(( saṃsāra )) — .･✧ c-17 & trunks.

Debout, devant son miroir, Trunks contemplait l’étendue des dégâts. Son corps était un véritable champ de bataille. Clairsemé d’hématomes de tailles et de couleurs différentes, on pouvait aisément deviner la violence des coups qu’il avait reçus. Ses jambes avaient été épargnées, si on peut dire — l’un de ses genoux, le gauche, le lançait au point de le contraindre à boitiller, mais c’était assez dérisoire. On ne pouvait en dire autant du reste, surtout de ses mains qui se trainaient quelques problèmes au niveau des phalanges. Serrer ou desserrer son poing était douloureux, lui arrachant une grimace plaintive accompagnée d’un soupir empreint de la même peine. Il se tournait ensuite pour observer son dos. La contorsion était loin d’être agréable, tirant sur ses hématomes aussi imposants que sur son torse. Le galbe de ses muscles les rendait d’ailleurs bien plus spectaculaires. Trunks n’était plus qu’un panache de violet, de bleu et parfois de jaune et d’orange en fonction de l’évolution de ses contusions. Il tâtait celui au niveau de ses côtes qui lui faisait souffrir le martyre — plusieurs étaient fêlées. Sortant de la douche, fraichement séché avant cette contemplation étrange, il s’appliquait lorsqu’il remit le bandage autour de ses côtes, veillant à bien le serrer. Ça lui arrachait des gémissements de douleur qu’il étouffait immédiatement en se pinçant les lèvres ou à travers des soupirs discrets. Hors de question de se montrer faible, même lorsqu’il était en face à face avec lui-même. Il lui fallut ensuite bien une heure et demie avant de trouver une position confortable dans son lit, emmitouflé dans ses couettes. Il était épuisé.

Ses nuits étaient agitées, gangrénées par des cauchemars qui le réveillaient toujours en sueur. Il revivait ce qu’il s’était passé, le truc qui l’avait mis dans cet état. C-17. Ce foutu androïde qui l’avait privé de son père, de Gohan… Il était là. Encore. Alors qu’il l’avait détruit. Trunks avait eu raison de se méfier du déchirement des mondes, mais jamais il n’aurait cru que la menace arriverait aussi rapidement. S’il pouvait encore atteindre sa forme de Super Saiyan, ça n’aurait pas été un problème et il aurait rivalisé avec lui sans crainte. Mais ce n’était pas le cas. Parce que le Collapse lui avait tout pris. Et C-17 avait tué dans l’œuf les espoirs de Trunks de rejoindre un jour l’Agence. Comment pouvait-il prétendre à ce poste de prestige alors qu’il avait échoué au premier affrontement, pire encore contre celui avec sa némésis ? Son corps était aussi meurtri que son égo. Cela allait même au-delà de la honte. C’était presque de la tristesse et de la résignation, la même qu’il avait ressentie devant Cell quand il comprit qu’il n’arriverait à rien, même avec toute la force du monde… C’était dans ce genre de moment de doute, tenu en otage par cette insomnie violente à contempler le plafond, que Trunks aurait aimé que Gohan soit là. Il avait toujours su trouver les mots justes pour le remettre d’aplomb. Quelque part, le jeune homme aurait voulu également trouver son père. Sa sévérité, sa rigidité et son intransigeance couplées à ce petit côté sec et brut de décoffrage qu’il avait auraient pu le secouer. Ça ne faisait pas de mal parfois qu’on vous remette les pendules à l’heure. Mais pour l’instant, le simple fait de savoir que C-17 était dans les parages le paniquait. Trunks n’avait aucun moyen de le détruire. Et l’androïde était assez intelligent pour comprendre qu’il avait clairement l’ascendant et qu’il pouvait tuer son pire ennemi à tout instant.

Quand Trunks se tourna dans son lit, avec le plus grand mal, une question le hantait : pourquoi C-17 ne l’avait-il pas tué, d’ailleurs ? Alors qu’il l’avait sous la main ? Lui ne se serait pas privé de sa vengeance en tout cas. En plus, ce n’était pas le genre des cyborgs de faire dans le détail ou dans la pitié. Voulait-il d’abord s’amuser avant de lui porter le coup fatal ? Parce que l’humiliation lui apportait plus de jouissance dans son plaisir sadique ? Allez savoir… Ce fut sur ces interrogations légitimes et une angoisse latente que Trunks laissa le sommeil l’emporter, enfin, alors que le soleil dardait le ciel de ses premiers rayons matinaux.

À son réveil, dans l’après-midi, Trunks envisageait de parler de son problème à Luke Skywalker qu’il n’avait pas vu depuis l’incident, la faute à son excès d’orgueil, sans doute. À défaut d’avoir Gohan, le Jedi était un bon compromis pour savoir quoi faire ou recevoir des conseils. Trunks n’aura cependant jamais l’occasion de rejoindre l’école. À l’approche de la menace, un violent frisson courut dans son dos. Les poils dans sa nuque se dressaient tandis que son cœur battait dangereusement. Au beau milieu de la rue quasi déserte, Trunks, combattant aguerri, avait reconnu le bruit de sa démarche si particulière, peu naturelle… Depuis quand le suivait-il ? L'espionnait-il ? Le Saiyan s’arrêta au milieu du chemin. Il tournait la tête pour regarder son ennemi du coin de l’œil. « Tu veux quoi ? » Son ton était aussi sec qu’un coup de fouet, presque acide. Le bleu de ses yeux s’était terni pour devenir plus sombre, presque menaçant. « Tue-moi, qu’on en finisse. Je ne suis vraiment pas d’humeur à jouer à ton petit jeu. » Trunks se tournait pour lui faire face. Ses sourcils naturellement froncés, il toisait en plus l’androïde avec un certain dédain. Il pensait toujours que C-17 le traquait pour s’amuser avec lui à la manière des félins qui se plaisaient à torturer leurs proies avant de les achever. « Je ne suis pas un rat de laboratoire à ta disposition pour assouvir tes pulsions bizarres. Si tu veux te venger, fais-le correctement. » Trunks n’était pas prêt à mourir, même si c’était déjà arrivé une fois contre Cell. Seulement, il n’était pas stupide — C-17 le tuerait un jour ou l’autre parce que c’était simplement dans sa nature. Trunks chercherait probablement à se défendre pour l’honneur et la beauté du geste, mais c’est tout, si jamais le cyborg décidait encore de se battre. Même si Trunks se préparait à dégainer son épée à tout moment, son défaitisme et sa résignation restaient étranges. C’était très loin de l’arrogance et de l’orgueil typique des Saiyans, mais Trunks estimait qu’il était plus noble et digne de mourir en restant humble qu’en se prenant pour ce qu’on n’était pas ou plus. Son corps ne lui offrirait pas l’aisance dont il avait besoin pour combattre de toute manière — ses hématomes et ses côtes fêlées le handicapaient considérablement. Autant garder la face le plus longtemps possible.

S’il y avait bien une chose que Luke Skywalker s’efforçait d’apprendre à ses élèves, c’était la pondération et la sagesse. Les Saiyans comme Gohan ou Vegeta adoptaient une tactique diamétralement opposée qui consistait à foncer dans le tas sans réfléchir et se débrouiller sur le moment parce que tout ce qui importait, c’était de battre son ennemi de la manière la plus gratifiante possible pour l’égo. Les conseils prodigués par Luke Skywalker permettaient d’ajouter un peu plus de nuances dans tout ce que Trunks avait appris jusqu’ici. Les Jedi n’étaient pas entrainés pour tuer, mais pour trouver, au contraire, des alternatives. L’affrontement et le meurtre étaient vraiment usités en cas d’ultime recours. Quand C-17 l’insultait allègrement sans manquer de se pavaner devant lui, Trunks essayait tant bien que mal de se souvenir des conseils du Jedi lors de leurs longues discussions supposées lui redonner confiance en lui. Il était stoïque en apparence. Au fond de lui, sa véritable nature bouillonnait et ne demandait qu’à exploser. La peur est le chemin vers le côté obscur : la peur mène à la colère, la colère mène à la haine, la haine… Trunks avait oublié la fin de la phrase. Elle ne l’intéressait pas. Il s’en fichait de sombrer dans quoique ce soit. Ça n’était pas son monde et ses lois.

C-17 avait effectivement réveillé quelque chose et les conseils de Luke ne faisaient pas le poids. Tu ne représentes pas de menace pour moi. Tu t’accordes un peu trop d’importance. Savait-il à qui il parlait ? Trunks était un Saiyan, un grand guerrier. On pouvait même ajouter qu’il était fils d’un prince, héritier d’une dynastie de conquérants. Ça n’avait aucune valeur ici, même dans leur monde d’ailleurs, et encore moins aux yeux de l’androïde. Si Trunks avait le malheur de l’évoquer, il pourrait même en profiter pour se moquer de lui. Quel piètre héritage, descendant d’une race morte avec pour seul royaume une planète explosée ! Tss. Tu t’accordes un peu trop d’importance… Malgré tout, Trunks ne pouvait pas laisser passer ça. Cet orgueil profondément enfoui en lui était remonté brutalement à la surface sans manquer de se mêler à cette colère latente. Le tout dévorait et détruisait la moindre parcelle de raison qu’il lui restait encore. Peut-être poussait-il la chose un peu loin, mais à ses yeux, remettre son existence en question revenait à questionner les enseignements de Gohan, mais aussi de Vegeta, ainsi que l’éducation de Bulma qui avaient fait de lui la personne qu’il était aujourd’hui. Tu t’accordes un peu trop d’importance. Tout comme Gohan s’accordait trop d’importance avant de finir face contre terre, mort. Tout comme Vegeta s’accordait trop d’importance avant de mourir sous ses coups et ceux de sa jumelle. Tout comme Bulma qui… Les insultes ne se limitaient donc pas qu’à lui, mais aussi à sa famille. La rage lui serrait la gorge. « Je vais te démolir. » cracha-t-il à l’adresse de son rival, après un long silence. Son regard azuré, mais glacial, était férocement planté dans le sien tandis qu’il serrait machinalement ses poings. Malgré tout, sa phrase avait des relents un peu pathétiques quand on s’attardait dessus, en dépit de son air solennel, froid et détaché. « Mais puisque tu es là… On pourrait s’amuser un peu, tu ne crois pas ? » Ça avait vraiment été l’ultime provocation.

Trunks ne tarda pas à se manifester. Il faisait fi de la douleur qui s’étendait à tous ses muscles. Il passait outre son léger déséquilibre causé par ses douleurs aux genoux. Il n’avait peut-être plus ses dons de Saiyan, il était cependant habité par toute la rage relative à sa race quand il fondait sur son ennemi, décochant son poing. La première fois, ça avait mal tourné pour lui. Là, il s’en fichait pas mal de l’issue du combat. Il le faisait pour l’honneur.

Trunks n’avait rien compris à ce qu’il s’était passé. Naïf, il crut que son poing alimenté par sa force de frappe atterrirait dans le visage de son adversaire. Or, c’était tout l’inverse qui s’était produit et le voilà maintenant coincé contre lui, son bras totalement entravé. « LÂCHE-MOI ! » s’époumona-t-il avec une rage sans précédent. Bien évidemment que le Saiyan tenta de s’échapper en voulant dégager son bras à l’aide de mouvement brusque. En vain. Il n’était plus qu’une pauvre brebis dans la gueule du loup. Il ne supportait pas de sentir la main de son ennemi l’éteindre, encore moins d’avoir son autre bras qui le maintenait contre lui. « T’AS PAS ENTENDU ? LÂCHE-MOI ! » retenta-t-il en guise d’ultime recours. Il avait bien essayé avec sa main libre de lui retirer son bras, mais cela n’eut aucun effet si ce n’est de sentir et toucher sa peau plus longuement que dans leur affrontement habituel. Elle était… Etrangement douce. Sans défaut. La main de Trunks essayait d’arracher celle de C-17 autour de lui, la glissant presque dedans pour ça. Et si celle de son ennemi ne bougeait pas d’un poil, solide comme un roc, la sienne se couvrait de discrets frissons qui coururent le long de son bras pour terminer leur course dans sa nuque. Une sensation désagréablement plaisante qui entraina le jeune homme à pousser un grognement de frustration autant pour ça que pour le piège dans lequel il se trouvait. Il se fatiguait, ses vieux hématomes et sa côte cicatrisant à peine le tiraillaient au même titre que son bras bloqué dans son dos. Son cœur battait un peu trop fort aussi, sans qu’on ne sache s’il voulait exploser de haine ou de violence. Ou d’autres choses… ?

Si lui se fatiguait, le cyborg s’amusait visiblement de la situation. « C’est avec ça que tu comptes me démolir ? Allons, sois sérieux, veux-tu ? Tu ne ferais pas de mal à un nouveau-né avec ce poing-là. » La riposte de Trunks ne tarda pas à se faire entendre : « LA FERME ! Dès que j’ai une minute, j’te taille en pièce ! » Avec son épée. Coincée dans son dos. À laquelle il n’avait pas accès. Su-per. Totalement ridicule. Dans d’autres circonstances, il se serait déjà transformé en Super Saiyan, se serait libéré et aurait déjà fait pleuvoir sa violence sur son opposant, autant à travers ses coups que son Ki. Il l’aurait ensuite achevé avec sa lame, histoire de rendre sa mort assez spectaculaire. Mais tout ceci resta au stade de fantasme puisque Trunks n’avait plus sa liberté de mouvement. Pire encore lorsque C-17 resserra sa poigne sur lui, si fort qu’il en poussa un gémissement de douleur qui vira sur le grognement à la fin. Il dut même presque ployer le genou. « Ne t’avise pas de hurler, ou je te brise le bras. Mais j’accepte de te relâcher si tu te calmes. » La respiration de Trunks était encore plus brouillonne et chaotique dès que son ennemi eut prononcé ses mots, d’une part à cause de la douleur de la prise et d’autre part à cause de sa colère magmatique qui était bien loin de se calmer. Malgré tout, Trunks ne fonça pas tête-bêche. Il aura pu céder à ses pulsions et insulter C-17 de tous les noms en expliquant qu’il préférait avoir le bras cassé ou même être mort plutôt que de l’écouter et de se rabaisser. Toutefois, en une fraction de seconde, Trunks jugea cette initiative pathétique. Certes, elle sauverait son égo, mais était-ce avec lui ou avec un bras en état de marche qu’il arriverait à battre le cyborg ? La réponse était toute trouvée même si elle coutait au Saiyan. Dans sa tête, il voyait déjà son père lui jeter un coup d’œil méprisant tout en lui balançant un « Tss. » condescendant avant de lui tourner le dos. Trunks avait honte face à cette vision, mais il n’avait pas le choix. C— 17 pouvait sentir Trunks s’affaisser légèrement dans ses bras et ses muscles se détendre, signe de sa reddition.

Une paix de courte durée cependant. Une fois que le jeune homme retrouva sa liberté de mouvement, il en profita pour attraper C-17 par le col de son pull avec violence et pour le plaquer contre un mur dans une ruelle reculée. « C’est quoi ton problème, hein ?! » Il hurlait. De rage. De peur. « TU CHERCHES QUOI, PUTAIN ?! » Les poings toujours serrés au niveau de son col, ils tremblaient. La panique se lisait également dans le regard de Trunks, bien qu’il tentât du mieux qu’il pouvait de la contrôler. Mais, il n’était pas bête. Il avait senti que la situation lui échappait depuis longtemps : il avait compris que C-17 avait deviné pour son petit problème et qu’il s’amusait avec lui simplement pour le pousser dans ses retranchements. Et ça fonctionnait du tonnerre.

Une bête sauvage à l’agonie. Pouvait-on trouver meilleur syntagme pour décrire l’état de cet homme à la dérive ? Ses blessures n’étaient pas physiques, du moins, le cyborg ne lui en avait pas donné de nouvelle depuis leur dernière altercation. Elles relevaient plus de son essence, de tous ces petits maux accumulés depuis son arrivée à Nowhere qui laceraient chaque jour un peu plus son âme. Des plaies béantes que la présence de C-17 en ville avait rendues impossibles à cicatriser. Trunks était aux abois, esseulé. A sa merci. Il n’y avait pas même son père pour le défendre, ni même Gohan. Le garçon ignorait ce qu’ils auraient pu faire de plus, mais leur simple présence dans les alentours aurait eu cet effet sécurisant, aurait permis de gommer le temps de quelques secondes cette solitude qui le dévorait malgré tout ce qu’il pouvait en dire. Sa mère, Bulma, lui manquait atrocement. Elle n’aurait pas pu faire grand-chose contre l’assassin de son compagnon non plus, mais elle avait toujours les mots justes pour réconforter son fils, pour lui faire comprendre qu’il valait bien plus que ce qu’il pensait de lui. Le regard de Trunks lançait des appels à l’aide à ses fantômes dans le regard de son assaillant — deux étaient morts de ses mains, avec celles de sa sœur, dans sa temporalité, leur essence résidait peut-être quelque part là-dedans. Ses assauts n’étaient donc que des soubresauts de survie de la bête mourante sur le bas-côté de la route, tentant de fuir son bourreau qui venait de sortir de sa voiture pour lui porter le coup fatal.

Son bourreau ne tarda pas à se manifester d’ailleurs. Las de ses vaines tentatives de lutte, C-17 s’était empressé, en un éclair, de ceinturer Trunks et de l’emmener au-dessus des bâtiments. Il n’avait jamais eu aussi peur de voler de toute sa vie, bien qu’il ait pratiqué cette technique de nombreuses fois. Voir les bâtiments devenir de plus en plus petits et surtout le sol s’écarter dangereusement de lui le paralysa dans les bras de l’androïde si bien qu’il ne bougea plus. Son cœur avait également cessé de battre, ses poumons ne s’emplissaient plus d’air. Son cerveau semblait aussi s’être éteint, refusant de lutter. Pendant de longues secondes, Trunks était complètement vide. Un agneau dans la gueule du loup matérialisée par la main et le bras de C-17 toujours aussi fermement cramponné à lui. Le Saiyan savait pourtant ce que cela faisait de mourir, de sentir les abymes vous avaler pour vous garder chaudement dans ses ténèbres. Néanmoins, il n’avait jamais eu aussi peur qu’à cet instant de subir à nouveau le baiser de la mort. Il n’y aurait plus les Dragon Ball pour le sauver. Même si quelqu’un les réunissait, elles n’accordaient la résurrection qu’une seule fois. S’il meurt, ça sera pour de bon cette fois-ci. C-17 tenait littéralement sa vie entre ses mains. Il ignorait si cela le rendait davantage triste ou en colère.

« Est-ce que je suis assez clair, cette fois ? Est-ce que tu vas enfin arrêter de hurler ? » Trunks était tourné face à C-17. A cette altitude, de violentes bourrasques les percutaient régulièrement au point que ses cheveux lavande fouettaient son visage et le camouflaient pour être balayés de nouveau en tous sens. Pourtant, cela n’empêchait pas de voir la terreur dans ses yeux, accentuée par le bleu clair de ses iris. La panique se reflétait notamment dans les traits crispés de son visage et au travers de sa mâchoire serrée. Surtout, Trunks ne tenait plus le col de l’androïde, mais ses bras. Sa poigne était ferme, tremblante. La peur lui tordait tellement l’estomac qu’il peinait à lui parler, au départ. « Ne me lâche pas… » Il s’éclaircit la gorge, reprend confiance en lui pour ne pas avoir l’air suppliant. « Ne me lâche pas, s’il te plaît, parce… » Mais son ton l’était. Son regard aussi. Sa manière de l’empoigner et de se coller à lui également — ses bras étaient désormais autour du cou de l’androïde. Il était pris au piège. Connaissant le cyborg, il allait probablement lui demander d’être plus convaincant, de lui donner une bonne raison de l’épargner. Pour cela, il fallait qu’il succombe à la faiblesse, qu’il se soumette à son assaillant en dévoilant ses secrets. Trunks savait qu’en faisant une chose pareille, il donnerait à C-17 toutes les armes pour exploiter ses failles. Mais c’était soit ça, soit il finissait écrasé contre le sol, la tête explosée comme une pastèque. C’était vraiment ce genre de mort là qu’il voulait ? Sans honneur ? C’était peut-être préférable à la soumission et l’humiliation. En tout cas, Trunks imaginait que c’est sûrement ce que Vegeta lui aurait dit. Malheureusement pour lui, dans ce genre de situation, ce fut sa part très humaine qui parla pour lui : la peur et l’instinct de survie prirent le dessus. « …parce que je… » Il marqua une pause. La honte s’ajouta à ses autres états d’âme. « ...je… je ne peux plus… voler… » Son aveu était particulièrement difficile à confesser, si bien que Trunks était presque inaudible, le souffle court. Ses mains glissaient désormais dans le dos de C-17, laissant ses doigts s’agripper à ses omoplates. Compte tenu de leur proximité et de la manière dont le Saiyan était cramponné et collé à son ennemi, il y a de forte chance que le cyborg ait attrapé au vol sa triste confession. Trunks le regardait d’ailleurs dans les yeux, cherchant le moindre signe dans ceux de C-17. Les siens transpiraient de frayeur, sa pupille ne cessant pas de se dilater ou de se contracter au rythme des vagues nerveuses qui le parcourait de la tête aux pieds.

La main de C-17 glissa autour de sa nuque. Sa main. Autour de sa nuque. Pas pour l’étrangler. Pas pour la tordre ou la briser. Mais pour que Trunks se rapproche de lui. Avec douceur. Sans manquer d’être protecteur. Ce geste de C-17 n’était pas le seul à le surprendre. Sa propre attitude était déconcertante : il se laissait faire. La tête dans le creux de son cou, Trunks poussa même un soupir soulagé, serein. Également, ses mains étaient moins crispées quand elles se tenaient à lui. C’était bien la toute première fois de son existence qu’il se sentait autant en sécurité en présence de l’androïde à cause duquel il avait pourtant tout perdu. Oui, ce n’était pas la version qu’il avait connue et cela devait probablement jouer au niveau de ses émotions, mais Trunks ne faisait pas de différence malgré tout. Le malaise s’accentuait seulement lorsque Trunks se surprit en train d’humer son parfum. Un sortilège insidieux qui avait eu le don de calmer sa fréquence cardiaque. Accroché à C-17, baignant dans cet océan de quiétude, Trunks n’avait même pas remarqué qu’il volait à nouveau et qu’il l’emmenait sur le toit d’un immeuble.

Trunks sentit qu’il avait de nouveau les pieds sur quelque chose de plat. Pourtant, cela ne le dissuada pas de lâcher C-17. C’était étrange. Dérangeant. Peut-être était-ce l’altitude qui créait un tel sentiment, mais pourquoi Trunks avait l’impression d’être dans une bulle avec lui ? De se sentir seul au monde et de refuser que quiconque vienne perturber cette tranquillité ? Peut-être était-ce le fait d’être avec quelqu’un de son monde et qui pouvait potentiellement le comprendre qui créait ce lien et cette cohésion mystique, allez savoir. Trunks avait juste le temps de lui lancer un regard tout aussi étrange et déstabilisant que le reste — une énième connexion avait-elle été faite ? — avant que C-17 ne s’éloigne de lui.

Le cyborg fourrait les mains dans les poches de sa veste. Trunks l’imitait. Le malaise était palpable, plus encore lorsque le Saiyan toisa son interlocuteur. Lui aussi semblait gêné. Toutefois, contrairement à Trunks qui se posait un peu trop de questions intérieures, C-17 joua la carte du déni en lançant un sujet quelconque. La perte de son Ki. Ça devenait donc un sujet qui fâche. La bulle de plénitude éclata au passage. Trunks se laissa alors abrutir par les bruits de la ville en contrebas. Il regrettait déjà ces quelques secondes hors du temps qui étaient bien plus supportables que la confrontation avec la réalité.

Il répondit à la première question en hochant la tête d’un air positif après avoir lâché un soupir résigné. Il regardait le sol, jouait avec un gravillon du bout de sa chaussure. À la deuxième question, Trunks brisa le silence. « J’en sais rien, pour être tout à fait franc. » Il consentit à regarder le cyborg après avoir relevé la tête. Il resta néanmoins à distance, encore troublé. « Sans mon père et sans Gohan, c’est difficile d’avoir une explication. » Il haussait les épaules. Il pensait naïvement que leur présence lui permettrait de comprendre ce qu’il se passait s’ils avaient la même affliction que lui. Or, ça ne prouverait pas grande chose. Ça le rassurerait simplement, soyons honnêtes — s’il n’était pas le seul touché alors… Ce n’était pas lui le problème. « Mais c’est comme ça depuis que je suis tombé ici. Je ne pense pas que ce soit dormant sinon… » Son regard fuyait vers le ciel, vers les bâtiments autour, qu’importe, tant que ce n’était pas sur C-17. « …sinon je me serais transformé directement au cours de notre bagarre dans la forêt. » Sa mâchoire se crispait brièvement. Ses poings dans les poches de sa veste aussi. Par cette simple évocation, c’était aussi la honte qui était remontée en flèche. Voilà pourquoi il ne pouvait regarder son adversaire : il refusait de voir son aura de créature frêle et fragile se refléter dans le regard froid de C-17. Trunks s’était assez humilié pour aujourd’hui.