No hero without ennemy - Deku

Pas un bruit dans la ruelle, trop sombre. Ses pas sont aussi silencieux que la nuit elle-même. Il faut dire qu’il n’aime pas les lumières trop agressives des rues passantes. Pas les gens qui y déambulent et n’ont de cesse de le dévisager. Il faut dire qu’il ne se fond pas facilement dans la masse, silhouette dégingandé au visage creusé par les cicatrices, dont les doigts nerveux n’ont de cesse de venir écorcher sa propre peau. Alors il préfère la solitude. Les ombres. Après tout, n’en est-il pas une lui-même ? Une ombre parmi les ombres, qui se mariait parfaitement avec son nouvel environnement, créature dénuée de tout souvenir. A peine vivante, aurait-on pu dire. En tout cas, ne connaissant plus rien de sa vie d’avant.

Enfin, cela n’était plus tout à fait vrai. Parce qu’il y avait cet homme couvert de cicatrices, qui lui apportait certaines informations. Au compte-goutte, certes, se jouant plus souvent de lui qu’il n’apportait de réelles réponses, mettant sa patience souvent à rude épreuve. Mais qu’à cela ne tienne. Il avait besoin de ces informations. Alors il voulait bien jouer ce jeu dont il ne connaissait pas toutes les règles pour les obtenir. Quoi qu’il lui en coûte.

Il ne pouvait, cependant, rester éternellement dans ce lieu étrange. Il lui arrivait ainsi de s’échapper dans les quartiers les plus mal famées du reste de la ville, s’extirpant de l’Interstice sans que personne ne s’en aperçoive. Même s’il était plus probable que tout le monde s’en moque. Qu’à cela ne tienne. Cela lui permettait de profiter d’un peu de liberté. D’un peu de solitude. Et de tirer parti de ses petites escapades pour mieux connaître les lieux. Après tout, il était hors de question de compter indéfiniment sur l’organisation de l’autre homme. Même si celui-ci, lors de leur première rencontre, l’avait appelé boss. Mais il semblerait qu’il est depuis changé d’allégeance. Peu importe. Quand il aurait retrouvé ses souvenirs, il aviserait quant à la punition qui serait sienne pour cela. Et il les soumettrait, de nouveau. Tous…

Et cela commencerait par l’importun qui venait de l’interpeller. Il n’était donc pas si seul, ce soir, dans les ombres. Sauf que l’autre n’est pas un simple passant. N’est pas seulement là pour lui demander l’heure, un service, ou quoi que ce soit d’autre. L’autre tente de le faire réagir, verbalement. Et l’autre a dans sa main une lame dont le reflet vient briller un instant à la pâle lueur de la lune. L’autre est, définitivement, là pour en découvre.

Alors il pourrait tenter d’esquiver la confrontation. Tenter de discuter, peut-être. Ou s’enfuir. Mais il n’en fait rien. Pendant un moment, il se contente de le fixer de son regard vide, un peu fou. Laissant les secondes s’écouler tout autour de lui, comme on subirait les gouttes d’eau d’une averse trop acide. Faisant monter la tension, par sa simple immobilité, par son silence d’outre-tombe. Jusqu’à ce que l’autre, visiblement lassé de ses propres insultes, ne craque. Et ne l’attaque. Poing en avant. Lame directement tournée vers sa gorge. Il n’a aucun souvenir, non, de sa vie d’avant. Mais c’est comme si ses muscles se souvenaient pour lui. Comme si son corps tout entier savait quoi faire avant qu’il n’ait même le temps d’y penser. Parer. Esquiver. Feinter. Frapper. Désarmer le couteau qui s’envole avant de s’écraser au sol dans un tintement de métal. Tordre le poignet qui a voulu l’attendre. Balayer les jambes pour le mettre au sol. Le bloquer, de son corps. Et une main sur sa tête, couvrant l’hideux visage déformé de haine, qui appuie, de toute ses forces.

Souviens-toi.. C’est comme une imprécation dans son esprit. Un ordre qu’il tente de se donner à lui-même, d’une voix pourtant désincarnée. Souviens-toi. C’est pressant, soudain. Un sentiment d’urgence, une soif d’ivresse jamais égalée. Souviens-toi. C’est dans son bras, dans ses veines, ça tambourine sous son crâne. Cette envie de le punir, celui qui a osé tenter de s’en prendre à lui. Cette envie de l’écraser. Mais quelque chose bloque… Quoi, exactement ? Il n’en sait rien. C’est là, c’est juste là, et pourtant cela lui échappe. Tout comme le cri de rage qui s’échappe de sa bouche. Il voulait juste le tuer !