
Dabi ignore l'ordre beuglé par son partenaire qu'il contourne d'ailleurs, une petite idée en tête, l'art de faire chier sûrement. Nonchalance brutale, il claque une semelle contre le matelas où gigotent les deux rôtis ficelés et se penche sur eux, sa posture semblant hésiter entre aménité et prédation. Finalement, Crématorium brûle les cordages qui les entravent et les libère gracieusement - sans décocher un mot. Il retourne sur ses deux pieds, hausse pseudo-amicalement les épaules, mains toujours dans les poches et pivote pour rattraper son associé. Là, il choppe l'assommé par le colbac et le tire sans aucune forme de ménagement. A bonne distance, il l'ouvre. T'as vu sa gueule Jason ? T'abuse. Comment lui en faire le reproche sérieux - déjà parce qu'il s'en cogne et ensuite parce que Todd aurait pu cogner la cible plus fort, à ce stade de délabrement il y aurait eu plus de chance que ça lui rénove la façade.

[...]
... Vous croyez qu'il va bien?  
Je sais pas!  
On devrait réagir?
T'inquiète, ça lui arrive souvent.
Hého? HYPNOS!  
[...]

Les inquiétudes, interpellations, incompréhensions, lassitudes, s'embouteillent à vive allure, matelassent confortablement et son écran et son repos mal tombé.
Enfin pas si mal, même si sa colonne vertébrale grommèlera ensuite.  
La rondeur de sa joue fusionne avec les touches luminescentes de son clavier mais la variation régulière des néons ne le berce que plus langoureusement. C'est son sourire poupon et un suçotement béat, suivi d'un ronflement nasal, rétorqués à son audience qui finissent par convaincre qu'il ne s'agissait pas d'un malaise - après tout sa narcolepsie est notoire, ou presque.
C'est un jingle emprunté à Eurythmics, impliquant qu'un pallier de donation a été atteint, qui le projette dans le monde des éveillés.
Hypnos est secoué par un sursaut fautif qui le bouleverse, de ses pupilles qui exécutent une gigue à ses jambes qui, avant en tailleur, remontent jusqu'à son menton et le renversent presque. Il se stabilise comme il le peut en agrippant le dossier de sa chaise gamer.
Ahahah, merci chère audience! Et à toi ... Strichy. Il se penche sur son écran et y collerait presque son nez retroussé, les yeux exagérément plissés, pour mieux massacrer la prononciation du pseudonyme - avec la meilleure application, excessivement volontaire. C'était sans compter la voix robotique livrée avec le don et qui l'accuse de faux endormissements en vue d'inquiéter son public.
Le streamer lâche encore un rire hoqueté et aigu, sans y réfléchir et sans en prendre ombrage, purement sous l'effet de la gêne anxieuse. Il essaie bien d'expliquer, encore, qu'il est un dieu chthonien - mais on lui parle d'un Cthulhu complètement inconnu au bataillon et qui, désolé du jugement peut-être hâtif, n'a pas l'air bien sympathique.
Hypnos ne tarde pas à trouver une tangente, peu, subtile et clôture son live le cœur un peu pressé.
Il ne connait définitivement pas assez les mortels, constate t-il, un peu grisâtre ainsi tassé sur son siège. Il se ressaisit, cela dit, fort vite et en bondissant assez pour faire vriller son assise dans un tournoiement.
Niveau éthique professionnelle c'est peut-être un peu discutable mais, dans ces circonstances, on peut fermer les yeux, non ?
Et puis les autres lui manquent, surtout Than, peut-être qu'il pourra le retrouver ainsi ? Il s'en est privé jusque là et, admettons-le, ça ne tient plus.
Il décide de visiter les rêves environnants afin de mieux saisir les références qui animent les mortels. Il voudrait aussi creuser leur compréhension de cette Ville, d'ailleurs impressionnante par son pouvoir de contention - elle a semblerait-il perforé l'autorité du seigneur Hadès!, espérant y trouver une sagesse quelconque. Ou au moins un début de réponse. Le cœur battant d'optimisme.
Il s'attendait à tout, il s'attendait à être surpris!
Il ne s'attendait pas à ça.
Le premier rêveur qu'il rencontre, ou plus exactement celui sur lequel il s'arrête pour avoir été happé, est perforé d'altérations. Un miroir brisé en un kaléidoscope d'éclats.
Dans cette tête, les idées ne sont pas claires mais elles hurlent, uh, d'accord. Hypnos a déjà vu ça.
Une conscience est souvent morcelée, constellée d'associations symboliques à la signification privée, il n'a jamais cherché à pousser ces portes-là. Parfois dans les songes  les douleurs se contredisent et s'amplifient alors, sans s'en mêler davantage ensuite, il plantait quelques graines de rêve pour percer le cauchemar. Et peut-être donner une tape dans le dos, participer à un meilleur réveil.
Mais ici ça ne fonctionne pas. Le sol est trop friable pour soutenir un quelconque repos, acide de douleur.
La douleur physique ressentie par le rêveur, à cet exact même instant c'est littéralement en train de se produire - le souffle dans le torse d'Hypnos vire à la cacophonie -, est beaucoup trop forte pour que le sommeil puisse lui apporter quelconque repos.
Seul le repos éternel pourrait l'aider. Le délivrer.
C'est insoutenable, un tapage de douleurs, ça ne devrait pas exister - ça ne devrait pas être permis. Où est donc Thanatos et pourquoi cette ombre est-elle étirée à la jonction entre vie et trépas? Sa forme n'est ni morte ni humaine.
Il ne peut pas laisser faire ça, il ne peut pas, si?
Il le doit. Sûrement!

Hypnos n'est pas bien sûr de ce qu'il fait ou même de son expertise en la matière, pourtant étendue à moult domaines - pas la peine, l'auto-réassurance ne prend pas, ses dents se jettent de nouveau sur ses ongles pour les manucurer irrégulièrement.
Son esprit ne parvient pas à relâcher le lien, le fil d'Ariane, qui l'unit abstraitement à cette conscience à la dérive dont il ne connait rien - si ce n'est cette douleur. Cette horrible et incompréhensible douleur. Il espère voir Than, tout le long. Tant pis s'il se fait réprimander.
Le chauffeur, appelé grâce à une application bien pratique, ne semble pas en revenir lorsqu'il voit le bonhomme bouclé se carapater ventre à terre une fois arrivé devant des docks et après avoir somnolé tout le long du trajet.
Hypnos, parfaitement inconscient des risques, se jette à la rencontre d'un l'entrepôt, flotte un mètre sur deux, butte mais finit par rencontrer une porte entrouverte. C'est forcément la bonne.
Et là, la stupeur.
La scène est surréaliste. L'est-elle vraiment ? Oui, oui, complètement.
Il a, pour ainsi dire, côtoyé la violence et ses conséquences directes toute son éternité, en qualité de réceptionniste des Enfers. Mais là, il contemple de ses yeux écarquillés un état de demi-vie qui secoue ses genoux.
Cet homme est ligoté mais il n'est pas encore mort. Than n'est donc pas dans cette Ville ? Non, non, non allons c'est sûrement autre chose - il hasarde un rire qui meurt en gorge.
Il va sûrement se faire copieusement disputer mais ce n'est pas grave, c'est tellement moins grave que ce à quoi il assiste. Peu importe le titre d'employé du jour et, à peu près tout d'ailleurs, en comparaison.
Le streamer s'avance en tremblant, pas parce que la cervelle est apparente ou parce que l'œil est vitreux sous une paupière mal refermée, mais à cause d'une forme d'empathie désolée et inquiète. Parce que ça ne devrait pas être possible, comme situation.
Il doit sûrement pouvoir régler ça. Que ferait... Que ferait Zagreus? Le prince a toujours eu le don de se fourrer dans des périples incongrus.
Et c'est là qu'Hypnos a une idée. Dans sa besace il a encore l'ambroisie offerte par son cher ami.
Sans y réfléchir davantage - évitons ça à tout prix! - Hypnos se saisit de la substance divine et, sans grande pudeur -si l'on oublie son air profondément embêté- étire les lèvres mutilées, actionne mécaniquement la mâchoire et relève le menton du pauvre homme. Une fois que tout semble ingéré, il tâtonne. Eh, c'est un drôle de pétrin dans lequel tu es... Essaie de ne pas mourir, d'accord?

De sa vie qui, bien qu'elle fut répétitive et routinière, s'est avérée longue, Hypnos ne se souvient pas avoir ressenti pareil soulagement.
Peut-être parce qu'il n'avait jamais tutoyé la perte de quelque chose de vraiment important.
Une joie ébahie le saisit de pied en cap et l'envoie dans un sautillement, duquel il se réceptionne en joignant des mains enthousiastes.
L'homme souffrira sûrement moins. Et, maintenant qu'il est vivant - et espérons qu'il le reste - Thanatos n'a plus de devoir à assurer le concernant alors, peut-être, que le bouclé s'en tirera sans reproches? Après tout, l'affaire est réglée, tout est en ordre...
Lorsque les pupilles de l'inconnu rugissent avec bestialité, il ne comprend absolument pas le sursaut en ces termes, le streamer voit surtout le mouvement et ce qu'il traduit de plus simple : la vie! Ce qui était encore une fois, indéniablement, son objectif.
Pas de doute là-dessus, il est vivant et bien vivant. Peut-être légèrement énervé de l'être?
A-t-il fait une erreur? A-t-il agi sans son consentement ou au mépris de ce dernier?
Uh, il était attaché et à l'agonie, restons sur l'hypothèse de l'assistance proportionnée.
Qui prend un peu de plomb dans l'aile lorsque l'homme lui fonce brutalement dessus et le... il le mord ?! Même Cerbère ne lui a jamais fait une chose pareille. Le Sommeil incarné observe un temps de latence, celui qui est respecté lorsque la nouveauté frappe à la porte. Ses yeux sont très grands, parfaitement hébétés.
Sa main, décorée de chevalières, glisse à la rencontre de la chaleur qui continue de courir sur sa peau et qui colle ensuite aux doigts - ah, du sang, évidemment, bien sûr.
Tout à coup un gémissement, une plainte, un bruit amalgamant hoquet et douleur très vocale est tiré de ses lèvres. Il ne peut pas dire que ça fait mal mais c'est parfaitement choquant ou au moins étonnant et ce, dans le mauvais sens du terme?
Enfin, il connait la violence mais, admettons-le, pas intimement ou pas activement, mais plutôt derrière l'égide d'un registre. Il en est tellement stupéfait qu'il tire parti, inconsciemment, du premier mot exhalé par son agresseur pour culbuter vers l'arrière et réceptionner sa chute dans sa cape matelassée. Hypnos reste un instant sans rien dire et en flottaison au-dessus de l'homme attaché. Ah, d'ailleurs. Il ouvre un sourire parfaitement rayonnant, délaissant totalement - oubliant sûrement - le sang contre sa glotte, lève un index amical et lance les explications qu'il lui doit sûrement.
Désolé, mais uh, vous venez de me mordre - sérieusement? - et je préfèrerais que vous, ne recommenciez pas? Aah mais je comprends totalement votre incompréhension, le stress et que je puisse même être assez, déroutant? Mais pour votre bien et, ahah le mien visiblement, je vais laisser ces cordes là où elles sont. En plus on dit qu'il faut compresser les plaies, n'est-ce pas ?
Il y a surtout quelque chose qui l'ennuie énormément. L'ambroisie, dont il ne connait d'ailleurs pas l'ampleur de l'efficacité sur un humain lambda, ne fonctionnera pas de manière optimale si la boîte crânienne de son hypothétique ami en devenir est ouverte aux quatre vents.
C'est surtout pour ça qu'une moue fronce ses traits - en le mordant son interlocuteur a envoyé paître une bonne partie de la matière osseuse et, uh, organique de manière générale (pour ne pas rentrer dans un détail inconfortable).
Ses pieds s'élèvent vers l'arrière, son corps entier prend de la hauteur, couché à plat ventre sur le vide il ausculte un peu mieux l'ampleur du dégât. Non sans plisser le nez, ci et là, parce que même en n'étant pas impressionnable c'est objectivement moche.
Pas l'homme en lui-même entendons-nous bien!
La personnification du Sommeil reprend, les paupières tombantes et l'air concerné, si ce n'est attristé. Il cherche le regard de l'interlocuteur et lui indique un bout, organique, échoué au sol. Il faudrait que... En fait, comment le dire? Je vous ai donné un, mh, remède et il devrait, POUF, tout colmater! Mais ça marchera mieux si je, on, peut boucher les trous avant? Hypnos était parfaitement enjoué mais sa dernière phrase le met légèrement mal à l'aise.
Comment un inconnu pourrait-il croire à quelque chose de si grave et invraisemblable, dans une situation de crise, alors que sa propre communauté ne croit pas ses origines. S'il vous plaît? Je voudrais vraiment vous aider. Qu'il ajoute, semi-conscient que ce n'est pas un argument hautement informatif.
Ah, d'ailleurs. Il était tellement sollicité par l'urgence qu'il n'avait pas prêté suffisamment d'attention à la réaction de l'inconnu, il s'en rend compte en tâchant de mobiliser le peu qu'il connait de lui - et pourtant, quelle réaction! Les yeux d'Hypnos, un peu ternis, se ragaillardissent. Il est presque fier, émotion disjointe du plus important et qui ne durera donc que quelques secondes. Mais tout de même. Une star c'est un peu trop! Mais j'ai, déjà, quelques followers c'est vrai... Hypnos pour te servir! Le Sommeil incarné. Enfin... Juste un streamer si tu préfères.

Hypnos ne sais pas exactement où et comment situer son émotion ; la prise de conscience du danger s'arrête à mi-chemin, là où commence une gaité, peut-être, hors de propos et indécente mais assurément grimpante. Son sourire cotonneux, involontaire, en atteste.
La Mort est écartée, après tout. Haha.
L'inconnu manifeste assez clairement de l'hostilité, sa gestuelle tempête en tout cas, mais il aligne des mots qui ne sont pas parfaitement... Antipathiques? Le brun ne l'accuse de rien et même pas de mentir ou d'avoir participé à son, actuelle, fâcheuse posture.
Et il lui parle sans exprimer l'envie que ça cesse! Certes ses gestes sont ligotés et, ne l'oublions pas, sa cervelle n'est certainement pas au meilleur de ses connexions - il en manque, littéralement, certaines - mais le bouclé ne se sent au fond pas attaqué.
En le mordant il essayait sûrement de sauver sa vie?
Les humains y tiennent, en général.
Et il souffrait tellement.
Si tout est abstrait au creux de sa compréhension des choses mortelles cette douleur, elle, est encore bourdonnante de réalisme. Il ne sait pas bien comment cet homme faisait pour y survivre, d'ailleurs ça l'impressionne. C'est pour ça, aussi, qu'il le couve d'un regard un peu trop enthousiaste et sincèrement compatissant. Un mélange qu'Hypnos ne comprend pas comme étrange.
La plaisanterie sur le courant d'air lui extirpe spontanément un petit rire nasal, qui valide totalement. Cet inconnu est très drôle! Il l'est malgré sa blessure carabinée...
Ou alors il s'agit d'un délire? Le Sommeil n'est sûr de rien. Il connait mal l'intervalle entre vie et Mort ou ses conséquences, à peine ce que Than lui en a rapporté (quand Hypnos s'entichait des héros de leur mythologie, évaluait le principe de gloire dans le sang). Cet homme a l'air d'être aussi résistant qu'Asterius! Et plus proche de lui que ses héros ne l'ont jamais été - peut-être pourra t-il lui demander un autographe?
Enfin, focalisons-nous.
La nouvelle réplique de l'inconnu l'y aide un peu, brutalement. Les joues du Sommeil s'empourprent violemment, l'émulsion de gêne n'est retenue par aucun savoir-faire, à peine par ses mains qui finissent par empoigner son propre visage.
Enfin, ils ne se connaissent pas assez et ne se sont pas connus dans un quelconque passé! Hypnos cogite à vive allure, comme si le char de sa pensée fiévreuse était tiré par Hermès.
Il est irrémédiablement flatté, son cœur qui se languit d'attention palpite et, en même temps, il ressent une émotion très coupable.
Il s'agit à coup sûr d'un délire. Ou, peut-être pire, peut-être que l'inconnu voit cette rencontre d'une manière qui impliquerait... Une grande souffrance? Ohh, celle-ci.
L'inconnu a-t-il réellement espéré que le Sommeil viendrait le chercher, encore et encore et sans jamais le trouver assez? Pourtant il s'accroche si fort à la vie...
Il aurait sûrement pu être un champion tragique de la Grèce, mais Hypnos se demande si le sort est vraiment enviable.
Désolé si le Sommeil a raté quelques rendez-vous et... Qu'il a échoué à... Te faire aller mieux? Tâtonne t-il. Il se sentirait presque fautif.
C'est très compliqué, sûrement l'échange le plus compliqué qu'il ait jamais eu. Pourtant il n'arrive pas à retenir sa question candide, presque heurtée, qu'il susurre. Tu m'imaginais... Comment? Parce que, de manière générale, il entend très bien que les gens espèrent autre chose de lui. Il n'en tient jamais rigueur.
Ah, la suite de la discussion détromperait-elle ses impressions? Hypnos écoute l'inconnu avec attention.
Presque avec félicité, tant mieux si c'est plus simple que supposé. Heureux que mon contenu te plaise! Quand tu seras tiré d'affaire j'aurai tout un tas de conseils pour toi, tu as de très jolis yeux - pas communs en tout cas! Le trait que tu te fais est un peu trop épais, par conte, c'est dommage! Conclut-il en se penchant un peu plus sur ce cas-là, sans mal y penser.
Il est sincère et se voudrait encourageant pour autant, il ne comprend pas bien là où son interlocuteur veut en arriver. Et ça l'intéresse vraiment de comprendre alors, tout simplement, il essaie et demande. S'il doit tripatouiller son cerveau, autant lui montrer de la considération tranquillisante, non?
Il hoche la tête par réflexe, écoute active, sans rejet donc des idées qui pourraient de prime abord sembler décousues.
Hypnos ressentirait presque chez cet homme... Du dégoût? Mais envers qui? Euuh, qui est le rat? Et qu'est-ce qu'il leur veut? Tu parles de bénédictions, du genre, divines?
Le grondement issu des viscères de son nouvel ami ne le rassure pas du tout, à tel point que son regard clair tremble. Lorsque l'homme lui donne enfin l'autorisation, Hypnos approuve aussitôt.
Il n'a vraiment aucune connaissance médicale et ça tombe très mal - heureusement il a suffisamment d'abstraction pour ramasser la matière organique comme si elle n'était, justement, que de la matière qui - une fois agrégée - devient vitale. Rien d'écœurant là-dedans, ahah, non.
Si les cassures de l'os sont nettes, les parties molles vont être dures à réassembler. Heureusement que l'ambroisie est magique et, ah, d'ailleurs.
Hypnos, tout en tenant dans le creux de sa main gauche les bouts organiques, sort une fiole de sa besace. Du nectar. Il devrait fluidifier de nombreuses étapes et son goût exquis, à la lisière du divin, pourrait anesthésier certaines douleurs moins puissantes que l'est son effet.
Ah, si son ami doit boire ça... Il va bien falloir le détacher.
On va devoir croiser les doigts? L'important c'est que le brun aille mieux.
Oui, ça lui est très important.
Hypnos dépose précieusement le breuvage en flacon sur les genoux du captif et, que va-t-il trouver de suffisamment tranchant pour couper les cordages? Le voilà bien embêté.
Ohh, la divine inspiration le touche. C'est bien sûr : sa plume de scribe.
Essaie de ne pas me tuer, d'accord? Qu'il marmonne sur le ton de la pseudo-plaisanterie nasillarde tandis qu'il glisse le tranchant de son outil de travail entre les liens serrés. Il doit s'y reprendre plus d'une fois mais ça finit par fonctionner.
Ouuuf, on a réussi! Piaille t-il en rengainant vers sa ceinture. La plume a été, littéralement, plus forte que l'épée, hahaha! Maintenant... Pourrais-tu boire ça pendant que je m'occupe de ta tête? C'est du nectar, ça apaise la douleur!
Sans vraiment attendre, un peu trop inquiet pour ça, Hypnos entreprend méticuleusement de rapiécer en remettant les bouts là où il pense qu'ils étaient.
Croisons les doigts, oui.

Un ... monstre? Les paroles de son presque-ami résonnent sous son crâne et Hypnos ne peut pas retenir un pas de recul. Il est intimidé et pas, tellement, à cause de la description graphique qui se déroule mais de se voir adresser une œillade aussi séduisante, coulante, dans ce contexte-là. Voilà bien deux humeurs fort contraires qui, une fois associées, lui provoquent un quelque chose qui titille le ventre.
L'homme exhale un certain charisme, ça, le bouclé le reconnait sans mal!
Et personne ne l'a jamais regardé aussi assidûment.
Mais s'il s'attendait à trouver au sommeil ces allures-là c'est sûrement que son chemin de vie a été plus accidenté qu'Hypnos se l'imaginait déjà. Et ça continue de contrarier son empathie.
Avoir peur du Sommeil est assez rare mais, souvent, significatif d'une conscience bousculée. Le Seigneur Hadès refusait régulièrement d'être endormi. Et s'il prétendait avoir trop de travail et suffisamment de ressources pour ne pas s'y prêter, son intendant avait compris qu'il craignait aussi quelque chose. Peut-être les souvenirs.
Son presque-ami doit avoir la conscience lourde. Et peut-être même imbibée de sang.
Il le sait.
Je ne chante pas, ça c'est plutôt Orphée mais je, ahah, prends le compliment avec plaisir! Scintille t-il dans un sourire grand et tremblotant qui essaie, sans réussite aucune, de masquer sa gêne galopante. Parce que, finalement, un choriste c'est sûrement mieux qu'un monstre? Et ça lui importe sûrement un peu trop.
Et soudain un grand bousculement qui le fait tituber dans un sursaut et glapir, aussi.
Croiser les doigts n'aura pas suffit! L'homme, sûrement insuffisamment réassuré, effectue un dangereux mouvement de fuite... d'attaque? Le Sommeil rattrape in-extremis le précieux bout de cervelle qui avait sauté en même temps que lui.
La référence familiale il ne l'a pas, du tout. Hypnos sait que les lignées peuvent être compliquées - après tout le Seigneur s'était retrouvé dans le gosier de son propre géniteur, parfaitement monstrueux au demeurant - donc son premier réflexe, face à cet élan de déréalisation agressive est, paradoxalement, de hocher la tête à vive allure. D'accord il hoquète aussi, un peu anxieux.
Tout ce que le brun veut, tant que le Sommeil arrive à finir de poser ses... Rustines? Sans recevoir un coup fâcheux.
Et, surtout, ne serait-ce pas là le moment d'en apprendre davantage sur celui qu'il trouve, sûrement trop, passionnant? Hypnos est déjà attaché.
Ta maman, il mord sur sa langue, ce terme est trop enfantin et il le sait, Nyx lui a souvent demandé d'en changer. Il craint de brûler toute sa crédibilité. avait des problèmes avec ton père? J'imagine que ce n'est pas la "connasse" dont tu parlais tout à l'heure, ahah, alors? Tu... ça ne devait pas être facile. Tu sais je veux bien que tu me racontes mais... Je dois assurer l'intégrité de ton cerveau en premier! Dit-il sur le ton de la plaisanterie et en levant sa main sanguine en guise de démonstration qu'il regrette aussitôt.
Le brun aux yeux nervés est soudain près, si près que le bouclé peut apprécier son odeur - thé vert? - pâlir puis rosir.
Il est encore une fois intimidé, encore plus, le cœur tambourinant. Il en oublie même d'avoir peur. Il oublie même de s'apercevoir que le brun dérobe sa propre matière grise.
Son expression béate retombe au profit d'une, cette fois, réelle terreur.
Non, attends! S'exclame t-il en réduisant automatiquement le peu de distance qui les séparait encore et en levant, avant d'intellectualiser, sa main pour effleurer celle de son presque-ami.
Parce que l'homme essaie de réparer le trou avec la subtilité d'un satyre - l'effervescence provoquée par le Nectar ne doit pas y être pour rien. Tu es un abruti, Hypnos.
Ses doigts hésitent, reviennent tapoter ses lèvres plusieurs fois mais, finalement, il arrive à suffisamment se gorger de courage.
Le Sommeil esquive soigneusement les doigts du brun, qui matraquent ce qui est devenu une mélasse rougeâtre, réajuste comme il le peut les morceaux.
Une fois que presque tout ce qui traînait est en place il constate que le crâne commence à se reconstituer sous l'effet du charme magique. Alors il échappe un yipie! rayonnant et rassuré, s'empresse d'attraper la main du brun pour la retirer de la zone d'action.
Une fois cela fait il la relâche vivement, brûlé et mortifié par sa propre audace. La gêne et si forte qu'elle le fait léviter à environ trente centimètres du sol.
Il lui faut quelques secondes pour remettre ses idées en place, après tout et au regard de son euphorie - certainement entendable pour un mortel goûtant à son premier nectar - il doit peut-être le surveiller.
C'est là qu'il constate que ses - jolis - yeux réhaussés par un trait de khôl ont la commissure rougie. Il voudrait le toucher, mettre une main sur son épaule. Est-ce que ça va?