[Warning : violence et abus] Le profanateur [Hypnos et Vaas]

Les doigts qui parcoururent son épaule était comme des anguilles, à la froideur moite révulsive mais Vaas ne les enleva pas. Il n’intensifia pas non plus le contact, restant à distance du mouvement, en étant spectateur. Clochette vola vers lui, les ailes cassées, et le pirate était frustré. Car il n’avait plus rien à tuer, plus rien à faire souffrir. Il avait réagit avec trop d’instinct, comme un enfant impétueux. Il avait explosé ce qu’il voulait voir hors du portrait, sans penser qu’il pourrait en avoir encore l’utilité. Quelle bêtise, il en avait encore besoin, besoin de ce trou du cul pour trouver une sorte de logique dans ses supplices.

Les remerciements, il les prit sans en faire quoique ce soit, ils étaient logiques et terriblement hors de propos. Vaas ne putain de comprenait pas. Et ça, ça l’énervait, car il aimait comprendre. Il aimait prendre toutes les putains de pièces de puzzle pour les assembler en une merde qui faisait putain de sens. Le corps profané était d’une pâleur irréelle, toutes les tâches sur son corps ressortaient comme des stigmates et ainsi souillé, il faisait moins tâche sur terre. Sauf que ça n’allait pas, car Vaas n’arrivait même pas à dire qui était Hypnos, qui lui il était, à quel moment ils avaient perdus leurs singularités ?

Les excuses par contre, il les prit de plein fouet, ou plutôt ce qu’il lisait entre les putains de lignes. Le message caché, la vérité sous le plaidoyer, le sens dissimulé. Car il savait lire entre ces lignes, débusquer, déterrer, regretter. Le boulot promis, à quelle fin ? Vaas savait, car il savait ce qu’il avait demandé -presque comme une prière à bien y réfléchir- au jeune volage. Pour la richesse, le putain de péché d’avarice, d’envie de thune. Et ça… ça le faisait disjoncter. Il ignorait si il avait poussé le garçon vers la compromission ou si c’était une punition divine envers lui. Il tomba de si haut qu’il était sûr que si il arrêtait un jour de tomber, il s’éclaterait en tellement de morceau qu’il serait impossible de le ramasser. Alors Hypnos disait que c’était lui qui l’avait entraîné sur ce chemin, avec sa voix douce et sa décence pudique, le sang coulant encore, sillonnant jusqu’à ses chevilles frêles et noircies. La petite fée arrivait pour lui faire la démonstration de sa corruption, lui exposant ce qu’il faisait depuis l’enfance, cette tendance qu’il avait à échouer à préserver ce qui était pur, à le salir.

Et Vaas aurait pu s’effondrer sur l’instant, attraper ce qui restait de lui et le broyer sous son corps s’abattant au sol. Ou enfin trouver du courage pour cet instant où le canon rencontrerait son crâne pour déployer le putain de cyclone qui emporterait toute son île avec lui. Sa main trembla non loin de sa crosse alors qu’il fixait le dieu, le regard écarquillé, un peu suspicieux, très sur la brèche. Sauf que laisser tout s’éclater, c’était aussi le faire en voyant ce regard noisette en pleine face, ne pas pouvoir lui répondre, emporter cet ultime crime avec lui.

Et ça, ça le rendait fou. Car putain... Vaas matraqua les pleurnichards qui vivaient en lui avec la fureur sous substance qui l’animait, et il la laissa prendre le contrôle. C’était encore une accusation, on l’accusait encore. Hypnos avec son air défait, sa lèvre fendue et tremblante, comme si c’était Vaas qui l’avait brutalisé. Est-ce qu’il essayait de lui montrer à quel point il lui faisait du mal ?! Etait-ce juste à visé pédagogique ou car il lui donnait l’objet d’une pénitence qu’il devrait commencer ?! Comment cela se faisait que le PUTAIN de dieu du sommeil avait laissé son corps ainsi souillé, était-ce car il voulait punir Vaas ?! Le laisser voir jusqu’au bout à quel point le pirate pouvait le faire souffrir, l’envoyer dans les filets de l’horreur ?! Comment il avait réussi à mettre un être divin à sa place, le faire lui.

Mais est-ce que ça s’arrêtait un jour ?! Combien de fois il avait besoin de le comprendre ?! Sur qui devait-il tirer finalement car ils étaient si similaires ? Quelle vie avorter ?  

Finalement, Vaas attrapa le drap avec lequel Hypnos se couvrait, l’amenant à lui en tirant le tissus, plus près, le regardant en contre plongé. Son corps était rigide, dangereux, bien différent de la frêle et brisable stature volatile du dieu à la blancheur timide. Puis il fit le tour du garçon avant de sortir son arme. Les mains abîmées de Vaas se posèrent sur ses propres hanches, comme dans une attitude réprobatrice.

« … Hey, hey. Shhhhh… On est pas là pour trouver des coupables. Enfin sauf ce pauvre type. C’est bizarre ça… Que cet enculé était encore réveillé quand je suis arrivé.»

Il souffla du nez et puis ricana avant de lui montrer le lit du canon de son flingue.

« Rallonge toi.»

Alors c’était ça, quand l’espoir s’éteignait. Vaas n’était pas sûr que ça avait réellement un visage et pourtant, il l’avait là, juste devant ses putains de deux yeux. Et c’était clair, plus limpide qu’une giclée de whisky. C’était fou, car il n’avait jamais vu quelqu’un perdre autant en attendant de lui, pas même sa sœur qui était en perpétuelle déception. Elle n’avait jamais cessé de chercher son guerrier, de briller par sa connerie. Hypnos s’était éteint, plus encore que les vacanciers qui lui demandaient de mettre fin à leurs vies de petits blancs privilégiés. Ou en tout cas, le pirate en avait un peu plus quelque chose à foutre et c’était bien ça son problème.

La cocaïne qui courrait dans ses veines lui dictaient d’agir et de réagir, action-réaction, de tabasser son petit cul en même temps qu’il tabasserait sa propre culpabilité. Car il portait déjà tous les pêchés d’une tribu à genoux, qui attendait juste de pouvoir goûter à l’entre-cuisse de leur divinité, putain, et comment il pouvait accepter d’en reprendre une couche ?  

Et en plus, l’ensommeillemeur se réveillait simplement pour le braver, s’opposer, l’emmerder.  

Je ne veux PAS et tu n'es pas comme lui, tu ne me forceras PAS.

Vaas ramena ses mains devant son visage , serrées entre elles comme dans un signe de prière ou d’apaisement, son flingue toujours dans sa paume fébrile. Il souffla profondément, comme on le ferait pour éteindre un petit feu de merde ou retenir une grosse colère. Car il faisait BIEN COMME IL PUTAIN DE VOULAIT ! Si il voulait qu’il S’ALLONGE, il S’ALLONGEAIT. Il détestait l’écho qu’avaient les derniers mots dans son esprit, ils rebondissaient, trouvaient des endroits où poser leurs empreintes. Les voix répondaient à pourquoi il ne le forcerait pas. Car il était faible. Peureux.

Je voulais pas... Je veux juste rentrer avec toi.

Et cette petite voix douce, celle qui avant lui faisait rentrer la queue entre les cuisses et poser les armes comme un clebs. Celle du dernier recours, quand la fermeté, l’accusation, la culpabilité ne marchaient plus. Dommage que ça ne prenait plus. Oh putain de dommage !! Il fit deux pas vers Hypnos, le canon de son flingue tapant son propre front dans un mouvement de réflexion.

« Tu sais ce qui nous différencie le plus, lui et moi ? » Il pointa le cadavre du bout du pistolet. « C’est que lui IL EST MORT, et moi JE SUIS VIVANT !!  » Ce regard hanté, ça le rendait barge. « Oh, tu me REGARDE PUTAIN ! C’est moi que tu regarde ! Tu veux que je sente que tu as peur ? HEIN ?! » Il s’approcha comme un prédateur. Car les prédateurs sentaient ce genre de chose, il ne sentaient pas pourquoi, mais ils sentaient quand leur proie était terrorisée. C’était une cruelle erreur.

Il posa sa main bandée sur la joue humide du dieu et le força à relever les yeux vers lui. « C’est pas le moment de m’énerver. C’est le moment de m’écouter. Tu peux faire ça pour moi, Hypnos, hm ? Tu peux m’écouter ? »

Il le voyait mais n’écoutait vraisemblablement pas le pirate, toujours pas, ressassant un regret, le ravalant et le recrachant à sa gueule. Il le défier, il le suppliait, il pacifiait. Comme si le résultat allait changer. Sa tête tomba contre lui, dans un mouvement de pure faiblesse, de pure abandon, il attendait que le cyclone lui passe dessus ou il était complètement con. Le flingue toujours en main, les doigts fébriles autour du métal froid, le brun s’agaçait. Se tendait, se détendait. Il avait envie de l’attraper par les cheveux et de le mettre face au concret, à la réalité. De chopper Vaas, Hypnos, Hypvas, peu importe qui il était, et de le rendre moins… faible. Plus à même de réagir. Capable de chopper ce flingue et de le retourner vers Vaas plutôt que d’attendre la délivrance quand il voudrait bien la lui donnait.

« PUTAIN DE WAKE UP ! » Hurla t’il dans son oreille alors qu’il ne l’avait toujours pas repoussé. C’était amusant de lui dire de se réveiller, pour plusieurs raisons. La moins drôle était qu’il était le sommeil, le provocateur de ses propres somnolences. La plus drôle était qu’il vivait actuellement dans un cauchemar dont il ne pourrait pas se réveiller. Ironique. Et ça c’était drôle. Mais Vaas ne riait pas. « Arrête d’attendre ton putain de sauveur !  » Son putain de sauveur. «Sois ton putain de sauveur !  »  Vaas recula et regarda le corps frêle, blessé, brisé et il attrapa d’autorité sa main en ouvrant sa paume. Il posa sa crosse tiède dans sa poigne et la referma dessus, posant ses deux mains sur celle armée, l’empêchant de lâcher. Dans un premier temps, faisant fit des résistances, il força l’arme à lui faire face. Puis en basculant derrière Hypnos, il attrapa ses bras et fit pivoter le flingue vers le corps à terre.

« Vas y, tire Hermano. Ca te fera du bien. Tu ne la laissera pas s’installer dans ta tête comme ça. »

C’était réellement divin, cette pureté totale et indestructible, quand bien même le monde lui était passé dessus et avait laissé des marques violacées sur sa peau laiteuse.
La voix nasillarde mais qui balançait de l’optimiste dans des phrases qui pesaient des tonnes. L’esprit cloisonné, protégé, incorruptible. Un genre de streamer Jésus ultime qui tendait la joue et l’autre joue et l’autre joue, sans arrêter, quand bien même sa tronche ressemblerait au final à un tas de viande sanguinolant. Comment ? Vaas en connaissait d’autres qui avaient chuté si vite, même en pensant avoir des limites aux représailles. Juste une marche trop haute et puis ciao !  

Et même ce qu’il savait faire de mieux, corrompre, ne contaminait pas la fée du matelas. Il l’écouta presque religieusement, son torse contre son dos, son menton peinant à surplomber l’épaule du sommeil qui le dépassait, ses mains toujours autour de celles plus fines et douces. Les mots étaient, ils existaient, ils le touchaient un peu trop pour qu’il puisse les ignorer.

C'est toi et moi.   Il discernait à peine le corps à leur pied, il voyait juste le sol de pierres humide et sentait l’odeur de la jungle qui les entouraient. Et si... On se sauvait... Tu sais, l'un l'autre ? 

On a plus que des légendes et des couteaux.

Il regarda Hypnos, il se regarda. D’où il était il pouvait croiser son regard, plein d’espoir et de douceur. Pleins d’espoirs dans le fait qu’ils étaient deux, là l’un pour l’autre. L’invitant à le rejoindre, à le croire.

Putain, si il se laissait recommencer ça, ça voudrait dire qu’il était vraiment taré. Son regard brillant et putain de perdu bougeait entre l’autre et son espace. C’était trop doux pour qu’il accepte de se bercer d’illusion. Pour qu’il recommence, la suite il la connaissait. Pour qu'il conçoive qu’elle s’installe dans sa tête frisée et qu’elle détruise tout. Il ne se laisserait pas faire tomber les armes et avec une vigueur retrouvée, ses muscles guindés, il força de nouveau les mains frêles à mettre en joue le cadavre. Et avant que son index s’éloigne, ne quitte la gâchette dont il avait besoin, son doigt appuya dessus avec brutalité et le coup parti. Puis il se fit tirer encore trois coups sur le cadavre.

Assommés par les coups de feu, Vaas recula et regarda Hypnos comme si il venait de le tuer. C’était le cas. Oh est-ce qu’il avait fait ce qu’il ne voulait pas faire ? Est-ce qu’il avait recommencé la boucle ? Qui était-il ? Où était Citra là dedans ? Est-ce que c’était lui ? C’était lui qui avait tué ce qu’ils avaient ?

Force, devoir, finalité

«  Oh non, non, non » anonna t-il avant de jeter le flingue au sol «  PUTAIN !! » Il voulait taire la voix dans sa tête, geignante, mais elle était trop puissante dans sa faiblesse et finit par sortir «  Je suis désolé » c’était lancinant et plaintif comme une bonne petite lopette. Il entoura son crâne de ses mains pour les contenir et releva son regard vers le dieu aux nombreuses souillures mais relevé. Il devait lui faire comprendre. L’impasse de leurs vies. «  Il n’y a aucun moyen que ça finisse putain de bien, surtout pas à deux. Le monde est une putain de diagonal… et… putain. » sa main bandée vint se poser sur ses yeux, coupant la lumière artificielle de la pièce. «  tu vas finir écrasé. Ça... » Il pointa le décor et reprit d’une voix éraillée. «  Ce n’est que le début. »