Because the world is on fire -- James.

On raconte des histoires, un peu tout et son contraire, pour s'expliquer quel phénomène a bien pu ramener tous ces gens ici. Qrow ne s'est pas tout de suite anesthésié par l'alcool ; il a essayé. De comprendre, de se mettre au service de quelque chose. Il est encore en contact soutenu avec les cartographes, le seul groupe en lequel il a décidé de placer un peu de sa confiance parce qu'il n'est pas politicien. Il a essayé de se renseigner sur l'origine de cette ville, est tombé sur bien des théories alambiquées - comment faire le tri, hein ? Tout ça pour être confronté au pire : d'après certains ce monde serait le dernier. Découvrir qu'il existait un multivers flanque le tournis mais c'est encore pire de savoir qu'il n'existe plus. Tout tiendrait à si peu de choses, au hasard, or Qrow ne croit pas en la bonne fortune. Et le pire dans tous ça c'est que les querelles menacent encore l'équilibre de ce monde déjà instable - il faudrait être aveugle pour ne pas voir les rivalités qui émaillent la collaboration entre Nexus et Juggernaut, ou la lutte sous-marine pour les ressources de Mirage.

Trois mois qu'il est à Nowhere, sans aucune nouvelle de ses nièces ou d'une quelconque personne de sa connaissance. A une exception près.
Sa foutue tête est placardée partout. James Ironwood n'a pas tardé à se hisser à une position de pouvoir, qui est-ce que ça étonne ?
Qrow fait claquer sa chopine contre le comptoir sali, sa tête est engourdie par l'alcool mais pas assez, encore, pour arrêter de ressasser. Le dos voûté et le regard perdu il serre entre ses doigts le porte-bonheur de Clover avant de s'envoyer le contenu de son verre. Il avait promis de faire payer James, cette funeste tâche le maintenait encore debout, avant- sûrement en marche forcée. Mais ici ? Est-ce que ça rime encore à quelque chose ? Le vieux corbeau n'a plus la moindre guidance. Il est seul avec ses démons, cela dit ceux-ci ne font qu'amplifier sa colère : pourquoi parmi tous ceux de son monde fallait-il que ce soit James qui revienne ?
Il a décidé de faire profil-bas, un temps, d'aider à hauteur d'homme en participant à des expéditions dans les entrelieux ou en surveillant les bordures de l'Interstice. Seul, il est conscient de ne pas pouvoir le faire tomber. Il est visiblement arrivé dans les premiers et n'a pas traîné avant de s'entourer d'un solide attirail légal - l'amnistie des crimes passés, arrangeant - et de moyens humains démesurés. Le peuple avait sûrement besoin de figures de proue, d'être rassuré, James a trouvé le bon créneau. Avec sa belle gueule il faut dire qu'il est plutôt doué pour amadouer. Qrow se souvient de son calme lorsqu'il a annoncé être prêt à bombarder Mantle et ça, ça le met hors de lui.
Le trèfle à quatre feuilles glisse de ses mains, qui tremblaient trop, il le rattrape in-extremis avant que celui-ci n'heurte le sol.

Le vieux corbeau utilise ses moments de clarté d'esprit pour rechercher sa famille, les gamins et Ozpin. Il aurait pu laisser Jimmy à ses affaires encore un moment. Il aurait pu être égoïste si une limite n'avait pas été franchie. Premièrement le conseil de Nexus, c'est à dire lui, qui s'immisce dans la guilde sous prétexte de la construction de ce fichu train. Des promesses de subvention étaient juste derrière et elles venaient avec le fait de devoir rendre des comptes. Il y a fort à parier que son influence est déjà tentaculaire. Deuxièmement, ce qu'il s'est passé hier soir sur tous les écrans : la quarantaine du quartier des affaires de Nexus. Les explications sont vaseuses, opaques, elles démontrent à elles seules à quel point James n'a pas changé, qu'il est resté campé sur sa politique austère et unilatérale.
Sous forme de corbeau, il s'est infiltré dans la zone d'isolement. Il a vu le déploiement d'une milice armée et comment certains citoyens, frappés d'un mal inconnu, étaient traînés dans un complexe sous haute sécurité.
Il ne manquait plus qu'une flammèche pour mettre le feu aux poudres. Qrow refuse que le désastre d'Atlas se reproduise. Il refuse qu'il y ait d'autres Clover.
L'alcool intoxique suffisamment son sang pour lui donner l'impulsion, qu'a-t-il à perdre après tout ? Et si ça se trouve Robyn avait raison, s'il prétend le faire dans l'intérêt général peut-être que ses actes ne vont être motivés que par sa propre rancoeur. Peut-être bien qu'il le fait pour lui-même.
Le chasseur exhale un profond soupir, éreinté et rocailleux, avant de rengainer le porte-bonheur qu'il questionnait du regard et de se lever. Son pas titubant le conduit à l'extérieur où l'air glacial lui colle une claque bienvenue. Il se transforme aussitôt en corbeau et fend la nuit noire vers sa destination.

Il n'a pas de mal à passer outre la surveillance du bâtiment du Conseil, il a déjà fait du repérage même s'il était encore indécis. A cette heure tardive, il n'y aura sûrement personne si ce n'est lui. James n'est pas du genre à fermer l'œil ou à abandonner son fief lorsqu'il a identifié une situation de crise.
Qrow y va sans réellement savoir ce qu'il veut : comprendre ou en finir, lui parler ou le réduire au silence. Il est furieux et, pourtant, quelque chose se bloque lorsqu'il aperçoit sa silhouette derrière la baie vitrée.
Il pensait, à quoi pensait-il au juste ? Sûrement à briser le verre et à fondre sur lui.
Mais quelque chose retient son impulsion et il contourne finalement le balcon pour s'infiltrer par une fenêtre entrebâillée. Qrow se retransforme et se réceptionne sur des jambes qu'il ne pensait pas aussi flageolantes, son épaule heurte la porte du bureau du général et, dans l'impulsion du geste, il l'ouvre d'un coup franc.
Le corbeau est dans le dos d'Ironwood et met immédiatement une main sur son arme. "Je viens parler." Dit sa voix imbibée avant même qu'il ne s'aperçoive bien de ce qu'il avait en tête. Sa mâchoire est crochetée par la colère. "Je te déconseille d'appeler ta petite cavalerie." Il s'avance, le regard sombre. Conseiller, hein ? T'as pas l'impression d'en avoir suffisamment fait ? T'as donc rien retenu ? Il le lui crache presque, une furieuse envie de sortir son épée aux tripes. Je veux savoir ce qu'il se passe à Nexus et où tu amènes tous ces gens.

« Reçu. Faites-moi un nouvel état de la situation sur place dans très exactement trente minutes. Et rappeler à notre contact de ConneXion présent que des résultats sont attendus dans les plus brefs délais, sans quoi l’entreprise et lui-même auront à répondre de ses évènements sans …possibilité de négociations. Terminé.»

C’étaient ses doigts habillés de cuir noir qui vinrent cueillir l’arrête de son nez où se dessinait les stries de sa peau plissée par la perspective de la longue nuit se profilant. La situation à Nexus était plus que préoccupante, le conseil avait validé en urgence le déploiement de l’avant-garde en appuie à la zone touchée par  "l’épidémie", sans connaître tous les détails de la situation. En tant que Conseiller de Nexus, Ironwood était l’un des deux conseillers qui, en situation de crise, pouvait signer des autorisations et prérogatives préventives sur de nombreux domaines sans attendre l’appui de ses confrères. C’était également l’occasion pour ceux convoitant sa sortie du plateau de lui demander des comptes à l’issus de cette affaire. Cependant l’homme fait d’acier avait décidé de balayer ses facteurs de l’équation pour la nuit à venir.

L’implication de ConneXion était plus qu’évidente, et plus encore au vu de leur enthousiasme pour apporter leur inestimable aide sur le terrain. Néanmoins, à ce stade, James était incapable de refuser leur soutien. Surtout qu’il n’était pas le seul politicien impliqué et que d’autres pouvoirs en place était plus prompte à donner leur bénédiction à la multinationale. Il n’allait pas refaire la même erreur qu’avec Jacques Schnee ; se dévoiler en tant qu’opposant envers ce genre d’Organisation était une erreur. Il jouera à armes égales avec eux, sur fond de faux semblant, et quand il frappera, ce sera vite, fort, et sans possibilité de s’en relever. Le conseiller Ironwood avait tout intérêt à inviter très prochainement le général Braun pour un dîner de courtoisie, de quoi partager des… expériences de terrain.

Le brun se leva de sa chaise de bureau et détacha la flasque accrochée à sa ceinture pour agrémenter son café d’une touche plus… vivifiante. Une fois fait, il remit l’objet métallique à sa place et attrapa sa tasse par le haut avant de contourner son siège pour admirer la ville derrière lui. Nexus était très similaire à Atlas, si ce n’était le climat plus tropical. La voir ainsi briller de milles feux dans la nuit le rendait nostalgique mais aussi sur ses gardes. Car devant se paysage se superposait l’image rémanente d’un pays en ruine, pris à la gorge par le feu et son ouïe était envahis des cris lancinants de la terre qui cédait. Il prit une gorgé de chaleur amer et poussa un profond soupire qui parcouru sa cage thoracique, comme une vague emprunte de lourdeur.

Il éprouvait également des regrets. Cela faisait près de trois ans que sa semblance était dormante, Ironwood la muselant sans faillir. Car s’il n’arrivait pas à comprendre où il avait fauté, quand est-ce qu’il était allé trop loin pour sauver le monde, le fait que Winter s’oppose à lui pour protéger Atlas avait fini de le convaincre qu’en effet, à un moment son pas avait dépassé le sacrifice nécessaire. Mais quand ? La trahison était toujours acide et brûlante, il n’avait pas encore enlevé le poignard de son dos, comme tous les autres, mais c’était le seul poignard qu’il trouvait légitime. Tous l’avaient trahi, son équipe, l’équipe RWBY, Penny et même Qrow. Un membre de sa propre équipe. Une personne qu’il chérissait et pour qu’il avait décidé de s’en faire. A qui il avait montré quelque chose de fragile. Il avait sûrement oublié que Qrow n’était pas vraiment le genre de personne à qui on confiait un vase ming ancestrale ou tout autre objet précieux et cassable.

Néanmoins, si Winter avait décidé de s’opposer à lui, alors il se remettrait en question. La chute d’Atlas était sa responsabilité et il la porterait sur ses épaules sans nier ce constat. Cependant, il refusait que Nowhere soit un nouvel état détruit de l’extérieur mais aussi de l’intérieur.
Perdu dans des pensées qui étaient perpétuelles dans son esprit, il ne rata pourtant pas la vibration de sa montre qui indiqua sur son cadran une intrusion à son étage ; le neuvième, depuis la salle de réunion attenante à son bureau. Ironwood soupira et posa sa tasse sur le rebord de la fenêtre avant de croiser ses bras dans son dos. Une petite voix dans sa tête lui murmura que c’étaient ses anciens amis qui venaient se venger, comme toujours. Cependant, contrairement à ses échecs passés, elle s’avéra dans le vraie et les yeux de l’ancien général s’écarquillèrent en entendant la voix rauque et abîmée de son ancien et plus proche compagnon. C’était sûrement un statut qui n’avait jamais été réciproque, mais ça il s’en était rendu compte trop tard.

Son visage stupéfait était heureusement inaccessible à son visiteur non convié qu’il devinait d’ailleurs ivre. Ce n’était pas le seul son qui l’alertait, alors qu’il discernait le bruit de son arme, au cliquetis si caractéristique. La présence de Qrow à Nowhere était une probabilité qu’il n’avait pas exclue, et les rumeurs remontées les dernières semaines sur une faucheuse dans l’interstice n’avait fait que confirmer ses doutes. En tant que conseiller, James aurait pu le faire arrêter pour de nombreux motifs plus ou moins véridiques mais il avait décidé qu’il ne souhaitait pour l’instant pas en savoir plus. Car il avait eu une seconde chance, alors il estimait que Qrow Branwen en méritait une également. Cependant, le corbeau ne pouvait pas l’empêcher de s’auto-saborder comme il le faisait toujours.  

De la colère, du ressentiment mais aussi des réclamations indignées. Voilà l’homme qu’il connaissait. Ironwood s’exprima d’une voix aussi calme que son esprit était secoué.

« Je n’ai nullement besoin d’appeler qui que ce soit. Tu t’en es chargé tout seul, Qrow. Penses-tu réellement que le centre névralgique de la politique de Nexus est dépourvu de caméra. Caméras dont les alertes sont reliées à des capteurs de mouvements ? Même un frelon un peu joufflu déclencherait leur activation. J’imagine que tu as vu cette fenêtre ouverte comme une aubaine, mais c’est tout l’inverse, comme d’usage te concernant. » James aurait voulu avoir l’air fier de sa révélation, mais quand il se retourna, il ne put afficher qu’une mine abattue et un soupire secoua ses épaules. « Maintenant, tire si c’est ton souhait. Tu sais qu’une balle ne me tuera pas, et bientôt nos agents seront là pour te maîtriser. Et ivre comme tu es, même tes prodigieuses aptitudes au combat ne te sauveront de cette situation. »

Une voix retentit depuis les enceintes de sa montre.

« Sir, intrus en approche, il a pénétré votre bureau. Equipe Alpha au contact dans moins d’une minute, mettez vous à l’abris. »

James continuait de fixer Qrow, faisant l’inventaire de son état ; de sa barbe mal taillée, de ses cheveux ébouriffés, de son regard flouté.  Puis il amena son propre poignet à son visage et appuya sur son écran.

« Ici le conseiller Ironwood, tenez vos positions. Il s’agit d’un… invité non déclaré, qui ne représente aucun danger. »

« Mais, Sir- »

« J’ai dit ; pas de danger. Tenez vos positions. Est-ce clair ? »

« Compris. »

« Bien. Terminé. »

Avec lassitude Ironwood ouvrit un tiroir de son bureau et en sorti deux verres à whisky qu’il posa sur la surface élégante avant de servir le liquide ambré de sa flasque dans les récipients.

« Beaucoup de question ce soir, Qrow. Mais seras-tu seulement en mesure de te souvenir des réponses demain matin ? Assieds-toi, je t’en prie. Il n’y a rien de plus triste et pathétique que de s’enivrer tout seul. Par quoi commence-t-on ? »

Il ne l'a plus revu depuis... La dernière fois où il l'a vu en personne tout allait mieux.
Après tout ce qu'il s'est passé Qrow s'attendait à trouver une boite de métal, sans cœur. Ou peut-être l'aurait-il préféré. C'était plus simple de ne pas être confronté au regard de James. C'était plus simple de le vouloir mort avant de faire le constat de ses lourdes cernes et de sa voix fatiguée. Il aurait voulu avoir la force de fuser sur lui, quitte à se salir les mains. Il aurait voulu continuer de lui retirer toute humanité. Ses doigts couverts de bagues se crispent sur le manche d'Harbinger, sa résolution vacille, il passe par réflexe une main sur son torse là où est rangé le trèfle à quatre feuilles et son visage se secoue à la négative. Ironwood est responsable indépendamment du fait qu'il ressemble toujours à l'homme qu'il a connu. Pas besoin de ne plus être un homme pour devenir un monstre.
Pour être franc, même s'il n'avait pas eu le cran de le déclencher, il s'attendait à un combat. Peut-être qu'il laissait le premier coup à Ironwood pour s'en dédouaner.
Son regard vaporeux s'agrandit durant une seconde en ne remarquant aucun signe d'hostilité chez James. C'est comme si le corbeau avait la chique et les fils coupés mais il reprend contenance dès lors qe son interlocuteur amorce un mouvement. Un rire sans joie, désabusé, s'échappe lorsque le général fait mention du système de sécurité que son irruption a déjà déclenché. Tu crois vraiment que j'en ai quelque chose à carrer ? Qui d'après toi sera le plus rapide, eux ou moi ? Je prends les paris. Sa voix rocailleuse se fait provocante et il lève un menton défiant, c'est sa manière de dissimuler son tourment et le fait qu'il n'ait toujours pas attaqué. Il est toutefois honnête sur un point ; il n'a que faire de ce qui l'attend s'il devait être appréhendé. Le vieux corbeau est seul alors s'il peut l'entraîner dans sa chute... Peut-être que ça vaudrait le coup. Peut-être qu'il le doit à Clover. Tire si c’est ton souhait. Ces mots, éreintés, sont semblables à un uppercut. J'ai envie de te faire bien pire, Jimmy. Lâche t-il sans y réfléchir, entre ses dents serrées. Il ne doit pas se laisser atteindre, le général ne se livre pas à lui, il pense juste s'en tirer en montrant les muscles, comme toujours. La voix de James n'est pas esquintée, elle ne peut pas l'être, elle est assurément lassée - cet homme n'autorise rien en travers de son chemin.

Alors pourquoi le général répond t-il au communicateur qu'il n'a pas besoin de renforts ? Pour la seconde fois l'oiseau de mauvaise augure reste coi, il déglutit, sa gorge est bien sèche. Il n'en revient pas. James est en train de lui servir une approche prétendument amicale.
Ses émotions se heurtent violemment, il ne sait départager la stupéfaction, la nostalgie de la rage. Il délaisse finalement son épée pour pointer l'autre homme d'un doigt accusateur. Par où commencer ? Il n'en sait foutrement rien, le scénario lui a échappé.

Après Atlas, comment as-tu pu faire campagne ici ? Même s'il est ombrageux son regard est trop ouvert, trop sincèrement désorienté, son exclamation est trop tapageuse pour ne pas provenir des tripes. Comme si, malgré tout, il voulait qu'on le détrompe. Qu'on lui explique.
Non. Il n'y a rien à expliquer. Rien à justifier. Ses pas s'accélèrent et rompent la distance qui les séparaient, sans transition son poing vient s'abattre contre la joue du général. ça c'est pour Clover. Sa voix tranche, brisée et désespérée. Il se fout éperdument de ce qu'il peut lui arriver, ses émotions débordent. Qrow se retourne brusquement pour ne pas laisser voir son expression faciale plus longtemps, dans le mouvement sa main fracasse les verres de Whisky au sol. Il fait un pas de recul, un pas de côté puis fonce de nouveau sur le conseiller dont il agrippe violemment le col. Sa poigne est ferme mais légèrement tremblante. Je te faisais confiance ! Lâche t-il de manière décontextualisée, une montée d'affects à cause de leur proximité physique, avant de pousser un soupire sifflant et de raffermir sa prise. Je veux savoir ce que ConneXions a à voir avec cette foutue quarantaine et ce que tu fais des infectés.

James s’attendait à sa colère, mais ce n’était pas parce qu’on savait un plat épicé qu’il était plus simple à avaler. Sa rancœur était palpable dans ses mots enivrés mais les actes ne suivirent pas ses aspirations. L’ancien général ne pouvait empêcher son esprit de s’arrêter sur le constat futile et volatile suivant. Qrow n’utilisait jamais mieux ce surnom aux allures intimes que quand il avait vraisemblablement l’envie de l’éviscérer. C’était tout. Pas de suite à cette observation.

Le coup il le prit, sans sourciller. Sa chaise fut projetée en arrière et tourna deux fois sur elle-même mais lui, resta stoïque. Le visage à peine penché de côté, il lança un regard torve à l’homme en face de lui, une mèche de cheveux se balançant sur son front, balayant son implant aux reflets métalliques. Les mots, il les prit aussi mais son aura ne le défendait pas de ce genre d’attaque. Sa semblance si. Il regarda quelques instants le métal d’ébène de son bras et serra sa paume en y renonçant. Clover était mort de l’épée de Qrow, mais le général n’avait eu aucun mal à croire à son innocence. Il avait passé les bandes vidéo et audio de sa cellule et n’avait trouvé aucun réconfort dans les révélations de ces conversations avec Hill. Difficile de dire qui était coupable. Certainement pas le corbeau, malgré son action active dans son évasion. Tyrian Callows ? Assurément, mais difficile d’attendre autre chose d’un prédateur trouvant une opportunité de refermer ses crocs sur son gibier. Clover avait répondu à son devoir et à un ordre direct. Il était mort au combat contre les forces de Salem et ses… alliés de circonstances, même s’ils n’étaient pas volontaires. Ironwood assumait son ordre et ses conséquences.

Le chef de ses forces spéciales avait été de nombreuse fois pleurée par de nombreuses personnes, alliés, ennemis. Les yeux du conseiller glissèrent sur les bouts de verres au sol, émergeant de la flaque qui se rependait maintenant au sol, comme des récifs… ou des débris. Quand les lumières du caveau avaient commencé à vaciller, Ironwood savait qu’il y mourrait dans l’indifférence totale.

La phrase de Qrow le fit soudain émerger des eaux troubles et ses pupilles s’éveillèrent alors qu’il revenait dans son bureau. Confiance. Il le laissa finir alors que tout son corps de chair se tendait. Les questions de son ancien ami et partenaire furent temporairement évincées de la conversation alors qu’il redressait comme un automate et qu’il attrapait le poignet du plus petit d’une prise mécanique impossible à défaire.

« Confiance ? La confiance est un don ! Celui que je t’ai fait quand tu es arrivé dans mon royaume, en te révélant tout ! A toi et à l’équipe que tu avais choisis de soutenir ! Non, tu ne m’as pas fait confiance, Qrow, tu as décidé de me cacher des choses, de me trahir et tu as espéré très fort que je continu de servir vos intérêts quel qu’en soit l’issue et le prix à payer si cela échouait ! Et car tu l’as fait avec ton indolence amicale habituel, tu as cru que tu avais confiance en moi. » Il se pencha vers son visage et harponna ses pupilles rosées. « Rien ne m’obligeait à te traiter comme un invité malgré ton effraction comme rien ne m’oblige à te donner mes informations. Rien ne m’oblige à me confier une nouvelle fois à toi pour ne recevoir rien d’autre que de l’indifférence et des coups-bas ! » Soudain il le lâcha, sa main s’ouvrant comme une pince pour laisser le bras du chasseur s’échapper. Son aura s’agitait, se désespérant de trouver une échappatoire aux sentiments qui l’assaillaient. James se força à reculer de trois pas et tourna le dos à l’homme de mauvais augure pour observer sans la voir la cité du progrès. « Tu n’as pas vu dans quel état était cette ville à ses débuts. Le chaos s’était emparé des rues, aucun endroit n’était sécurisé. Les droits sur les propriétés, sur la circulation et plus simplement sur l’intégrité des personnes étaient inexistants. Nous avons fait le nécessaire pour donner un avenir à cette ville et à ses habitants en bâtissant un monde uni, connecté. Même si tu en doute, ça n’a jamais cessé d’être ma priorité et j’aurais voulu avoir le luxe de mener à bien mon projet à Remnant. »

Il releva le menton pour observer le reflet de Qrow dans la vitre et hésita quelques secondes. Malgré toute sa défiance à l’égard de son ancien partenaire, il ne craignait pas de lui donner les informations qui l’intéressait, sachant que le chasseur n’allait pas en faire quelconques usages. Ce n’était pas sa façon de procéder.

« Sache que j’ai bien conscience qu’il y a une grande probabilité que tu décide de ne pas me croire, malgré le peu de fois où j’ai pu t’apporter de quoi nourrir ta méfiance envers ma parole. Et sache également que cela m’importe peu. Je comprends tout à fait le portrait que tu t’es fais de moi par la nature de tes questions. Il est abject. Je suis pourtant tout autant inquiet des agissements de ConneXions et de leur implication dans l’épidémie qui touche mon quartier. Cependant, je n’ai aucune autorité pour voir ce qu’il se passe sur place, m’y rendre serait la fin de ma carrière et une liberté totale d’agir pour ces individus. Tous ce que nous savons c’est qu’un agent pathogène proche de la rage s’est répandu dans cette zone précise et qu’il est extrêmement contagieux, d’où la quarantaine. Bien qu’ils réfutent la fuite, ConneXion sont les seuls en possession d’une souche qu’ils jugent similaires, d’où leur présence sur site, pour trouver un vaccin. Je n’en sais pas plus. Maintenant, si tu le souhaite, je suis dos à toi. Et dans tous les cas, tu peux fermer la fenêtre en partant. »

Il voulait décrocher ce stoïcisme de ce visage trop parfait, il voulait que son coup fasse ruisseler quelque chose dans ces yeux bleus, il voulait le voir réagir - à la fois pour pour le faire souffrir et pour se prouver que James était encore capable de ressentir - comme si une part de lui l'espérait. Qrow est animé par des volontés contradictoires malgré son élan acharné. Et voilà qu'il ne sait pas comment réagir lorsqu'Ironwood se gèle. James semble avoir une absence et le corbeau ne peut pas faire l'impasse sur ça. Il n'en est pas à sa première abîme et sait reconnaître un homme qui y est également suspendu. Qu'est-ce qui a déclenché ça ? Il n'en sait foutrement rien et il devrait s'en moquer au-delà de tout. Pourtant il se questionne ; a t-il touché dans le mile ? Comment ? Pourquoi ? Malgré lui ses yeux perdent en férocité et il l'observe à tâtons, incertain. Il pousse un soupir long et esquinté. Ce n'est pas de la compassion mais peut-être, oui peut-être qu'il y a une chance qu'il ait compris. Jame- il s'apprêtait à lui dire un mot plus posé que les précédents, presque malgré lui, lorsque la main métallique de son interlocuteur l'agrippe sans compromis.

Compris ? Tu parles ! Qrow se débat mais c'est sans aucun résultat, ses yeux fusillent son ancien partenaire mais à mesure que les mots pleuvent son regard tend à se dévier - il se fait force pour le maintenir dans celui, trop proche, d'Ironwood. Le corbeau n'est pas un fin orateur, surtout pas lorsque son esprit est à ce point-là encrassé, il ne sait initialement pas quoi répliquer lorsqu'il est torpillé par ce qui ressemble à s'y méprendre à des émotions - il n'avait jamais vu le général sur la brèche. Le pire c'est qu'il ne peut pas tout nier ; il a bien fait de la rétention d'information en suivant, sans la questionner, l'initiative de Ruby. Qrow se rend bien compte de son double standard alors qu'il reprochait la même chose à Oz. Une pointe de culpabilité pourrait s'immiscer, surtout en entendant le conseiller s'épancher à ce point, mais elle est refreinée par l'inacceptable. Ironwood s'est peut-être senti trahi mais aucune de ses réactions ne peut être expliquée par ça, le comparatif est détraqué. James lui présente leur désobéissance comme un action à son encontre alors que les gamins voulaient sauver des vies. Il se souvient alors à quel point l'autre homme peut être auto-centré.

Mais ça n'avait rien à voir avec nos intérêts, bon sang ! Tu crois que c'était quoi ? Un putain de caprice ? Qu'on en avait après toi ? Réveille toi, tu allais condamner des milliers de vies mais les gamins ont trouvé un moyen de sauver tout le monde ! Tu étais trop borné pour ne serait-ce qu'y penser, à cette foutue solution ! Il s'époumone tout en ayant conscience de sans doute parler à un mur. Pourquoi essaie t-il encore de le faire réagir ? Et pourquoi Ironwood le relâche t-il ? Sa tête l'élance et le sol tangue sous son propre poids. Il murmure dans sa barbe avant que sa voix ne s'élève de nouveau.
Je te faisais assez confiance pour penser qu'une discussion pourrait résoudre la situation, mais tu as décidé de m'arrêter avant que je puisse te dire un seul mot ! A cause de ça... J'ai perdu ma seule chance de vivre proche de quelqu'un. La colère revient mais elle est bercée de désespoir. Grâce à la Semblance de Clover il avait enfin pu faire partie d'une équipe, mais cela n'était qu'un rêve de gosse parti en fumée. De l'indifférence ? Tu voulais que je te saute au cou peut-être ? Ironise t-il le cœur fendu et la voix sarcastique.
Il observe d'un œil égaré le conseiller qui s'écarte et qui lui fait finalement dos. A cet instant, il pourrait lui porter un coup décisif, James doit le savoir, il ne peut pas le sous-estimer à ce point. Mais il n'en a plus la force.
Tu connais le proverbe : l'enfer est pavé de bonnes intentions. Voilà tout ce qu'il trouve à rétorquer en réponse aux explications du général, amer. Tu aurais pu te tenir éloigné du pouvoir ou le quitter une fois les choses installées. Et l'amnistie des crimes passés, on en parle ? Ses épaules se haussent avec jugement mais elle retombent dans un mouvement décadencé.
Il l'écoute pourtant avec autant d'attention qu'il en a en réserve. Tu as été écrasé par le poids du monde et tu remets le couvert ? Il finit par lâcher ça, sans précaution et sans l'avoir anticipé un instant, de sa voix éraillée. Qrow ne comprend pas bien pourquoi c'est sorti sur le ton du regret. Mais le conseiller semble s'être révélé à lui et inutile de le nier, ça le perturbe. Ironwood est bien des choses mais pas un menteur. Pourquoi est-ce que tu me dis tout ça, hein ? Qu'est-ce que tu espères ? Il s'avance de quelques pas et décide de rengainer Harbinger.
Pour l'instant.

Une solution ? Voilà donc comment Qrow voyait leur inconsciente épopée. Evidemment ; le chasseur, aussi prodigieux était-il en combat et humainement, était un mauvais stratège.

Echec et mat.

Si Ironwood était prêt à concédé qu’il avait échoué, qu’il avait sacrifié ses alliés comme des pions et qu’il avait donné la victoire à son ennemie par aveuglement, il n’était pas question d’entendre que les actions de la team RWBY et de ses soutiens avaient été une solution. Car Salem était repartit avec non pas une, mais deux reliques. Asseyant son pouvoir sur leur monde qui n’était maintenant vraisemblablement plus. Et rien ne pouvait prouver au conseiller que ce n’était pas l’œuvre de l’immortelle.

Cependant, il se tut, car il n’avait pas d’intérêt à renverser cet exploit et à les montrer sous son aspect le plus tragique. Une partie de lui voulait évidemment briser tout cet espoir factice qui résidait encore dans le cœur meurtri de Qrow, mais ce n’était qu’une partie de lui. Voir le regard blessé de son ancien ami ne serait qu’un plaisir éphémère, celui de la victoire orgueilleuse, aussitôt éprouvé et remplacé par un mal plus profond.

James aurait voulu pouvoir s’accrocher à ce regard qui parfois lui renvoyait un reflet de lui-même comme s’il le découvrait. Trouver dans ce doute un terrain pour reconstruire une entente, quelque chose que le colonel croyait avoir eu un jour avec le brun, ou du moins qu’il avait rêvé avec suffisamment de force pour le faire vivre. Cependant, Qrow était instable, ses coups de dents partant aussi vite que ses glapissements. Et Ironwood senti distinctement la morsure qui le trancha par deux fois. Clover était donc si précieux aux yeux du Chasseur, aussi précieux que le colonel lui était insignifiant.

Toujours dos à son opposant, Ironwood reprit la parole, ses mains croisés au creux de ses reins. « J’entends tes réserves. Il est vrai qu’une discussion aurait été appréciable, malheureusement je suis désolé de te dire qu’à ce stade, tu ne m’avais donné aucune raison de croire que nous pourrions honnêtement nous livrer l’un à l’autre. Alors j’ai préféré écarter nos divergences le temps de régler la situation. J’assume mes fautes et mes décisions et pour ce que ça vaut, je suis navré pour ta perte. » C’était froid, tout était froid, de ses mains croisées à sa voix contrôlée en passant par son esprit rattrapé par la réalité.

Même le sourire qui fit remonter ses lèvres dans une moue loin de l’amusement était glaciale. « Et quand nous sommes déjà en enfer, est-il mal venu de faire un peu de terrassement pour rendre les lieux moins effroyables ? » Avoir cette discussion avec Qrow dans cet état d’ébriété l’énervait autant que cela l’attristait. C’était une étrange impression que celle de parler sans que cela ne puisse réellement avoir de l’importance et d’avoir dans le même temps l’impression de voler ce temps de parole à un homme trop enivré pour refuser une discussion qui lui promet enfin des réponses. « Les choses sont loin d’être terminés, comme tu peux le voir par toi-même. Les problèmes s’accumulent et ma place serait vite récupérée par quelqu’un d’encore plus dangereux que moi. Elle le sera d’ailleurs sûrement à la fin de mon mandat si je n’ai pas fait mes preuves. » Il tendit son bras vers la ville pour montrer le théâtre des luttes de pouvoir invisible qui animait la vie politique.

« J’imagine que tu as raison concernant l’amnistie de nos crimes passés. Mais dis-moi Qrow, serais-tu prêt à prendre cette responsabilité ? » Le conseiller Ironwood fini par se tourner et il mit sa main sur le dossier de sa chaise en se penchant vers le corbeau. « J’entends, à décider de la peine à administrer aux personnes arrivant ici. Vas-tu mener l’enquête ? Juge-tu que les condamnations doivent concerner les personnes déjà jugés sur leur monde d’origine ou sur la simple présomption de leurs actions ? Prendras-tu en compte le contexte géopolitique, social et légal de leur monde d’origine ou appliqueras-tu celui de Nowhere ? Et si l’individu a déjà purgé sa peine, par exemple en étant exécuté, vas-tu déclenché un nouveau procès ou décidé que cela suffit ? Personne ne souhaite être responsable des dégâts considérables d’un système si imparfait, sauf ceux qui y ont un intérêt direct. Voilà pourquoi le conseil a voté ce texte de loi, avant ma nomination. »

James pris une profonde inspiration face aux questions existentialistes de l’ivrogne en face de lui. « J’ai vu la fin d’Atlas, je suis incapable de rester impuissant face à ce qui se passe ici. Et si je t’en parles c’est car… » Tu es mon ami « … tu m’as demandé des précisions et que je n’ai rien à cacher. Maintenant j’attends que tu me dises ce que tu espère de ton côté. Qu’es-tu venu faire ici Qrow ? M’exécuter, m’écouter parler ou t’écouter parler peut-être ? Tes motivations ne sont pas clairs, même pour tes standards.. »

Quelque chose dans l'attitude d'Ironwood a drastiquement changé. Qrow n'est pas en capacité d'en déterminer la raison, elle lui importe peu à cet instant car c'est la colère qui l'emporte. Comment le conseiller peut-il être aussi froid ? Ses condoléances sonnent comme une insulte insoutenable. Mes pertes. Corrige t-il, le ton écorché et le regard ombrageux. Depuis la chute d'Atlas il n'a eu aucune nouvelle de ses nièces et même s'il essaie de se raccrocher à l'idée que les gens peuvent revenir à Nowhere, le corbeau ne s'autorise pas vraiment à rêver. Il a failli à tous ses devoirs et porte la responsabilité de leur absence même s'il en tient également rigueur à James car sans son acharnement ils auraient pu trouver un autre moyen. La vie est devenue un fardeau importable depuis que Ruby et Yang n'y sont plus. Ses épaules s'affaissent lamentablement et son regard se voile, il y est de nouveau, dans l'abime. Sa botte vient flanquer un coup dans le bureau trop ordonné du général et il dégaine sa flasque de whisky avant de la conduire abruptement à ses lèvres sèches. Tu assumes, hein ? Si c'était le cas tu me supplierais de te tuer. Il ricane sans aucune joie, sans croire une seconde à ce qu'il dit mais avec une amertume qui vient des tripes. Oh mais non, suis-je bête, tu as encore des choses à apporter à cette ville, hein ? Quasi sûr que tu te sens appelé par le devoir. Il bazarde un salut militaire amer et engloutit une nouvelle goulée d'ambre qui brûle sa gorge abimée. Le saoûlard titube. Il allait s'asseoir, en provocation, sur le bureau de James mais il est harponné par ses mots à mi-chemin. Ses pupilles vermeilles tanguent puis tressautent, il y a quelque chose de parfaitement malsain dans le sourire de son interlocuteur. Comme si on lui avait retiré un cran de sécurité. Qrow ne lui connaissait pas ce ton. Qu'est-ce que tu putain de racontes ?! Il oscille entre rage désorganisée et stupéfaction pure et simple. S'il n'est pas capable de relier les bouts sur le coup, il connait suffisamment bien cet homme pour violemment refuser de l'entendre parler ainsi.

C'est dur d'agencer ses pensées alors qu'il a tout fait pour les enivrer. Mais il comprend, entre les soubresauts et la rage, que le général se pensait en légitimité d'agir quoi qu'il en coûte parce qu'ils pataugeaient, selon lui, déjà dans le pire. Un nouveau rire cinglant, mais fracassé, s'exhale hors de ses lèvres. Et qu'est-ce qu'on a gagné avec ton terrassement, hein ? Regarde où on en est encore aujourd'hui ! Tu es allé trop loin ! On c'est à dire nous deux. Il tonitrue de frustration parce qu'il voudrait vraiment qu'il en soit autrement, il voudrait pouvoir assumer d'être venu vers lui. Il voudrait pouvoir se réjouir de le revoir dans un monde où il n'a plus rien d'autre. Egoïstement. ça aurai pu tout changer... Marmonne t-il sans expliciter le fond de sa pensée, le visage tombant et les poings vigoureusement serrés.
Entendre James proclamer qu'il existe pire que lui, là dans cette ville, le hérisse et en même temps une part de lui ne peut le nier. Les arguments ne le laissent pas de marbre même s'il essaie de ne pas céder face à ces sirènes, lui qui est en désespéré besoin de guidance. Ses yeux rubis suivent le geste qui désigne Nexus et plongent au travers de la vitre pour observer toutes les vies qui doivent sommeiller à cette heure. Le corbeau inspire une longue goulée d'air avant de dévier le regard de côté face au torrent argumentatif qui s'abat sur lui.
Quelque part il est soulagé d'apprendre que l'amnistie a été votée avant la nomination d'Ironwood. Même s'il est puissamment contrarié de ne pas pouvoir, de ne pas savoir, renchérir là-dessus. Il se sent coincé.

J'ai vu la fin d'Atlas. C'est ce qu'il retient, malgré lui, des derniers mots de James. Cela ne fait que confirmer quelque chose qu'il n'osait pas penser. Alors tu n'as pas évacué avec les autres... Ce n'est pas une question. Même si le choix lui avait été donné, le capitaine n'aurait pas quitté le navire en perdition. Son regard écarlate se redresse sur l'autre homme et il le fixe étrangement, indécis quant à quoi ressentir distinctement. Si je comprends bien tu fais "barrage" contre la méchante mégacorporation. Qu'il dit en revenant abruptement à un point antérieur de la discussion, le regard dans le vague et non sans une pointe de cynisme dubitatif. Il pense à celles et ceux qui sont, actuellement, emportés par des convois de ConneXions et à celleux qui sont emprisonnés par le confinement. La tension parcourt ses épaules et grimpe jusqu'à sa mâchoire. Si tu ne peux pas agir directement sur place, moi si. Il ne sait pas bien pourquoi il se montrerait aussi conciliant. En fait, si, l'inaction le rend fou. Et penser à la... mort de James n'a, finalement, rien de séduisant.

Le conseiller n’était pas vraiment du genre à prêter attention au discours d’une personne sous la liesse de l’alcool, sauf quand il s’agissait de Qrow. C’était un état si constant qu’il avait apprit à taire ses doutes et à considérer les paroles du chasseur. C’est pourquoi il tiqua en l’entendant parler de ses pertes. Aucune autre perte n’avait été portée à sa connaissance. N’est-ce pas ? Face à lui, sur la toile transparente de la fenêtre, se dressaient la reine noire et sa vassale, surplombantes et avançant sans tenir compte de sa présence.

Ils ont utilisé le bâton pour sauver des milliers de personne. Neopolitan… avant de tomber… elles ont utilisé la dernière question…

Au loin, dans l’écho de la caverne, il entendait la voix de son ancien partenaire. Tu assumes, hein ? Si c'était le cas tu me supplierais de te tuer.
Les yeux sanglants se tournèrent vers lui et il sentit tout le poids du monde s’écraser sur lui. Son souffle se coupa. Il reprit lentement alors que son reflet lui faisait face sur la surface vitrée. S’efforçant au stoïcisme, l’homme de fer et de chair continua son discours, présentant les limites de son raisonnement à Qrow qui semblait pour le moins troublé. Ironwood balaya férocement les regrets qu’il entendait dans sa voix pour ne pas les voir contaminer ses propres pensées. Le passé était un domaine inatteignable, sûrement plus sacré et plus impénétrable que le domaine des dieux. Il était surtout inaltérable. Le conseiller refusait de s’y aventurer.

Face au visage du brun, il haussa un sourcil qui soulignait une fausse interrogation. « Et tu en es étonné ? » Jamais James Ironwood n’avait imaginé mourir autrement que pour Atlas, il savait que son Royaume aurait le reste de lui. D’abord son bras, puis sa jambe, puis ses cotes, et son cœur, tout ça pour petit à petit y laisser sa tête. « Faire barrage, c’est et a toujours été la stratégie d’Ozpin. J’avais dans l’idée d’être plus offensif que cela. »

Son visage se para de tous ses attributs de surprise alors qu’il entendait le corbeau lui proposer son aide. Voilà une nouvelle déstabilisante. James ignorait si Qrow avait été sensible à son discours ou s’il n’attendait qu’un mot pour se lancer dans la bataille, un feu vert peu importe de qui il venait. Ironwood réfléchissait en regardant les lumières luirent sur son bras d’onyx, jouant sur la surface métallique et projetant autour d’elles des lueurs presque éblouissantes. Pourquoi eut-il fallu qu’il reçoive cette proposition de Qrow Branwen ; le meilleur chasseur de sa génération, le plus sulfureux également et le plus psychologiquement instable ? Le chasseur serait un atout de poids dans sa quête, mais également un allié à manier avec subtilité au risque de se voir de nouveau pourfendu par la lame de la trahison. Si ce n’était que ça. Seulement il était aussi le seul capable de compromettre émotionnellement le conseiller et c’était un danger.
« Tu imagine bien qu’avoir recours à une personne non habilitée pour espionner des intérêts privés et hautement illégale. »
James se redressa, contournant le bureau et marchant dans les débris de verres qui craquaient sous ses talons. Il se rendit à la porte et la ferma consciencieusement. D’un mouvement de pouce il découvrit un clavier sous une cache dans l’encadrure de la porte et en actionna de quelques commandes un protocole de discrétion. Les appareils électroniques se trouvèrent tous dévier de leur utilité, ne transmettant plus ce qui se passait dans son bureau mais des images et des sons crées de artificiellement pour simuler une discussion honnête entre eux.
 « Et ton manque de discrétion dans ce genre d’affaire est justement ce qui m’inquiète grandement. Outre les dégâts politiques, ce sont surtout nos vies que tu mets en danger en t’exprimant si ouvertement. Ozpin n’est plus là, mais si tu veux agir contre ConneXion, il va falloir retrouver rapidement tes réflexes d’espions que tu as perdu dans l’hébétude de ton breuvage. Ne sous-estime pas notre adversaire et ses compétences, ConneXion est sûrement encore mieux informé que ne l’avait été Salem. »

D’un pas rigide mais lasse il alla sortir un carnet aux belles armories d’une élégante étagère ainsi qu’une carte magnétique. « Je vais m’occuper de supprimer l’intégralité de notre conversation captée par nos systèmes de surveillance et à les remplacer par des échanges moins… à charge. Tu as deux choix qui s’offre à toi, Qrow. Sois-tu entre dans la zone de quarantaine comme à ton habitude, soit tu prétends être diligenté par mes services pour apporter un soutien à l’avant-garde dépassée et éviter que des créatures de l’interstice ne profitent du chaos pour s’infiltrer dans la ville. Dans tous les cas, emporte cette autorisation et cette carte avec toi, elles pourraient te sortir d’un mauvais pas si les autorités venaient à te trouver sur place sans avoir passé les contrôles ou te faciliter l’entrée par la porte principale. » Il lui tandis le papier où son écriture à la calligraphie rigide côtoyait un sceau propre à son statu de conseiller ainsi que la carte qui luisait d’un bleu timide. «Et ensuite tu peux revenir me voir. Ou non. A ta guise. Et n’oublie pas que si tu décide d’agir de façon inconsciente, et à attaquer ConneXion sans préparation, tu m’emportera dans ta chute grâce à ces preuves. »

Une main passe sur sa nuque, à la recherche de contenance. Etonné, non... Rétorque sa voix cassée et pâteuse après un bref instant de silence. Il ne l'aurait jamais imaginé battre en retraite et il savait que ses décisions étaient sans retour. Mais il se découvre affecté et préfère se dire que c'est l'alcool qui embrume son discernement. Que ses émotions sont décâblées, décontextualisées. Ironwood avait mérité ça, de mourir dans les ruines de sa cité effondrée, de perdre tout ce qui avait pour lui de la valeur après avoir tant arraché à tout le monde. Qrow lui-même voulait plus que l'arrêter ; il voulait le faire payer. Et pourtant. Il y a une disjonction entre ce qu'il devrait ressentir et ce qu'il ressent, porté par une houle tumultueuse et contraire, il regarde l'autre homme avec égarement. Qrow sait ce qu'il ressentait pour James dans un passé qui se doit d'être révolu, cet homme leur a trop coûté pour qu'il puisse se payer le luxe d'écouter ces relents. Il dévale une énième gorgée d'alcool et secoue piteusement sa flasque lorsque le fond de celle-ci est atteint. Désolé. C'est ce qu'il marmonne, à la dérive, à destination de Clover, de ses nièces, désolé de ne pas être une assez bonne personne pour les honorer. Il n'apporte dans tous les cas que le malheur. Ses yeux qui fuyaient retrouvent, presque par erreur, ceux d'Ironwood et c'est pire encore. Il trouve ce qu'il redoutait de trouver : de l'humanité, la froidure a fondu et les traits de James sont de nouveau tels qu'il ne les connaissait que trop bien. Heureusement, les mots du général continuent d'affluer. Ils lui extirpent un rire cynique, réflexe.  Je me disais bien. Rétorque t-il en levant les yeux vers le plafond avec, trop, d'habitude. Il se doutait que l'approche du conseiller n'allait pas être feutrée longtemps à l'égard de ConneXions.

Il ballote Harbinger sur son épaule, conscient malgré son ébriété de l'étrange moment qui flotte entre eux, il voit bien que des choses sont tues mais il ne pense même pas à des mensonges. Au contraire. Il le voit venir dès l'instant où James lui parle d'illégalité ; sa participation est bien souhaitée. Le vieux corbeau ne comprend pas ce qui motive l'autre homme à lui donner autant de clés qui pourraient se retourner contre lui. Il le regarde de nouveau, cette fois interrogatif.
L'amertume roule en bouche lorsqu'il saisit le sésame magnétique.  Je ne le fais pas pour toi, James, mais pour les habitants de cette ville. Et c'est sans doute sa meilleure garantie. Il articule chaque syllabe, afin de lui faire comprendre que malgré l'égarement qui a été le sien quelques instants plus tôt, il ne compte pas s'en remettre à lui et encore moins servir des intérêts politiciens. Il cale une main sur sa hanche pour se donner un air décomplexé et écoute les informations qui lui sont tendues non sans gronder, pour la forme, lorsque qu'il est fait mention de son état d'ivresse. Je serai sobre. Tranche t-il sans réellement être sûr de détenir suffisamment de volonté. Pourquoi est-ce que tu risques aussi gros, hein ? Tu pourrais refourguer ton laissez-passer à quelqu'un d'autre. De plus chanceux. De moins imbibé. De moins en colère. La carte glisse entre ses doigts suivant une dextérité surprenante par rapport au taux d'alcool qui pulse dans son sang. Il a bien compris, car le conseiller a comparé la mégacorporation à Salem, que la faire tomber doit l'entêter mais de là à se porter garant de ses actions sur place ?  Ou utiliser les enregistrements de ce soir contre moi plutôt que les effacer. Qu'est-ce qui te dit que "t'entraîner dans ma chute" ne me fait pas salement envie ? Sois direct, c'est ton truc, pourquoi tu ne me jettes pas de nouveau en cellule ? Peut-être parce que sa détention n'est pas utile, parce qu'il n'y a personne à faire chanter avec.
Un temps laissé au silence puis il lâche un long et profond soupire. Dis-moi ce que tu sais sur ConneXions pour commencer et je te dirai ce que j'ai déjà vu... sur place.

La carte glissa de ses doigts froids et métalliques pour rejoindre la main menue de Qrow qui devait sûrement être tiède et écornée par les batailles. "Je n'en attends pas moins de ta part, nos objectifs se rejoignent même si tu te défi d'accepter cette réalité." La promesse du Chasseur ne l'ému pas, et, même si il ne la remettait pas en doute, il ne s'aviserait pas de la considérer comme une assurance absolue. La fragilité du corbeau face à la puissance de l'appel enivrant d'une illusion liquide était sans équivoque, il avait prouvé par sa sobriété imposé sur Atlas qu'il pouvait s'en dispenser mais qu'à chaque coup d'estoque, il revenait cueillir le nectar de l'oublie.

"Tu es là, te proposant à prendre ce risque, pourquoi irai-je imposer cela à quelqu'un qui ne s'est pas déclaré volontaire ? De plus tes talents d'espions sont indiscutables et tu n'as jamais failli lors de notre alliance." James fini par s'adosser à son bureau, prenant appui sur le mobilier fixé au sol. Il grimaça en sentant une pointe transpercer sa peau au niveau de sa hanche gauche et il se retourna pour voir une vis dépasser du bois ancestrale. Il glissa son doigt sur la surface aiguisé, pensant qu'il était surprenant que ce défaut n'ai jamais été remarqué avant de se souvenir qui se trouvait dans la pièce avec lui. Qrow Branwen, l'homme le plus malchanceux de tout Remnant, un véritable catalyseur de malheur, qui, telle la foudre, le frappait et se propageait autour de lui sans distinction aucune pour qui se trouvait à ses côtés. Des petits embarras du sort comme cette attaque menuisière ou de terrible coup du sort débouchant sur des tragédies. Le colonel à son époque savait à quelle point cet état de fait peser comme une malédiction sur les épaules frêles du guerrier. Et pourtant, Ironwood n'y avait jamais réellement prêté attention, et encore aujourd'hui, c'était une partie de l'homme porte-poisse qu'il ignorait sans peine. C'était compliquer d'expliquer à quel point sa présence malheureuse avait toujours semblé être une chance pour le conseiller. "Cependant, tes compétences et tes faits d'armes ne font pas de toi un allié irremplaçable. Comme tu l'as dit, je pourrais tout à fait confier une telle mission à un subalterne que je sais loyal. Néanmoins je n'en connais aucun qui a autant à coeur que toi le bien-être des populations. Tu es le seul de cette tour qui a du soucis pour chaque personne qui croise ton chemin, sans distinction aucune à l'égard de son statue, de ses allégeances ou du caractère vain de son sauvetage."

Il l'écouta lui opposer sa méfiance et accepta sa sentence. Il n'en ressentait pas de peine, car lui-même n'avait pas toute confiance en son ancien ami. Lui qui haïssait les affres du hasard se permettait un pari risqué.

"Je pourrais garder les enregistrement. Cependant, ce serait sans intérêt pour moi, ton simple témoignage suffirait à me confondre et mes fausses vidéos ne mettraient pas longtemps à être analysées et réfutées. Néanmoins rien ne t'oblige à me croire. Comme je te l'ai dis, tu es la personne la plus à même de répondre à l'appel du bien commun. Et j'ai déjà tenté de t'enfermer, cela n'a eu que des conséquences funestes. J'ai pris conscience que tout ne pouvait pas toujours être sous mon contrôle, malgré mes efforts. Alors je te laisse la latitude de décider de l'avenir de cette ville. La responsabilité de ton choix sera évidemment tienne. "

Qrow semblait prêt à discuter des termes, décidant de prendre l'ascendant en se mettant en position de force et James... James n'avait juste pas la force de se battre pour récupérer la maîtrise de l'information. Il jeta un regard plein de regret aux verres brisés au sol ; un verre aurait été plus que bienvenue dans l'immédiat.

"Dois-je te refaire tout l'inventaire des nombreux domaines dans lesquels ConneXion s'est imposé comme leader, étouffant la concurrence dans l'oeuf ou as tu fait tes devoirs ? Je vais être bref car nous n'avons pas plusieurs heures devant nous. "

Malgré son apparent empressement, Ironwood prit tout de même le temps de transmettre des fichiers vers son holoprojecteur pour montrer une vue d'ensemble des sites où la société s'était implanté et leurs domaines d'expertises.

"ConneXion est composé de nombreuses filières que je ne vais pas détailler. Beaucoup de citoyens ignorent d'ailleurs que quand il vont dans un centre médical Biocorp, ils sont en fait dans un cabinet du groupe ConneXion. La société s'est imposé dans le domaine bancaire et biomédicale, mais également en tant que fabriquant de produit à destination de l'agriculture intensive, d'ingénierie civil de pointe, de moyens de locomotion, pourvoyeur de transports... et bien d'autres." Différents points s'allumaient au fur et à mesure de son discours, éclairant la carte de Nowhere de mille feux. Le seul endroit où les lueurs étaient éparpillés et minoritaire était le quartier de Juggernauts. "Récemment, ConneXion a acquis l'autorisation de procéder à des testes humains sur des nouveaux vaccins en vue de maladie encore incurables, après des phases testes animalières positives. Je te laisse voir le résultat. Malgré leur démentit farouche, il ne fait aucun doute qu'ils sont impliqués. Ils ont malheureusement l'appuie de nombreuses forces en Nowhere et l'utilise pour procéder eux-mêmes au contrôle de la situation. Malheureusement, ils sont les seuls à disposer des souches concernés et ne semble pas disposé à les partager avec les laboratoires médicales de The Heart qui sont les plus avancées en dehors des leurs. Voilà la situation."