[Warning : violence et abus] Le profanateur [Hypnos et Vaas]

Sa fonction était d'accueillir les âmes damnées en les gratifiant d'un sourire - en fait le sourire n'était pas obligatoire, c'était simplement sa façon de faire. Hypnos ne s'est jamais lassé de l'humanité même en croisant certains de ses pires représentants.
Les horreurs dont ces âmes s'étaient rendues coupables étaient gravées sur sa tablette mais son œillade furetait au-dessus des lignes, vers la rencontre.
La vie a toujours été pour lui une portion de l'existence abstraite car méconnue, c'est sans doute pour cela qu'il la percevait avec autant de négligence. Les fautifs étaient seulement conduits vers les soubassements qui correspondaient à la nature du crime. La vie perdue était à peine une introduction avant l'éternité.
Il n'y avait pas d'horreur pour lui, juste de la routine. Ces coupables de passage, ils l'étaient pour beaucoup ceux qui passaient devant lui, ont paradoxalement représenté le plus gros de la compagnie qui lui était laissée.
Un jour il avait même proposé à Thanatos d'emporter toute l'humanité d'un seul revers de faux - sans comprendre l'ampleur ou la gravité de sa demande. Parce qu'il voulait plus de temps en la compagnie de son frère et que, dans son système de normes en vase-clos, l'interpersonnel était infiniment plus vif que la morale.
Depuis qu'il est dans cette ville Hypnos commence à comprendre pourquoi la vie, pourtant si courte sur la frise du temps, est d'une importance singulière. Peut-être parce qu'il se trouve au contact des mortels et plus des déjà-morts, peut-être parce qu'il n'est plus bien sûr que les Enfers persistent ici.
Parce qu'il a mis le doigt sur quelque chose, un indicateur moral et qu'il en a fait l'expérience. La souffrance. Son registre traduisait froidement les exactions commises mais ne rendait pas compte de cette souffrance. Et, au creux de la Demeure du Seigneur Hadès, personne n'en parlait vraiment quand bien même ils l'auraient ressentie. Elle était diffuse et Hypnos, sûrement, était tenu à l'écart de ses formes les plus vives. De ça comme du reste.
Il a été au contact d'une souffrance inimaginable dans cette Ville et, d'ailleurs, il n'a pas eu suffisamment de mots pour la décrire au moment de la rencontrer. Celle dans les cauchemars de Vaas a tout simplement retourné son cœur, sa compréhension et, paradoxalement, c'est grâce à cette expérience que le Sommeil s'est un peu mieux humanisé. Parce que cette douleur était horrible. Qu'il a commencé à être soucieux plus que seulement amical. Hypnos a toujours été admiratif des autres - ou sûrement était-ce de leurs histoires qui pourfendaient l'ennui - mais à partir de Vaas le dieu a commencé à se sentir connecté et intégré, a eu l'impression que les autres et lui-même pouvaient peut-être communiquer, nouer une incidence réciproque. Il a eu l'impression d'obtenir une capacité d'action et, peut-être même, un devoir d'action.
Vaas plus que n'importe qui d'autre, via ses émotions diurnes aussi brutales que le sont ses fantômes nocturnes, a été son attache. Et peut-être même son héros mythique en lutte contre une hydre haineuse et empoisonnée nichée à l'endroit le plus retors, à l'intérieur. Il l'a admiré sans boussole.
Et son ami lui a donné plus d'attention qu'il n'en a jamais espéré. Hypnos ne sait toujours pas à quel point tout aura été dysfonctionnel - il sait seulement que cela existe.
C'est pour cette raison qu'Hypnos n'a pas lâché le morceau alors qu'il aurait pu l'endormir cette nuit afin de le fuir, en espérant que la distance mise entre eux suffirait à l'écarter de ses douleurs - dont il est dépendant parce que leur pendant positif a existé. Il le croit. Il se souvient des nuits à veiller son Sommeil à l'embouchure des discussions les plus longues de son éternité.
Le Sommeil voulaient qu'ils se parlent sans que les fantômes ne soient là pour brouiller la ligne et qu'ils commencent par s'entendre. Parce qu'il est plus simple de croire aux fantômes. Quelque part il le sait. Il sait qu'il rêve.
De la lumière commence à gagner tout son regard, comme une inondation d'espoir.
Il ne voulait pas que Vaas continue à le faire souffrir mais il voulait encore moins accepter sa perte. Il n'en aurait certainement pas été capable.
Lorsque son ami le touche sans cette brusquerie qui avait poignardé et son cœur et ses espoirs Hypnos a l'impression qu'il s'adresse enfin à lui. Il est conscient, pourtant, qu'il en aurait eu besoin avant. Mais il n'a ni l'envie ni la force d'abandonner.
Ce qu'il s'est passé ce soir a broyé son corps et Vaas a sûrement broyé une part du cœur qu'il avait énamouré mais le contact avait été tant désiré qu'il l'est toujours, encore, parce que le Sommeil ne va pas vraiment mieux.
Vaas le regarde enfin dans les yeux et ça pourrait le faire pleurer. Son ami ne semble plus en colère mais tout au contraire éberlué, peut-être que la réalité peut enfin se jouer maintenant, peut-être que la déréalisation est finie pour l'un comme pour l'autre? Peut-être qu'ils peuvent se pardonner?
Hypnos n'est pas vraiment en colère. Du moins ce n'est pas l'émotion qui fait le plus distinctement tambouriner son cœur. Vaas l'écoute de nouveau, comme à chaque fois où ça lui a fait du bien et malgré tout l'insensé qui a sûrement, au fond, un sens si complexe qu'il s'est perdu dans la douleur du temps.
Il doit parler sans se rater, aucune pression bien entendu. C'était cohérent! Une diagonale peut se redresser, enfin tu vois, non? Dit-il même si cela ne comporte aucune importance et en prenant tout de même le soin de mimer ses dires avec l'amplitude de ses mains - d'ailleurs le geste n'a pas beaucoup plus de sens que le propos qu'il cherche à mollement étayer. C'était surtout une façon de se détendre avant l'apnée. Plus j'y réfléchis et plus je me dis que c'est, uh, un peu pareil pour moi. J'ai vécu longtemps et, en même temps, j'ai l'impression d'avoir toujours vécu le même jour...  Comme si la vie était une minuscule ombre portée qui, genre, déclinait toujours de la même manière. Je résidais aux Enfers tu sais, je n'ai jamais fait l'expérience du hasard parce que, là-bas, tout était déjà par défaut acté! Et ahem, réglé sur du papier à musique. Je crois que... Je donnais plus ou moins toujours les mêmes conseils. Il faudrait que je lui demande. Il secoue le visage à la négative. Mais non, ses conseils essayaient toujours de se réinventer. Enfin pour être honnête c'est surtout l'imprévisibilité de Zagreus, toujours à trouver une nouvelle façon de mourir - impayable -, qui étoffait ses scripts et dialogues. Mais cette Ville est différente, elle ne tourne pas sur les mêmes règles et s'il y en a je ne les ai pas encore... Comprises? Et surtout : je t'ai rencontré. Tu m'as fait vivre et ressentir des choses que je pensais purement fictionnelles et, donc, auxquelles je n'avais clairement pas accès! Il essaie de lui sourire même si ses lèvres tuméfiées ont bien du mal. Tu es la fin de ma boucle, Vaas! C'est clairement niaiseux et pour en rajouter une couche, souligner le propos et se cacher en même temps, Hypnos ose le prendre une seconde fois dans ses bras. Ses bras entourent les épaules du brun mais, pour être honnête, il s'effondre plus sur lui qu'autre chose.

Ses efforts sont à l'agonie et ça le frustre autant que ça l'entraîne. L'endormissement, celui qui voudrait nettoyer toute l'horreur de cette nuit et tout fluidifier, faciliter, grignote son champ visuel qui se restreint par à-coups. Contre l'odeur de son ami à laquelle il peut de nouveau accéder - prétendre que c'est simple et simplement apaisant - ses paupières tanguent un instant sous la moiteur de la fatigue. Ses muscles se sont ramollis le front est lourd et, sans aucune surprise, il voit les frontières brouillées et à quel point il tient à ça. A lui. Il serait prêt à tout recommencer à cet instant où il ne sent plus sa colère, plus dirigée contre lui. Il est toujours accouru dans les jupons de Nyx qui lui accordait infiniment moins que ça.
Mais il lui a promis une fin de boucle et peut-être se l'est-il également promis. Alors Hypnos tressaute parce que Vaas le regarde bien dans les yeux, lui, un rappel et un picot d'espoir.
Qui tremble lorsque le métal est ramené contre sa paume avec trop de douceur pour que le ressenti ne soit pas ambigu. Hypnos amorce une négation de la tête avant de la suspendre. Vaas l'a relâché. Ce n'est pas pour contraindre c'est pour... expliquer?
Peut-être a t-il trop besoin d'y croire.
Le poids d'une arme et le poids de l'argent. Le Sommeil regarde d'un œil creusé, esquinté ou même poché - assurément tombant et pourtant bercé de douceur, il veut comprendre et sûrement beaucoup trop. Lorsqu'il pense avoir empoché de la compréhension Hypnos s'enthousiasme au-delà de ce qu'il faudrait car la conversation reprend, aussi ubuesque et dangereuse pourrait-elle apparaître à quiconque aurait vécu une sociabilisation. Il opine du chef pour signifier son écoute active. Il poursuit le rythme sans le questionner et suit les mouvements vifs du brun, tournant  la tête lorsque son regard doit le suivre et cela même s'il s'agit de gestes très imagés.
Le point de balance? Veut-il parler d'un équilibre? Cela pourrait paraître fallacieux, hypocrite ou hors-sol en considérant l'instabilité du premier concerné. Mais Hypnos sait que les mortels pensent tout pouvoir acheter avec leurs devises dont la péremption est aussi sûre que l'est celle de leurs guerres - souvent motivées par le gain d'ailleurs - l'argent et les querelles reviennent toujours, ressuscités dans une forme légèrement différente. Une boucle? Devait-il réguler quelque chose à l'intérieur de celle-ci?
Vaas s'est-il investi d'un quelconque devoir là-dedans, ou peut-être était-ce davantage un rôle par rapport à cette fameuse diagonale? Non, d'après lui c'était un "boulot".
Le Sommeil ne serait pas étonné de savoir que le commerce de la mort recrute.
L'arme de Vaas aurait t-elle été achetée au cours de sa boucle?
Mh ça a l'air encore plus compliqué que ça. Ce type? Quel type? Lâche t-il avec considération et application, douceur aussi et sans lâcher le regard de Vaas comme si tout en dépendait. Le bouclé se souvient de ce que son interlocuteur disait au sujet de ceux qui penchaient le monde ; que ce n'était pas lui et que son île était petite. Vaas, depuis le début de leurs discussions, a toujours été en quête d'un grand sens et peut-être était-ce celui de ses actes... Est-il en train de lui dire qu'il a essayé de réagir à quelque chose sans y arriver. Casser leurs règles?
Cela expliquerait une part du fatalisme de son ami et cela, malheureusement, n'étonnerait pas Hypnos qui a appris à redouter les moments où Vaas plaque son arme contre sa tempe - pour sortir de sa boucle et parce que c'est comme ça qu'il faisait? Peut-être que le point de balance représente l'endroit où les forces ont convergé, où il s'est vu être écrasé? La déité n'est sûre de rien et, à l'évidence, c'est extrêmement compliqué.
Il n'excuse pas la violence de Vaas pour autant cela dit il ne la condamne pas par défaut, car sa morale est abstraite et qu'il commence à la sentir plus tangible. Il a tout de même l'impression d'entendre son ami se justifier. Tu avais l'impression de... De ne rien pouvoir faire pour ton île? Elle t'importait j'imagine? Tu devais... On te donnait un rôle à jouer uh? On te demandait de faire, faire et refaire? Il tâtonne, essaie. J'imagine que ça devait pas être joli à voir... Ou à faire, du coup. Dit-il sans vraiment trembler. Pourtant son épiderme subitement parcouru de la chaleur du brun picote trop chaleureusement.
La métaphore du terrain touche quelque chose de sensible en lui alors ses yeux s'alourdissent et fixent le sol - également pour éviter de s'éparpiller. Je me suis déjà opposé aux règles, enfin environ et celles du Seigneur Hadès n'étaient pas -toutes?- incohérentes mais, oui, la machine continue de tourner et on en fait - non faisait! - partie. Mais ici rien ne nous oblige à...
Il n'a pas le temps de formuler son mot d'espoir. La proximité de Vaas et surtout sa forme l'empourpre malgré lui, malgré les choses odieuses qui se sont passées et qui ont abattu beaucoup de futile. Il n'arrive pas à rejeter ce qui tambourine dans son torse, sous les mains de son ami. Il est séduit.
«  ¿ El Final ? Et tu voudrais le faire avec moi ?» Hypnos est gêné, anxieux mais honnête et il répond donc trop vite et trop sincèrement. A part si ça consiste à te tirer une balle - ce que je refuse en bloc! - j'aimerais... Oui j'aimerais qu'on en finisse ensemble avec nos... boucles.

La déité bouclée se donne un léger coup d'incisive pour retenir un bâillement malvenu. Vaas est en train de s'ouvrir et le couperet de la fatigue ne pouvait pas être intraitable à un pire moment - sûrement à cause des émotions, trop, fortes qui commencent enfin à trouver une issue de secours. Hypnos tressaute sur ses pieds en flottaison et s'attache à reprendre le fil, mais c'est vraiment difficile pour son esprit ébréché de chocs récents. Ce qu'il donnerait pour avoir sa tablette et sa plume afin d'y consigner toute cette information précieuse. Ses listes mémotechniques... Il voit évasivement des lignes danser devant ses yeux, constate abruptement qu'ils s'étaient fermés. Hoquète.
Il craint que le brun ne comprenne son attitude comme du désintérêt - après tout Vaas flamboie toujours lorsqu'il perd, de manière réelle ou figurée, l'attention qui était plantée sur lui. Hypnos peut comprendre à sa façon.
Le Sommeil ne songe même pas à lui en vouloir de ne pas le raccompagner en lieu sûr. Trop habitué, dans ses réflexes, à être houspillé pour ses absences impromptues comme si elles signifiaient un manque de considération.
Hypnos se frotte un œil avec autant de vigueur qu'il en a encore, malmenant au passage sa paupière bleuie. «  Oui. C’est lui. » Une agitation panique n'est pas loin de le secouer. A-t-il raté un épisode, un connecteur logique, un bout de dialogue? C'est à sa lacune qu'il pense en premier et il ne suspecte l'absence d'explicitation que lorsque la suite lui parvient. Je vois un bernard-l'ermite... je crois? C'est la seule chose, peu maline, avec laquelle il parvient dans un premier temps à réagir. Sûrement pour appuyer qu'il a bien écouté et qu'il traite désormais chaque pan de l'information.
Hypnos a appris à considérer les obscénités et insultes comme des ponctuations d'humeur dans la bouche de Vaas - il ne s'en offusque pas - passé la surprise première et parce qu'il est assez insensible à la forme -, en fait parfois le décompte pour approximer le niveau de réactance ou d'indignation de son ami. A la manière dont le brun crache cette explication, comme un chapelet vif et réhaussé de mots durs, Hypnos comprend à quel point c'est important, significatif et ancré. Il en est sincèrement peiné et c'est assez réel pour le réveiller un peu mieux. Alors Jason Brody a pris... Ta place? Essaie t-il de sa voix la plus douce et cotonneuse, affectueuse pour amortir car il ressent le long de sa propre peau à quel point cela se joue dans les viscères de son ami. Il déglutit afin de donner la meilleure forme possible à ce qu'il s'apprête à dire : ses yeux au doré calme se positionnent contre ceux de Vaas. Il est mort - tu l'as tué? - et il est quand même revenu, c'est ça? Tu penses que... Qu'il viendra encore et toujours? La question, rapide et presque pressée qui a coupé le reste du déroulé logique était anxieuse. Hypnos sait, en a encore eu la preuve durant cette horrible nuit, que Vaas a du sang sur les mains et il est incapable de le juger pour ça, faute de liant substantiel avec la vie dont il commence à peine à comprendre la singularité sur la frise de la subsistance des âmes. Mais quelque chose en lui craint cet antagonisme si Jason Brody n'est pas seulement une projection des insécurités de son ami - ce qu'il ne donne pas l'impression d'être. Un touriste? Il y en avait beaucoup sur ton îl- Une question qui voulait chercher un peu plus de contexte mais qui meurt en gorge.
«  C’était plutôt joli, il suffit d’y mettre des jolis couleurs. Chatoyantes. Inhabituelles. Et il faut savoir sur qui les appliquer. Personne ne peut passer sa vie seul, complètement seul, sans moral. »
Il n'arrive pas à dire pourquoi mais un sanglot qui ne s'échappe pas noue sa trachée. Il y a quelque chose de fort et de particulièrement dur le long de ces affirmations et, s'il aurait du considérer un rejet pur et simple, le Sommeil sent une poussée d'empathie chaude. Vaas aurait certainement échoppé du Tartare. Le sang sur ses mains n'était pas seulement une réponse défensive, au mieux ambiguë comme dans le cas de ce Jason qui semble symboliser quelque chose d'intolérable... Son châtiment aurait été établi sur le plaisir qu'il essayait de trouver au creux de ces vindictes. Hypnos a assisté à suffisamment d'audiences conduites par Hadès pour le savoir.
Mais il n'aurait pas voulu que son ami soit condamné à la dépersonnalisation torturée dans ces catacombes effroyables. Il reste coi quelques instant encore. Il aurait tout fait pour effacer cette ardoise même en sachant que cela aurait été très mal. Sur le papier.
Est-ce que Vaas n'a même pas le papier comme garde-fou? Hypnos a l'impression de s'y perdre avant de penser comprendre. Ramasser... La morale? Le sens? Tu cherchais à... Tu t'amusais en le faisant mais c'était censé avoir du sens...? A ce stade la déité est consciente de lui chercher des circonstances atténuantes comme s'il se tenait derrière la barre. Mais il se souvient du point de balance et veut y croire.
La question de Vaas ne pouvait pas mieux ou plus mal tomber.
Son regard ne lui laisse aucun replis et, malheureusement, Hypnos aime être encadré par ces yeux foncés. Sa gorge est raclée.
Sa réponse est d'une honnêteté crue qui se situe au prolongement balbutiant de quelque chose de plus battant que réflexif. Je veux croire en toi... Peut-être que Vaas fait référence à son panthéon mais ses esprits ne sont pas assez clairs.

Hypnos se pétrifie, conscient que quelque chose menace d'imploser chez son ami mais inconscient de la forme que cela prendra. Suite à son affirmation balbutiante, les pupilles de Vaas se sont dilatées jusqu'à atteindre les dernières frontières de son œil nervé.
Le Sommeil, malgré sa conscience encrassée par la fatigue, se dit qu'il n'a jamais vu pareil agencement bouillant dans un regard et s'il s'agit du miroir de l'âme, alors le brun doit bien être tourmenté par une cacophonie de persécuteurs. Et, là, puisque ses yeux se figent dans une grandeur immense et lui envoient un éclat sourd et net, le bouclé se dit que l'homme a peut-être trouvé quelque chose. Mais quoi? Là est bien la question.
Vaas semble le regarder lui. Alors les yeux du Sommeil suivent dans la largeur, plus tremblants que leurs confrères. Ce n'est pas de la peur mais de l'appréhension, rendue fiévreuse aux tempes par la fatigue poisseuse et lourde.
Vaas est-il en colère ou est-il au contraire satisfait?
Personne ne l'a jamais été si ça le concerne. Hypnos n'est jamais ni le plus adroit ni le plus à-propos. Il s'attend à être rejetté et, d'anticipation, son ventre se tord et se prépare à encaisser des mots vifs - des mots car il ne croit pas à des gestes, n'y pense pas.
Lorsque les doigts courent alors sur son visage la déité est sidérée, presque forcée de secouer une négation avec sa tête tant il ne pourrait pas supporter ce toucher s'il amorce un abandon. Ce geste est trop doux, contemplatif, pour signifier ce qu'il semble signifier? N'est-ce pas?
Hypnos sait qu'il a le cœur trop prompt à s'envoler et que Vaas lui a déjà greffé des ailes. Il ne pourrait pas le perdre, ne le pouvait pas et c'est sans doute pourquoi les choses se sont alignées ainsi vers le marchandage et au détriment du reste, pas ce soir. Peut-être jamais.
Le rire le fait sursauter et le retrait du contact lui donne froid tout autant qu'il lui rappelle de respirer. Ses paupières tombent davantage suite à cet incroyable ascenseur émotionnel - dont l'arrivée n'est pas encore faite.
Il s'apprête à rassembler son courage afin de questionner cet élan de gaité, son objet, lorsque Vaas récupère un pantalon qu'Hypnos avait oublié - comme il avait oublié cet instant de torture, profondément enfoui sous l'instantanéité de la saynète, sous une fuite vers l'avant coûteuse et salvatrice à la fois.
La honte le reprend et la terreur le caresse à rebrousse-poil. Il se sent de nouveau effroyablement mal, coupable. De nouveau son regard harponne le sol et ses épaules s'affaissent. Il voudrait disparaître dans les songes.
Mais ce cycle se rompt.
Vaas se dénude et lui tend son haut qu'Hypnos, hébété, passe plus par réflexe que par réflexion. La déité nage piteusement dans la largeur de l'habit mais il termine de se vêtir, pris d'une soudaine pudeur que l'attention de Vaas contribue à soigner.
Le tissus sur sa peau brûle et réchauffe à la fois parce que c'est son ami qui lui a permis de se recouvrir, de faire cesser.
Hypnos le regarde comme un mécène. Non comme le soleil, sous la protection duquel on s'endort confortablement. La caresse de sa lumière comme un second épiderme - il l'avait vu, parfois, au sortir de la Demeure sépulcrale, en  s'attardant en été lorsque les jours sont les plus longs, après avoir endormi une part de l'humanité. Il s'y était déjà endormi et avait été sévèrement réprimandé pour ça. Car il n'appartenait pas à ce monde-là.
Mais qu'importe, il veut appartenir au monde de Vaas. Il veut y croire. Son cœur bat la chamade, trop plein d'optimisme énamouré. Naïf. J'aimerais rentrer à la maison... Qu'il lâche d'une voix presque puérile, le menton titubant vers l'avant et les paupières déjà closes dès lors qu'il fut suffisamment soulagé et réchauffé. Il finit par choir contre l'épaule de son ami, rattrapé par son propre attribut.