I'm gonna show you [PV Bruce & Dick]

Le lieu n’était pas le mieux famé de la ville, loin s’en faut. Bruyant, l’intérieur enfumé, l’extérieur encombré de clients dont le taux d’alcoolisme aurait suffit à faire tomber dans un comas éthylique la majorité des citoyens de Nowhere. L’ancien élève de Batman connait bien l’endroit. Il y est intervenu une fois ou deux, il y a même prit quelques malfrats en filature lors de ses enquêtes. Ce soir, la nuit est assez calme, et c’est simplement en patrouillant qu’il est tombé dessus. Il a jeté un œil aux éclats de voix assez hargneux qui s’élèvent de la rue, juste à temps pour apercevoir deux groupes qui se regardent sérieusement de travers, l’un des hommes présents prenant vertement à partie, à grand renfort de gestes menaçant, quelques jeunes que l’alcool a dû rendre trop inconscients et qui continuent à se foutre ouvertement, et agressivement, de lui.
De là où il est, le justicier entend le barbu éméché lancer des propos plus que dégradant aux femmes de l’autre groupe, et les encouragements qu’il reçoit de ses comparses derrière lui -qui restent à distance respectable, il ne faut pas déconner- ne vont certainement pas apaiser la situation.
Allons bon. L’ancien acrobate pourrait passer sa route, mais malgré sa confiance profonde en la nature humaine, il sait bien au moment où le type patibulaire attrape le col du jeune homme qui lui ricane au nez, que les choses ne vont pas se calmer toutes seules. Surtout pas avec les cris d’encouragement des deux partis autour d’eux.
Une pirouette, un bonsoir lancé à la cantonade, et l’attention de tout ce petit monde est suffisamment détournée pour que le poing qui était destiné à s’écraser sur le sourire arrogant se baisse un instant.
Attirer les regards, capter l’attention, fasciner son public, assez pour désamorcer le conflit à naître, c’est une leçon qu’il a mixé de son passé au cirque, autant que de sa vie de Super Héros. Ça n’apaise pas les esprits pour autant, il en faudra plus que ça, alors il essaye déjà de trouver l’origine de cette animosité. Entre noms d’oiseaux échangés, accusations pas toujours cohérentes, il parvient à comprendre que l’énergumène qui voulait refaire le portrait à la bande de jeune a pensé, à raison ou non, que les jeunes en question, et surtout les jeunes femmes de la bande, se foutaient de lui et de sa dégaine.

- Hey, je peux comprendre que ça ne fasse pas plaisir, mais vraiment, est-ce que c’est si important ? Vous êtes bien assez capable de savoir ce que vous valez vous-même pour ne pas porter de l’importance à ce que des inconnus en dise, je peux vous l'assurer.

Un sourire, de la compréhension, un peu de compassion, et le type barbu s’appuie à demi sur le bras du héros, son haleine épaisse manquant de lui arracher une grimace.

- Ouais. Non. Voyez ! Je sais que je plais pas à tout le monde... Mais quand je vois à qui je plais pas, je m'demande si ça me dérange vraiment.
- C’est exactement ça, ça ne devrait pas vous déranger. Maintenant, tout le monde a bien autre chose à faire de plus amusant de sa soirée que de…

Outch. Bruce l’aurait tellement jugé pour ça. Occupé à garder à l’œil le sourire goguenard des jeunes gens qu’il vient de tirer d’affaire, et à tenir à distance d’eux le type aviné qui prend son bras pour un pilier salvateur, le superhéros ne repère qu’avec un temps de retard l’intrus qui déboule comme un chien dans un jeu de quille. Les exclamations surprises, horrifiées même, le forcent à se tourner vivement, pour se retrouver face à.
Lui. Le Joker. Ennemi juré de Batman et de chacun de ses alliés, tortionnaire de leur famille et de tant de personnes à Gotham, et au-delà, ASSASSIN de son petit frère. Le maquillage blafard, le sourire fou, la voix nasillarde. Le sang à ses lèvres. Le premier des Robins sent son sang se glacer dans ses veines, son corps immédiatement en posture de combat. Mais même face à cet ennemi, maudit entre tous, il ne laisse pas l’émotion oblitérer immédiatement son jugement. Le Joker. Bruce lui a parlé de l’Autre. Lui. John Doe, ce double pas si malfaisant, animé de semblants de bonnes intentions. Le Héros hésite, quelques secondes, parce qu’il *sait* que ce doit être lui. Qu’il reconnait quelques différences subtiles, décrites heureusement par Batman, et qui évitent à cet ersatz de Joker de prendre immédiatement son poing en travers de la mâchoire.
Ce qui s’avèrera peut-être une erreur de plus. Que ce soit le vrai Joker ou non, celui de l’Univers qu’il connait, le chaos semble habiter l’homme autant que celui dont le justicier était familier.
En un instant, le semblant de calme qu’il avait pu faire revenir devant le bar explose. Tout comme la bouteille que ce Joker avait tenté d’écraser sur un des comparse de son barbu aviné. Note pour plus tard : ne jamais faire confiance à aucun Joker.
La bouteille éclate sur le sol, laissant échapper une odeur de cognac plus tenace encore que l’haleine écœurante de l’homme qui invectivait Nightwing. Les éclats volent, miettes plus tranchantes que des éclats de porcelaine de chine.
La bagarre avortée éclate, les ivrognes n’attendaient bien entendu que ça pour lâcher la bride à toute leur envie de se mettre sur la tronche. Un soulard même une pierre au pied d’un arbre pour servir d’arme improvisée. Le super héros n’a que le temps d’arrêter son geste, de justesse, et ne peut protéger le… Joker, du premier coup qui l’atteint. Bon. Il ne va pas jusqu’à le regretter.

- Qu’est ce que tu crois faire ici, au juste ?!

Il avait la situation en main, et à présent, les cris ont repris, les coups s’échangent, et il va devoir calmer sans trop les amocher un paquet de gens qui ne semblent être heureux qu’une fois qu’ils ont asséner quelques coups sur leur prochain. Avec un Joker en roue libre au milieu ! Merveilleux. Il allait devoir en plus s’occuper du Joker version Light ! Il n’avait pas que ça à faire de biberonner cet erzast de super vilain, dont même Batman ne savait que faire exactement !

Le soir devient électrique sous le joug du Joker. Coups, cris, poursuites, pleurs. Douleur qui perce l’obscurité. Dick doit interrompre cette cohue. Il plonge, empoigne le cogneur soul le plus proche et lui intime de s’enfuir le plus vite possible.
Le Joker est hors de contrôle, comme toujours. Il rit de leur peur, s’en délecte, stimule cette violence dont il se délecte. Et Nightwing derrière ses lentilles ivoires, ne rêve que de rendre inconscient. Toutefois, renchérir de violence un contexte qu’il tente de modérer ne peut constituer un choix.

Le justicier s’y refuse. Il bloque les coups, protège, dissocie les couples d’ivrognes qui mettent trop de temps pour comprendre ce qui peut leur tomber sur le nez.

Les plus grosses blessures sont évitées, et Dick peut enfin confronter son ennemi.

- Ne compte plus poursuivre ces sévices, Joker ! C’est fini pour ce soir.

Il ne peut être sûr du degré de force et de compétence de son ennemi du moment. Il doit rester prudent, concentré. Conscients pour le moment que si les coups pleuvent, ils seront trop douloureux pour eux, les ivrognes se sont dispersés plus loin.

Dick est souple, vif, esquive le dispositif électrique que le Joker tente de poser sur lui.

- Je refuse de continuer sur ce chemin. Je veux terminer cette violence. Prendre un verre peut-être ?

Rixe ou non, l’humour est le complice fidèle de Nightwing, et un bon moyen de limiter toute violence inutile. Même si souvent il excède ses concurrents.

Un retourné stylé, qui débouche sur un Joker dos sur le bitume un moment, et Dick, semelle sur son torse, sourit gentiment.

- Je le sens bien, on peut s’entendre, si on y met du notre, tu en dis quoi ?

Dire que Nowhere n’a rien à voir avec Gotham serait un euphémisme. Les nuits y sont calmes, souvent trop pour la chauve-souris habituée à gérer aussi bien les malfrats de petite envergure qu’à déjouer les plans de malades psychotiques n’ayant comme seul but que de pulvériser le monde. Ici, rien de tout cela. Oh, il y a bien de la criminalité, il y a même des groupes organisés - il y a même Red Hood et sa bande - mais rien qui ne puisse être comparable avec sa sombre ville d’origine. Même le ciel semble différent, au-delà des constellations inconnues et de la composition même du soleil aussi proche qu’éloignée du leur. Car ne flotte pas dans l’air de cette étrange ville cette pollution constante venue se mêler à la couche de nuage obscurcissant le ciel toujours si bas. Si le climat de Nowhere peut bien sûr être changeant, il n’est pas voué aux éléments et aux tempêtes venues de l’Atlantique comme l’a toujours été Gotham. Non, ici, comme trop souvent, comme ce soir, le ciel est clair. Bien assez pour que la visibilité se fasse sans trop de problème sur une large portion de la ville. Trop pour que Batman ne puisse, comme il en a l’habitude, se fondre dans les ombres.

Mais la situation ne semble de toute façon rien exiger de tel de sa part. Il n’a actuellement aucune enquête en cours, si ce n’est la surveillance des zones accusant les plus forts taux de criminalité, la surveillance de certains trafics, les individus qu’il sait devoir garder à l’œil, au cas où. Aucune urgence, donc, qui ne nécessite d’autre intention de sa part que son extrême vigilance ; il finit même par se demander si, une fois de plus, il ne rentrera pas de cette nuit-ci sans n’avoir eu besoin d’intervenir. Cela a un côté frustrant, un peu, alors que ses muscles se languissent d’action, que tout son corps, mémoire de tant d’années de combat oblige, ne demande qu’à s’exprimer à son tour. Mais c’est également bien plus reposant.

Cependant, le calme d’une nuit routinière pourrait bien être brisée plus vite qu’il ne s’y attendait car soudain, dans les écouteurs directement insérés dans son casque et branchés sans cesse sur la fréquence de la police de Nowhere, il entend le signalement grésillant de troubles dans une zone pas si éloignée. Un instant, Bruce hésite. Après tout, il sait que Nightwing est de sortie également ce soir et, aux dernières nouvelles, présent non loin des troubles signalés, ce qu’il confirme d’une rapide vérification sur le GPS intégré au costume de son ancien élève. Il doute, au vu des informations qu’il peut en capter, que la situation nécessite une double intervention. Mais après quelques temps encore à tergiverser avec lui-même, il se décide. Il ira juste se faire de lui-même une idée de la situation, puisque nul autre endroit ne semble avoir besoin de lui ce soir. Et si effectivement la situation est sous contrôle de Nightwing come il le pense, il s’en ira sans même que l’ancien garçon de cirque n’ait même pu remarquer sa présence.

Sauf que loin d’être calme, le désordre qu’il trouve sur place s’apparenterait bien plus à ses yeux à un total chaos, alors que des corps inconscients jonchent le sol au milieu de bris de verre, qu’il a pu apercevoir au moins deux personnes fuyant à toutes jambes en poussant des cris effrayés et que d’autres semblent toujours motivés à vouloir se battre, bien que probablement trop éméchés pour qu’aucun d’entre eux ne puissent parvenir à réellement porter le moindre coup. Et puis il y a les deux hommes au centre de toute cette scène abracadabrantesque. Le violet d’un costume trop grand, le noir qui le domine. L’immobilisation, le pied sur le torse, les propos dont il n’entend rien. Nightwing. Le Joker. Et ce qui aurait pu visiblement très mal tourner autour d’eux.

« Qu’est-ce qui se passe, ici ? » La voix grave, presque menaçante, déformée par le régulateur de voix, vient résonner dans la ruelle, figeant la scène l’espace de quelques secondes. Batman, dans toute sa splendeur, qui vient d’atterrir sans un bruit, de sortir de l’ombre, silhouette à peine humaine, enveloppée dans une cape qui dissimule son corps. Il fait peur, oui. Il est la peur. Et en cet instant, il aimerait surtout comprendre ce qui leur a pris, à tous les deux, de venir se battre ici et mettre un tel bordel !

Vous voyez, ce n’est pas tellement que le Joker lui avait porté un coup vital. Ou particulièrement douloureux. Ça reste un coup bas, et même si cette partie si vulnérable de son anatomie est protégée par son costume renforcé, Nightwing est forcé de reculer d’un pas, levant le pied du torse de son adversaire, lui permettant de se redresser.
Et Il pourrait arguer sans fin, même avec lui-même, même seulement dans le secret de sa boite crânienne, que ça arrive d’être surpris par un mouvement si prompt et mesquin d’un opposant, la vérité c’est que Dick n’a aucune excuse. Il sait parfaitement où est sa faute, et elle se tient, sombre et implacable quelques pas plus loin. Il a été pris par surprise par l’arrivée de Batman, sa voix qu’il aurait reconnu à travers un millier d’Univers ébranlant sa concentration la minuscule seconde nécessaire au Joker pour le repousser.

Bon sang. Il allait en entendre parler, hein ? Ou alors il allait simplement recevoir THE regard très largement suffisant pour que Dick lui-même se remémore les enseignements de Bruce qu’il ne devrait jamais perdre de vue, encore moins en tant que Nightwing. C’est décidé, Dick n’aime pas cette soirée.

Son ressentiment ne suffit tout de même pas à lui faire perdre toute notion de la situation. Le Joker ne cherche pas immédiatement à l’attaquer, ou à attaquer Batman. Et Nightwing a quand même remarqué que ce désastre ambulant n’avait pas cherché à tuer ses adversaires, ni les mutiler à vie -un changement drastique par rapport à la version que connaissait Dick. Donc, malgré une forte démangeaison à lui faire avaler ses dents aux arguments bancals que son adversaire du moment assène, Dick ne se jette pas sur lui. Il a plus de maitrise que ça, tout de même. Et puis BATMAN est là, et il exige des explications, pas l’arrestation en règle que ce Joker au rabais mérite pourtant, que Dick rêve de boucler immédiatement, sa volonté de trêve ou de discussion largement entamée.

Mais Bruce l’a prévenu, pour ce Joker qui n’est pas tout à fait le leur. Il est classé non pas dans les individus à appréhender immédiatement, et bien entendu pas dans les allié fiables -et même ceux-là, Batman garde toujours un œil sur eux, Dick est bien placé pour le savoir- mais dans les « à surveiller ». et si Batman est prêt à accorder un mince bénéfice du doute à l’individu, Dick peutfaire de même, non ? Il n’en avait aucune envie, hein, cette nuit, alors que les bris de verre jonchent le sol, que des éclats de voix plus lointains retentissent encore, et que les vapeurs de l’alcool renversé dansent encore dans l’air. Mais Dick ne peut pas trier avant même de les connaitre ceux et celles à qui il veut bien accorder une seconde chance. Et Nightwing, encore moins. Il avait par le passé aidé dans leurs rédemptions de bien pires individus que celui qui était sensé être ce double déformé d’un des pires ennemis de la batfamily. Enfin. Ça ne veut pas dire qu’il se réjouit de leur rencontre non plus.

Dédaignant avec indifférence, fermé, les élucubrations du Joker qui visiblement n’a aucune idée de l’espace personnel à accorder à Batman, Nightwing s’avance d’un pas. Il sait quand l’attention de Batman pivote sur lui, il n’a pas besoin que son regard se pose sur lui pour ça.

- Je suis intervenu sur un simple début de rixe de bar. Et au moment où je calmais la situation, cet idiot est arrivé pour essayer d’assommer tout le monde à la foi.

Il ne peut complètement effacer l’agacement de sa voix. Envie de calmer les choses ou non, de donner l’exemple dans la fin de la violence ou non, Joker Like lui a pourri la soirée, et il y a des civils blessés là où tout le monde devait rentrer chez soi intact et sans bavure. Et en PRIME. Batman a vu le tout et Dick SAIT qu’il va avoir droit à un sermon. Ou pire encore, que Batman ne va presque rien dire, de ce silence si pesant que Dick ne peut que se forcer à combler, surtout quand il sait qu’il s’est planté.
Et il s’est planté. Et il a la furieuse impression d’être en train de pointer Joker en geignant que « c’est lui a commencé ! ». Mais Batman le sait déjà sans doute, et à ce stade, il a un espoir un peu fou qu’il le laisse finir de gérer le reste de cette désastreuse patrouille, sans plus avoir besoin de s’en mêler.

Il y a ce blanc qui crève la nuit. Cet instant de silence qui suivent son arrivée, ces quelques secondes de calme total où l’on pourrait penser que le temps vient de s’arrêter tant tout semble s’être figé autour de lui. Plus un bruit, si ce n’est les respirations un peu trop courte et les quelques gémissements de douleurs des ivrognes au sol. Juste sa question impérative qui semble résonner dans l’air aussi froid que son regard de la nuit. Un blanc. Un silence. Et puis c’est soudain comme une étincelle. Avant que le chaos n’embrase l’air tout autour des protagonistes de cette scène de nouveau dans un capharnaüm des plus insupportables.  

Si Batman avait eu un tant soit peu d’empathie et Bruce un peu moins de self control, nul doute que son expression se serait distordue dans une grimace de compassion au mauvais coup que vient de recevoir Dick à cet endroit si particulier que toute personne ayant un appareil génital masculin se devait de protéger par nature. Mais le héros de l’ombre, l’incarnation de la nuit se devait de conserver cette réputation, cette image inébranlable qu’il s’était forgée enquête après enquête. Intervention après intervention. Nuit après nuit. Ce qui devenait plus difficile encore, après ce coup en traître du Joker, quand les deux se mettaient à brailler presque de concert, se renvoyant la faute comme deux joueurs chevronnés une pauvre et innocente balle de ping-pong. Enfin. S’il devait être honnête avec lui-même et envers la situation, c’est bien plus le Joker qui accuse Nightwing de tous les maux, pas loin de l’invectiver, mais probablement trop pressé de se plaindre auprès de lui pour s’y remettre tout de suite. Et les propos qu’il tient, s’ils pourraient avoir une certaine logique, ne suivent que le cheminement tordu d’un esprit si profondément fractionné.

« Il n’y a pas de propriété sur les criminels et lorsque l’on intervient sur une affaire, si un autre justicier est également présent, on fait en sorte de le faire de concert. » Si Batman prend soin de ne nommer personne, comme si le ton péremptoire avec lequel il s’exprime destinait la leçon aux deux interlocuteurs en présence, son regard ne quitte pas un instant cette version altérée et normalement moins dangereuse du pire criminel que son Gotham ait jamais connu. Que c’est étrange, pour l’homme chauve-souris, pour ce héros censément solitaire, de donner ainsi des leçons de travail de groupe à quelqu’un. Mais lui avait appris depuis bien longtemps, d’abord contraint et forcé, puis de meilleure grâce, à s’allier avec d’autres. C’était d’ailleurs une des caractéristiques de la Batfamily. Travailler ensemble. S’adapter les uns aux autres. Sous sa surveillance, sous son enseignement. Et visiblement, c’était également quelque chose qu’il allait devoir apprendre à ce Joker Justicier. Même s’il se refusait à le considérer comme faisant parti de sa famille.

Pourtant, comme s’il commençait déjà à le connaître plus qu’il ne l’aurait voulu, la main gantée de cuir noir de Batman s’abat sur l’épaule de l’autre homme dès lors que son animosité hystérique se retourne de nouveau contre Nightwing – il est hors de question qu’il prenne le risque que l’autre ne l’attaque. Et avant de prendre le temps de le calmer, son attention est toute entière tournée vers Dick. Il n’a pas besoin de le regarder pour l’écouter. Pas besoin de se tourner vers lui pour enregistrer chacun des mots qu’il prononce. Avant de reprendre la parole, comme s’il n’avait jamais été interrompu : « Et avant d’en venir aux mains, on prend le temps de parler. Que ce soit avec des belligérant devant un bar, ou avec ceux qui sont de son côté. » Cette fois, cependant, le reproche ne s’adresse pas qu’au Joker et le regard en coin que Batman coule vers son ancien sidekick en est clairement la preuve ; il n’est pas déçu, à proprement parler, mais la situation dans laquelle il les a tous deux trouvé est inacceptable. Et probablement le premier pas d’un si long et difficile chemin. « Personne ne sera puni, ni ce soir, ni après. Mais Nowhere ne peut souffrir de ces stupides querelles entre justiciers. » Vraiment, Batman se donnait l’impression d’être l’un de ces animateurs de colonies de vacance séparant des enfants trop turbulents. Et au-delà de la nuit, il sentait bien que le chemin pour avoir un minimum de cohérence et d’entente entre Joker et le reste de la batfamily allait être on ne peut plus long et compliqué.

Dick aurait pu être jaloux. Jaloux de ce contact si facile que Batman offre au Joker, lui qui est si avare de tout signe physique d’affection, avec qui que ce soit. Encore plus en physique. Encore plus en patrouille.
Mais il y a un truc que Dick a toujours eu en lui, qui lui vient de son enfance, son éducation, qui est là, et sa famille, même. C’est une compassion et une empathie évidentes, et immédiates. Et il les tient de ses parents, de qui il a été avant de les perdre tragiquement. Et de Bruce, aussi, d’avoir suivit Batman pendant autant d’années. Oui, oui, vous avez bien lu, Batman. Parce que malgré sa réputation de violente intransigeance envers le mal, Batman n’est pas un justicier sanglant, motivé uniquement par la vengeance et la douleur de l’autre. En tant que Robin, puis en tant Nightwing, Dick a vu, encore et encore, ce qui comptait, derrière l’intransigeance, derrière la terreur instillée par sa réputation. Protéger. Et aider. Et cela revient, parfois, à protéger de lui-même un fou dangereux perdu dans un délire meurtrier. Cela revient, parfois, à tendre la main à une âme égarée, même si son parcours est parsemé d’erreurs et de chaos.
Batman, Bruce, malgré les murs en apparence infranchissables qu’il érige entre lui et le monde, parvient à voir plus loin. A reconnaître la détresse, et vouloir y remédier.

Alors, ce soir, témoin des coups que le Joker bis se porte à lui-même, choqué de ses mots, de cette nécessité de punition que personne d’autre que lui n’a amené dans le débat de la soirée, Dick sait très bien que le simple regard qu’il échange avec Bruce sera très bien compris, et partagé.

Déjà, malgré le masque de Nightwing, il n’est pas difficile de savoir ce que lui en pense. Dick a toujours porté ses émotions sur son visage, quand il n’a pas l’obligation de les camoufler, de bluffer. Le choc a vite fait face à un rien de gêne, mais surtout, même si l’agacement persiste, à de la compassion. Encore plus quand le Joker vacille, que Nightwing fait un simple pas pour au besoin le rattraper. Bon, l’homme ne va pas bien, à bien plus d’une égard et…

- Tu. Que. Tu ne vas pas manger ça ?

Autant pour le calme admirable de Nightwing, une note de dégout qu’il n’a pas pu effacer a bien percé sa voix, avant qu’il ai pu s’en empêcher. Avec un regard horrifié à Bruce, des fois qu’il ai la réponse à « c’est vraiment son régime alimentaire, ça ?! » qu’il lui lance sans avoir à prononcer un mot, il essaye de se reprendre un minimum.

- Non ! Hem. Si on doit… Si Batman veut continuer cette discussion, autant que ce soit autour d’autre chose à manger.

Ce Joker a l’air de prendre comme parole d’Évangile l’opinion de Batman. Et vu l’animosité qu’il a montré à l’égard de Nightwing -sans aucune raison, merci bien !- Dick sait qu’il a peu de chance de le faire réagir positivement ou changer de course de lui-même. Mais s’il est affamé au point de manger un rat, cru qui plus est, et que ce n’est pas juste… Une préférence alimentaire, ils doivent lui mettre autre chose dans l’estomac. Et entre les dents. Le bruit des petits os qui se brisent dans sa bouche est positivement écœurant.
Alors oui, il jette un peu Batman sous le bus sur ce coup là, mais après tout, il a voulu intervenir, et a prit Joker bis sous son aile, Dick n'a absolument aucun remord à l'impliquer encore plus. Autant foirer aussi sa soirée.