Are you a hero? [PV Trunks]

Quatre fois. Quatre fois en une semaine que Trunks arpentait cette rue dans l’espoir de trouver enfin le courage qui lui manquait. « Cette fois-ci, j’y vais. » Il pensait que l’autopersuasion l’aiderait durant le trajet. Sans mentir, ça avait plutôt fonctionné. S’imaginer en train d’entrer dans le bâtiment aussi, galvanisé par sa confiance toute retrouvée. Or, toute sa bonne volonté tomba à plat à peine fut-il devant la porte de l’immeuble. Trunks était paralysé par une forme de peur qui lui donnait le vertige. Dis-moi Trunks, tu as oublié que t’as perdu ce qui te rendait si spécial ? lui chuchotait d’un air perfide le démon qui résidait dans sa tête. Il avait sa main pratiquement sur la poignée de la porte, mais il la ramena immédiatement à lui lorsque le doute s’était de nouveau installé à la déloyale. Le jeune homme poussait un soupir. Il était déçu de lui, croupissant un peu plus dans ce sentiment de honte qui le tenait au corps. Resté planté là au milieu de la foule, laissant libre cours à ses pensées, il fallut attendre que quelques personnes le bousculent malencontreusement avant que Trunks se décide à s’asseoir sur le banc en face de l’Agence.

Trunks enviait celles et ceux qui passaient les portes du bâtiment sans aucune crainte. Pourtant, il n’avait rien à leur envier et avait tout autant ses chances. L’épée qu’il avait dans son dos n’était pas là pour faire jolie. Il savait la manier avec une perfection remarquable et il maîtrisait tout autant les arts martiaux à un très au niveau grâce à son mentor sans qui il n’était rien, Son Gohan. Il était jeune, bien bâti, absolument rien ne le freinait techniquement dans son souhait de rejoindre l’Agence des Héros. Au passage, Gohan, l’aurait très probablement poussé à réaliser ce rêve noble. D’autant plus que Trunks avait déjà prouvé sa capacité à s’accomplir en tant que héros — n’avait-il pas voyagé dans le temps, dans son monde, pour sauver sa ligne temporelle et celle du présent d’une apocalypse imminente ? Ça n’était pas donné à tout le monde d’entreprendre une telle mission, surtout à l’âge qu’il avait à ce moment-là, à peine dix-sept ans. En tout cas, des personnes beaucoup moins humbles et douées que lui n’auraient pas hésité à franchir les portes de l’Agence sans problème. Trunks pensait que Gohan l’aurait fait en tout cas. Vegeta, son père, également. Il l’aurait même peut-être fustigé de se sous-estimer de la sorte. C’était un Saiyan, il n’avait pas à se rabaisser.

Et c’était bien là que le bât blessait. Trunks n’avait plus ses dons de Saiyan depuis qu’il était arrivé ici, estimant alors qu’il ne pouvait plus prétendre en être un. Ce qui fait qu’il jugeait, peut-être à tort, que sans cela, il ne pouvait pas avoir la prétention de postuler à l’agence. Il lui restait toujours le sang, mais sur le plan technique, il ne pouvait pas prouver sa différence. D’aucuns se présentant à l’Agence savaient à minima se battre. Ça n’avait rien d’exceptionnel à ses yeux. Peut-être que Trunks avait une vision trop étriquée du héros — cette figure quasi divine, exceptionnelle et qui suscitait rêve et admiration chez les gens plus lambdas. Gohan, et tout particulièrement Vegeta, entrait dans cette catégorie de héros que Trunks admirait et pour lesquels il avait un profond respect. Et il était là, le fond du problème finalement : Trunks estimait ne pas pouvoir faire partie de l’agence parce qu’il ne s’estimait pas à leur hauteur depuis qu’il n’avait plus ses dons. Il jugeait qu’il ne pourrait pas être dans la capacité de les honorer correctement, eux et leur héritage, s’il ne dépassait pas le cadre de l’humain lambda. Il n’avait décidément pas hérité de l’orgueil des Saiyans qui seraient passés outre ce genre de considération.

Alors le voilà sur ce banc, pas plus avancé qu’il y a cinq minutes ni même que les jours précédents. Le monde continuait de tourner tandis que lui restait englué dans ses faux problèmes, qu’ils soient intériorisés ou non. « Je n’y arriverais jamais. » pensa-t-il à voix haute, tout en passant ses mains sur son visage. « Je crains que la porte ne viendra pas jusqu’à toi. Elle n’a pas encore appris à marcher. » Trunks sursautait, ayant même un mouvement de recul lorsqu’il prit conscience que quelqu’un était à côté de lui. D’où sortait-il bon sang ?! Il ne l’avait même pas entendu s’asseoir ! Avait-il été à ce point perdu dans ses pensées ? Trunks ne se doutait bien évidemment pas que le Cheshire avait la faculté de se rendre invisible au monde. Il le regardait d’ailleurs avec les sourcils froncés, mais que le Chat ne s’offusque pas, c’était naturel — une caractéristique physique qu’il avait héritée de son père. Il restait incroyablement silencieux pendant que le Chat parlait. Trunks essayait surtout de se remettre les idées en place et de comprendre qui était ce type et surtout pourquoi il lui racontait tout ça. Ils ne se connaissaient pas et il n’aimait pas bien ça, qu’on s’introduise dans sa bulle, surtout dans un tel moment de vulnérabilité. Parce que, même s’il ne répondit pas au Cheshire, il l’écoutait. Et il avait en horreur qu’un inconnu vise aussi juste à son sujet. « N’est-ce pas là le vrai courage que de savoir affronter la vérité ? » Une simple question qui bousculait Trunks bien plus qu’il ne l’aurait voulu. Il était si esseulé, si à vif qu’il n’en fallait vraiment pas beaucoup pour le pousser à bout, ces derniers temps. Depuis que le Chat s’était levé, toujours sur le banc, le jeune homme se tournait vers lui. « Pardon, mais vous êtes qui, au juste ? » Son ton était sec. Tranchant. Son regard n’était pas plus sympathique. Trunks était méfiant et pas du tout prompt à la confession. Encore moins sur l’épaule d’un inconnu plus qu’étrange. Qui sait ce qu’il ferait de ses aveux ? « Vous n’avez pas d’autres chats à fouetter plutôt que de venir m’embêter, moi ? J’ai rien demandé ! » D’autres chats à fouetter… Ah ! Quelle douce et belle analogie malencontreuse que voilà !

Quel drôle de personnage ! Trunks était désarçonné. Il devait admettre que c’était bien la première fois qu’on l’abordait d’une façon aussi… cryptique. Il n’avait pas la patience pour les devinettes et les habiletés langagières. Il reconnaissait cependant que les facéties du chat le divertissaient assez pour ne pas lui mettre son poing dans la figure pour s’en débarrasser au plus vite. Enfin, la bienséance l’en empêchait aussi. Ce n’était pas vraiment un homme impulsif dans des situations comme celles-ci. « Je ne suis pas des chats que l’on fouette, comme tu le dis si bien, mais de ceux que l’on souhaite. » Ça avait eu au moins l’avantage de lui arracher un discret sourire. Cheshire Cat, donc. Enchanté ?

Les propos qu’il tint ensuite renvoyaient Trunks dans les cordes. Elles étaient si criantes de vérité qu’elles lui firent le même effet qu’un coup de poing asséné dans le poids de l’estomac. Je me présente à ceux et celles qui se sont égarés sur le chemin de leur vérité. Trunks la connaissait la vérité. Il ne pouvait tellement pas l’ignorer qu’elle s’était transformée en honte pugnace au fond de lui. En revanche, verbaliser cette vérité restait pour le moment au stade du déni. Certes, se rendre chez Luke Skywalker pour tenter de trouver une solution à son problème était un pas, mais elle était essentiellement plus un cache-misère qu’autre chose. C’était cette vérité-là que le Cheshire Cat pointait du doigt, ou du moins celle qui fit frémir Trunks au point de le rendre encore plus silencieux qu’au départ. Il n’aimait pas être mis ainsi au pied du mur. Encore moins par un inconnu qui avait lu en lui comme un livre ouvert malgré les précautions mises en place par le jeune homme. La question qu’il posait au sujet de ses allées et venues à l’Agence termina de l’achever. Qui était donc cet homme ? Depuis quand rôdait-il autour de lui ? Dans quel but ? Trunks s’enfermait peut-être dans un mutisme, mais cela ne l’empêchait pas de fusiller du regard son interlocuteur qui le mettait passablement mal à l’aise. Son sourire y était pour beaucoup, avouons-le.

Le Chat l’empêchait aussi de réfléchir clairement, de penser à une riposte solide pour l’empêcher de dérouler à l’infini son plaidoyer criant de vérité. Tourner autour de lui, apparaître, disparaître… Cela donnait le tournis à Trunks qui ne savait plus où donner de la tête déjà que les paroles de l’homme énigmatique avaient réveillé en lui des souvenirs douloureux. Je nais dans la peur… Il revoyait, dans un flash cruel, le corps de son mentor mort gésir dans une flaque d’eau, la face contre terre. …m’élève dans la vérité, et viens par la seule volonté… Il avait été courageux, Trunks, de vouloir remonter le temps, à dix-sept ans à peine, pour sauver son monde de la destruction totale en retournant dans le passé pour l’altérer en tuant le mal à la racine. Ça lui redonnait rapidement un élan de fierté qui dissipait la tristesse qui avait surgi en repensant à la mort de Gohan dont il se sentait parfois coupable parce qu’il n’avait pas su le protéger comme il l’aurait voulu — difficile de protéger qui que ce soit quand on avait été mis KO. Toutefois, cette bonhomie disparue aussi vite qu’elle était intervenue : …Me trouver ne garantit pas de me garder… Son face à face avec Cell. Sa résignation quand il comprit qu’il ne pourrait jamais le battre. Où étaient donc son courage et ses espoirs quand il avait quémandé, à genoux, la mort auprès de lui ? …Me perdre est plus aisé que de me conserver… Trunks l’avait retrouvé depuis, ce courage. Il lui en avait fallu beaucoup pour se débarrasser de ses ennemis. Mais la vie avait donné raison au Cheshire : son arrivée à Nowhere avait éteint toute notion de courage en Trunks dès qu’il avait compris que ses pouvoirs avaient disparu. C’était un défaitisme à toute épreuve qui s’était doucement et dangereusement installé à la place.

Le jeune homme était profondément en colère. Pas contre le chat qui ne faisait que son travail, mais contre lui-même. Il s’en voulait d’avoir abandonné aussi facilement et de s’être déprécié à la première occasion. Maladroitement, d’ailleurs, il voulait prouver à son interlocuteur qu’il se trompait sur toute la ligne. D’un bon, il se leva alors pour se planter devant l’homme, droit comme un piquet. Il relevait même un peu son menton, fier. « Ce n’est pas une question de courage, cracha-t-il, mais d’humilité. » Ah oui ? Intéressant. Quiconque connaissait le Saiyan savait qu’il n’était pas si éloigné que cela de la vérité — il était effectivement humble et sage. Ici, en revanche, cela lui servait de faux argument. « Quel genre d’homme serais-je si ce n’est un prétentieux seulement intéressé par la gloire pour croire que je peux entrer en ce lieu sans me poser de question ? Je préfère prendre mon temps et être sûr de mes capacités plutôt que de m’empêtrer dans des apparences et échouer dans les tâches qu’on me confiera ! » Douce ironie puisque c’était exactement ce qu’il était en train de faire, par égo. « Je ne manque pas de courage, monsieur, sachez-le. C’est même de très loin la dernière chose qui pourrait me faire défaut. » Trunks ne se voilait pas la face, il voulait maintenir l’illusion qu’il maîtrisait la situation alors qu’il s’agissait du contraire.

A quoi bon lutter ? Trunks était suffisamment intelligent pour comprendre qu’il était bien inutile de se draper d’orgueil face à quelqu’un qui avait raison en tout point. S’enfoncer dans sa rhétorique qui visait à faire croire qu’il n’était pas en difficulté tendrait à pousser à l’infini l’argumentaire du Chat. Et ce dialogue de sourd reposant sur un raisonnement par l’absurde serait plus une perte de temps qu’autre chose. Trunks n’allait pas mentir : il était piqué de voir que son mal-être était aussi palpable, surtout par un inconnu, aussi étrange et excentrique soit-il.

Néanmoins, le Cheshire Cat avait dit quelque chose qui résonnait beaucoup en lui : le prétentieux arrive en conquérant. Trunks pensa immédiatement à son père, Vegeta. Beaucoup l’avait fustigé pour son attitude désinvolte, son excès de confiance à outrance et par-dessus tout, pour son arrogance tirant sur le mépris. Mais n’était-ce pas par ce biais qu’il avait réussi à s’élever ? A s’ailier à d’autres pour des intérêts divers ? Pour remporter la victoire ? Vegeta fonçait tête bêche dans le combat à cause de sa prétention naturelle imputée à sa race Saiyan et de sa haute estime de lui-même mais ce point faisait écho à d’autres paroles du Chat : « Le vrai courage n'est-il pas de risquer de se confronter à ses failles plutôt que de les fuir ? Le monde s'est construit sur des échecs et des tentatives. Comment apprendre sans se tromper ? Comment progresser sans se heurter ? » Un Saiyan gagne en puissance en se battant. Frôler la mort ou la côtoyer était même un avantage. Malgré ses échecs, Vegeta était toujours remonter sur le ring, probablement parce qu’il ne supportait pas la défaite, mais surtout pour se prouver à lui-même qu’il était toujours capable. Les Saiyans étaient des conquérants, des combattants infatigables. L’attitude de Trunks face aux épreuves étaient indigne de son sang, de son rang et avant tout de son père. De plus, d’aucuns pouvaient questionner le manque de résilience de Trunks qui n’avait rien de logique : le modeste se présente en apprenant. N’était-ce pas ce qu’il avait toujours fait auprès de Gohan alors qu’il était en apprentissage ? N’était-ce pas ce qu’il avait fait au côté de son père dans la Salle de l’Espirt et du Temps pendant un an pour avoir l’espoir de battre un grand ennemi du nom de Cell ? Il oubliait que les pouvoirs dont il avait été dépourvu à cause du Collapse n’était pas la seule et unique chose qui faisait de lui un jeune homme compétent et courageux. Une myriade de choses, de qualités et de défauts le composait. Avoir des pouvoirs ou non… Trunks était bien plus complexe que cela comme toute créature vivante.

Le souci se trouvait ailleurs, bien enfoui au fond de lui au point que, dès qu’il remontait à la surface, Trunks se retrouvait paralysé par la honte. Est-elle seulement la source de tes problèmes, ou un simple obstacle sur le chemin de ta vérité ? Je peux t'aider à le découvrir. Trunks avait une partie de la vérité sur le bout de sa langue, mais la confesser le terrifiait. Alors qu’il se tenait encore debout, droit comme un piquet devant le chat, ce dernier se releva. A la grande surprise du Saiyan, il lui tendit même sa main pour rendre plus concrète sa proposition. Une sorte de pacte à sceller. Il regardait d’ailleurs longuement cette main, laissant son regard trainer tour à tour entre elle et le visage de son interlocuteur. Il pesait le pour et le contre. Était-ce bien raisonnable de confier tous ses secrets à un inconnu ? Que pouvait-il en faire ? Le sourire du Chat, qui mettait Trunks si mal à l’aise, était-il trompeur ? Avait-il en réalité une personne bienveillante en face de lui, ou du moins qui n’était pas aussi mauvaise et dangereuse en faisant tous ces mystères que son instinct lui laissait croire ? Peut-être que sa naïveté le perdra. Un part en lui se méfiera toujours, mais une autre avait réellement envie de faire confiance à cet inconnu. Avait-il d’autres choix, de toute manière ? Sans que Trunks ne dise quoique ce soit, le Cheshire Cat avait deviné bien des choses sur lui. A quoi bon lutter ? Il n’avait personne ici et, en dehors de Luke Skywalker, le Chat était le seul à lui proposer concrètement son aide. Il prit alors une grande inspiration et se décida à serrer la main du Chat, restant quelque peu réticent. « Je m’appelle Trunks. » Il le regarda droit dans les yeux, puis relâcha sa main. « Et si je refuse de rentrer à l’agence pour le moment, c’est parce que je ne veux pas déshonorer mon père ou lui faire honte si j’échoue. Ça n’est pas un homme tendre. Ça a déjà été très compliqué d’obtenir sa confiance et de la considération de sa part alors je ne veux pas perdre tout ça pour des bêtises. » Ça restait toujours un peu flou, mais c’était déjà un bon pas vers la vérité et son acceptation.