On ne peut inviter le vent - James et Qrow

Il y avait des invitations qui ne se refusaient pas. Du moins c’est ce qu’espérait le conseiller Ironwood en envoyant une proposition de rendez-vous à son ancien compagnon -ou collaborateur plutôt- pour un dîner au sein d’un restaurant élégant non loin de l’académie scientifique de Nexus. Prévu à 20 heures, il faisait suite à la révoltante intrusion de la veille qui avait frappé ConneXion alors que l’entreprise faisait son maximum pour aider les autorités à contenir la dramatique épidémie qui touchait le quartier des affaires. Les coupables n’avaient pas encore été trouvée, et l’entreprise assurait ne pas avoir été victime de vol, grâce à leur système de sécurité performant qui avaient fait fuir les brigands. Heureusement, James Ironwood avait affirmé enquêter lui-même de très près sur cette intrusion intolérable et être prêt à décortiquer chaque action de ConneXion pour condamner leurs agresseurs.

Bref, une fable. Cette invitation était en réalité un prétexte pour s’entretenir de l’affaire sans risquer que les services secrets de l’entreprise ne puissent suspecter Qrow comme auteur de l’intrusion. Car ils surveillaient chaque allée et venues au sein des bâtiments du conseil, ayant leurs espions à tous niveaux.  

Il n’y avait rien d’amicale dans cette entrevue et pour cause, James Ironwood se refusait à toute relation dépassant le cadre professionnel à présent. Plus de moyen d’être trahis sans faire confiance à quiconque. La remontrance que préparait l’ancien général depuis la veille concernant l’inconscience de l’espion concernant ses ordres de retraite étaient d’ailleurs détachés de tous sentiments superflus, même s’ils pourraient être aisément considérés par erreur comme une forme d’inquiétude véhémente.
A 20h15, l’homme de fer lissait pour la trentième fois sa serviette entre ses mains rigides avant d’attraper son verre de whisky pour le terminer. Il tira sur le col de son haut de costume sentant encore l’odeur du pressing avant de passer ses doigts dans ses cheveux gominés.

Il ne compte pas être à l'heure. Il ne vient pas donner la patte quand on le siffle et, plus sérieusement, il ne voit pas ce qu'Ironwood et lui ont encore à se dire au sujet de sa petite effraction. Le colis est arrivé à bon port, maintenant à l'homme d'acier de gérer l'opinion et les retombées - Qrow l'a suffisamment aidé à son goût et voit venir les suites que l'autre homme voudrait donner à leur partenariat. Il ne lui doit aucune explication. Pourquoi pas un compte rendu, quitte à y être.
Pour autant, malgré son aigreur, le corbeau sait que l'affaire n'est pas totalement clôturée et que ConneXions le recherche activement. Il sait que James couvre ses arrières même s'il ne lui a rien demandé et que c'est également avantageux pour lui. Il sait également que le conseiller entend utiliser ces informations, toutes celles qui sont à prendre, pour créer une brèche dans le règne de la mégacorporation.
Pour avoir goûté à sa médecine et ne pas être friand des monopoles, Qrow ne pense que du mal de la tentaculaire ConneXions. Cependant il connait aussi les méthodes de James Ironwood et son jusqu'auboutisme criminel ; il ne peut décemment pas lui mettre trop de cartes entre les mains. C'est un jeu d'équilibriste auquel le vieux corbeau n'est pas certain de vouloir participer.

D'où son retard. Et, accessoirement, il voulait le faire poireauter. Il se l'imagine dans un costume impeccable, seul à sa table comme un gars à qui on aurait posé un lapin. Admettons que ça l'amuse, un peu. Jimmy ne doit pas avoir l'habitude qu'on titille sa patience.
Le corbeau poussiéreux pousse nonchalamment la porte du restaurant, réenfourne les mains dans ses poches et se poste, dos voûté, devant le réceptionniste. Le vieil homme lui lance un regard perplexe auquel Qrow répond par un sourire goguenard. Il hausse une épaule et demande, sans passer par quatre chemins, après son ami Ironwood.
Il y est visiblement allé avec suffisamment d'aplomb pour faire oublier sa gueule échevelée et ses vêtements froissés ; on le devance d'un pas raide pour le conduire jusqu'à la table. Ses yeux rubis roulent légèrement devant tant de mondanités, c'est beaucoup trop pompeux. Le prix d'un repas ici suffirait d'ailleurs, sans doute, à nourrir une famille pendant une semaine. Qrow se sent d'humeur critique et peut-être même frondeuse.
Parce qu'au fond il n'est pas tellement à l'aise d'être invité en tête-à-tête Même si c'est strictement "professionnel". Mais, ça, il ne l'admettrait même pas face à lui-même.

Le chasseur capte du coin de l'œil le piquet qu'est James, il lui adresse de l'autre côté de la salle un sourire farouchement provoquant, le salue en remontant le menton. Quelque chose lui donne le besoin irrépressible d'être contrariant.
Ses pas trainants suivent les enjambées du type, mais Qrow fait une embardée pour arrêter un serveur qui ramenait une flûte de champagne à moitié vide - en l'espace d'un clin d'œil et d'un geste agile, il récupère le verre sur le plateau et le glisse à ses lèvres. Il se retourne aussitôt en direction d'Ironwood qu'il désigne d'un geste de la tête et demande à ce que la consommation soit ajoutée sur sa note. Il compte bien se faire inviter.
Au final, c'est sûrement le fait de le voir exactement comme il se l'imaginait qui l'a contrarié. Qrow déglutit à l'abris des regards et fait aussitôt volte-face en remontant les mèches de cheveux qui cascadaient sur son front. Objet de son larcin en main, il est finalement introduit à la table du général. Votre... Ami, Monsieur. Susurre le quinquagénaire avant de tourner rigidement les talons.
Qrow s'affale sur sa chaise, un bras négligemment replié sur le dossier, il vient directement chercher le contact visuel. Sacré rencard, Jimmy. Il siffle avec pseudo admiration, cynisme. Venons en aux faits, de quoi tu voulais parler ? Il se redresse légèrement sur son assise, plus sérieux.

Qrow se montrait égal à lui-même, il était, et resterait, un animal retors, sauvage et incapable de suivre le chemin désigné mais également assez peu prompte à s’en éloigner trop. Du moins, à l’époque, sous les ordres d’Ozpin, il n’était pas dur de voir que l’oiseau était tout dévoué à l’éminent proviseur, faisant un pas de travers pour la forme mais versant l’insubordination dans sa coupelle avec une parfaite mesure, de façon que cela ne déborde jamais trop et reste parfaitement tolérable. Pas acceptable mais bien tolérable. Evidemment, Ironwood ne pouvait pas se targuer d’avoir la même aura qu’Ozpin aux heures où tous lui faisaient pleinement confiance, il avait bien conscience que Qrow ne le servait pas, ne lui obéissait pas, n’était pas loyal à lui et n’avait absolument aucune raison de l’affectionner dans le cadre de leur alliance professionnelle. Et pourtant, voilà sa dégaine, filiforme et ployée, car tel était le Chasseur, en recherche d’une vérité bienfaitrice, prêt à entendre ce qu’on avait à lui dire si cela avait une chance de bénéficier au monde. Ou plus précisément, à ses habitants. C’était ce que James avait pu confirmer lors de leur dernière entrevue, c’était ce que James avait pu admirer tout le long de leur alliance. C’était naïf, c’était honnête, c’était ce qu’Ironwood avait peut-être ressenti un jour en adhérant à cette ambition folle de sauver le monde, mais d’on il était maintenant incapable. Il ne pouvait qu’applaudir cette disposition avec admiration, la regardant de loin sans jamais y adhérer mais en reconnaissant l’efficacité de son action. Car Nexus était sauf, grâce à cette naïveté, cette confiance aveugle donnée temporairement pour permettre de sauver autrui.

Il avait cette apparence déstructurée qui lui correspondait, loin de faire tâche dans un tel univers, elle ne venait que donner une touche manquante au décors trop fade. Une espèce d’irrévérence qui de son aura renforçait le ridicule des mondanités qui se déroulaient autour d’eux et leurs vacuités. Qrow était charmant, dans sa voix écorchées il y avait une étincelle de douceur, dans ses cheveux éparses il y avait une forme de liberté immature, dans sa stature courbée il y avait tout le poids du monde qui croulaient sur des épaules toujours solides, toujours capables de tenir et dans ses yeux il y’avait une assurance enracinée qui cachait toute une forêt d’incertitude et surement que dedans il y avait un arbre dédié à sa détestation de lui-même. Son chapardage n’était qu’un de ses atouts insupportable et attractif parmi tant d’autres.

L’instant où Qrow évoqua un rendez-vous plus que contraint ne dura pas longtemps, juste une seconde de latence où Ironwood se senti retenir son souffle, dans une étrange apesanteur. Avant d’être ramené sur son siège, signant la fin des festivités qu’il ignorait jusque là convoiter. Avec un soupire profond, le conseiller recommanda un whisky, laissant Qrow choisir lui-même sa consommation d’alcool, mais commandant rapidement deux menus du jour pour éviter tout débordement qui mettrait à mal leur entrevue sensé se dérouler sans accroc.



« -Quel question, je voulais parler de ton dernier voyage lié au travail et de ses résultats. » Commença-t-il alors que les serveurs n’étaient pas encore assez loin à son goût. « -Et tu ne peux pas disparaître dans la nature sans me revoir après ce qu’il s’est passé, ce serait bien plus suspect, on se demanderait qui était la personne à mon bureau et pourquoi elle y était. Alors que l’explication de nos retrouvailles ici à Nowhere est toute trouvée. Cela implique d’avoir quelques contacts… extra-professionnels. Du moins, celui-là » rajouta-t-il avec un regret qu’il aurait voulu contenir. « De plus j’aurais voulu te parler de la brèche dans notre sécurité qui a été faite par l’intrusion de cet homme inconnu ainsi que du danger qu’a représenté cette mission pour toi quand tu t’es obstiné et- ! » Quelques secondes, il regarda les gouttes qui glissaient le long de la paroi de son verre. « Je voulais te remercier avant tout pour… l’issue heureuse et l’héroïsme de ton action. »

Cet endroit ne ressemble pas à James.
Des tables impeccablement nappées sur lesquelles trônent plus de couverts que le corbeau saurait en utiliser, jusqu'au port de tête des attablés, tout transpire la richesse ostentatoire. Ironwood est beaucoup de choses mais il n'a jamais consacré du temps à entretenir son image ou à la polir pour qu'elle brille en société, le général qu'il était a, au contraire, toujours défendu sans les mâcher ses positions à contre-courant.
Ca lui coûte de l'admettre mais James a toujours été caractérisé par une forme d'honnêteté aussi profonde que brute. Qrow se doute que les regards choqués qu'il s'est attirés à son arrivée ne peineront pas outre mesure celui qui l'a invité, peu friand qu'il l'est des ronds de jambe malgré sa discipline. Ils doivent tous les deux détester cette comédie bien fagotée.
Pourquoi l'a-t-il invité, déjà, et ensuite pourquoi dans un endroit pareil ? Comme à son habitude James ne passe pas par quatre chemins et le lui explique très nettement, comme s'ils se faisaient encore confiance. La confiance c'est un vaste sujet, si l'espion l'a concédée et que le conseiller en a fait de même, c'était très circonstanciel. Il y avait une menace plus grande et surtout plus urgente que l'étaient leurs griefs. Il n'y avait pas vraiment le choix, pour résumer. Qrow ne peut pas lui donner tort, disparaître du tableau directement après avoir fait irruption dans le cercle restreint du conseiller de Nexus pointerait les interrogations vers lui. Pour autant, il n'est pas certain d'apprécier la solution trouvée par l'autre homme - en partie parce qu'elle le désarçonne plus que ce qu'il voudrait bien l'admettre. Alors quoi ? On se prétend amis ou même amants ? Bazarde sa voix écornée et rauque, sûrement trop sur la défensive pour ne pas trahir un début de malaise pour qui le connaîtrait bien. Son ton manque du cynisme qu'il aurait voulu déployer. Il s'enfonce davantage sur sa chaise et saisit à la volée le menu qu'il décide d'utiliser pour passer le moment dérangeant qu'il a lui-même initié. Cet inconfort est sûrement réciproque, Qrow le devine, ce n'est peut-être pas plus mal. Mettre de la distance en étant à ce point désagréable. Le regard rubis se perd sur les lignes qui noircissent la carte, s'il a à peine trempé ses lèvres dans le champagne dérobé, il aurait bien besoin d'un remontant plus costaud.
Le chasseur a bien notifié l'instant de latence qui a scindé les propos de l'autre homme en deux, comment celui-ci a converti ses reproches en... remerciements. En vérité, il n'attendait rien mais ne peut pas se prétendre surpris, pas longtemps du moins ; Ironwood a eu l'air inquiet au-delà du strictement professionnel lors de la mission, sa voix a infléchit au creux de son oreillette et le corbeau se souvient, sûrement trop bien, de l'embrassade qu'ils ont eu à Atlas. James doit tenir à lui. Il ne lui enlèvera pas la capacité de ressentir. Tu devrais savoir que je ne suis une bénédiction pour personne. Si la verrerie résiste à cette soirée ça sera déjà un miracle. Alors ne parlons pas de ton avenir en tant que conseiller. Marmonne t-il à demi pour lui-même, le regard légèrement absent et un sourire tout aussi vaporeux aux lèvres. Il secoue le visage à la négative pour se dissuader d'emprunter ce sujet, pas maintenant, pas avec lui. Si ça lui a échappé c'est sans doute qu'il a voulu, un instant, se montrer plus conciliant pour ne pas piétiner purement et simplement l'affection qui est ballotée devant ses yeux. Une affection dont il ne comprend d'ailleurs ni l'existence ni la survie. Sûrement ne devrait-il lui-même pas avoir une once d'empathie. Me remercie pas. Il répond en passant une main brève sur sa nuque.
Ici, à Nowhere, tout est brouillé. Leur association a servi l'intérêt de Nexus, comme leur partenariat l'a fait pendant des années pour Remnant sous la houlette d'Ozpin, mais cela n'efface pas Mantle et Atlas. Et à côté de ça, ils ont tous les deux tout perdu. Le vieux corbeau poussiéreux relève un regard esquinté vers celui de son interlocuteur. Il se courbe davantage par-dessus la table. J'imagine que tu connais les dernières hypothèses concernant l'apparition de ce monde, de Nowhere ? Tout l'inverse d'un conte de fées, hein. Il détourne le sujet en suivant éhontément le fil de ses propres pensées. Un sourire sans joie flotte sur ses lèvres. S'il se damnerait pour un verre de whisky, si l'envie d'ivresse lui retourne les tripes et brûle sa gorge, il répond à la négative lorsqu'un apéritif lui est proposé. Il a promis, précédemment, d'être sobre pour traiter ces questions et ses nièces n'apprécieraient pas de le retrouver dans l'état de délabrement dans lequel il se complaît depuis des mois. Peut-être qu'il avait besoin de faire une promesse à quelqu'un. Pour en revenir à ce que tu disais, je n'en sais pas plus sur ce gars mais j'imagine que tu as fais tes recherches. Il soupire en regardant le serveur partir, regrettant à moitié de ne pas avoir cédé à la tentation. Est-ce qu'il a pu remonter jusqu'à toi en hackant le dispositif ? Demande t-il en replongeant dans les yeux de l'autre homme.

La proposition réveilla dans son regard cerné une pointe d’indignation, un élan révolté qui, s’il ne l’avait pas freiné, aurait été capable de ressusciter chez lui une ancienne fougue enterrée sous le poids des responsabilités.

Il était soudain le général qui s’opposait viscéralement à la nonchalance d’un Qrow ne s’embarrassant pas de la sobriété lors de leurs échanges, et n’ayant pas non plus oublié sa personnalité provocatrice et indisciplinée sur le pas de la porte du proviseur de Beacon. Car voilà bien un sujet où il était hors de question de singer, et, même si Ironwood savait qu’il avait déjà largement outrepassé la décence par son invitation, il ne pouvait s’empêcher d’être piqué au vif par la remarque acide de l’espion.

Car il le prit personnellement.

Comme une attaque alors même qu’il n’avait pas pensé à dresser les barricades. C’était son erreur, il était à blâmer, mais sa colère, au risque de déborder, se glissa vers la digue parfaite qu’était l’investigateur de cette frustration.

« On prétend se connaître, ce qui est déjà suffisant. » Sa voix ne s’éleva pas, mais claqua. Clair nette et précise, elle n’avait pas le ton lourd mais leste. « Ce qui est la plus pure vérité finalement. Pas besoin de s’imposer plus de mascarade et de jeux de dupes que nécessaires, bien assez ont été joués, et je pense que ce n’est pas ton activité préférée même si tu n’y est pas étranger. »

La blague aux aspects usés de Qrow ne glissa pourtant pas sur lui. Usée, car elle était utilisée de nombreuses fois, comme un trait d’humour aux airs de mises en gardes, mais il s’agissait plutôt d’une mise en garde aux airs de traits d’humour. Ce n’était pas dur de savoir ce que le corbeau pensait de lui-même et encore plus ce qu’il pensait de sa semblance ; une malédiction pour ceux qui le côtoie, comme toute sa personne. Va savoir si c’était la semblance de Qrow qui avait ainsi attaqué son estime de lui-même ou si elle n’avait fait que creuser la faille qui se trouvait déjà là. Dans tous les cas, il était toujours en boucle. James hésita à répondre, toujours échaudé, la stature bien guindée. Il était en alerte, prêt à riposté. Cependant il y avait ce sourire. Il était discret, mais remarquable sur son visage pâle, c’était comme un fantôme ; celui d’un véritable sourire qui aurait pu naître si Qrow avait l’impression de ne pas être un pur fardeau pour son interlocuteur, pour sa famille, pour le monde. Cela devait être son troisième soupire de la soirée, toujours profond, toujours celui de la résignation. Car il se résignait à poser l’épée et le boucler pour la pire raison ; celle des sentiments.

« Si je dois trouver une excuse aussi déresponsabilisant qu’un peu de malchance pour justifier ma chute… ça explique beaucoup de chose sur les politiciens. Nexus a une dette envers toi, les raisons de notre arrivée ici n’enlève pas les bienfaits de ton action. »

Son ressentiment était grand, mais il y avait une part de lui qui était viscéralement décidé à se montrer humain. Dans un sens, Ironwood en était heureux, et d’un autre, il craignait les conséquences de ce renouveau qu’il entretenu sporadiquement jusqu’à l’arrivée de Salem. Avec les résultats qui avaient suivis. Qrow avait perdu sa famille, James ne pouvait pas comprendre ce sentiment, il ne pourrait jamais, mais il pouvait l’imaginer.

« Pour le moment nous étudions toujours les hypothèses… Mais en effet, c’est une des plus plébiscités au vu de sa vraisemblance… Cependant nous ignorons s’il y a eu des… morts. Disons le ainsi, même si ce n’est pas vraiment le bon terme. Au vu des arrivés constantes, certains scientifiques évoquent la possibilité qu’en finalité toutes les personnes concernant soit, comme nous amené dans ce lieu ou dans un autre similaire. On évoque la probabilité de plusieurs point de… contractions et donc peut-être plusieurs Nowhere. Nous travaillons actuellement sur un moyen d’entrée en contact avec des gens recherchés et vraisemblablement non arrivées ici. » James réceptionna son plat avec un remerciement sec. Il n’évoqua pas devant Qrow la question de la surpopulation qui était, sauf miracle, une des catastrophes les plus imminentes au rythme d’arrivé des résidents.

« Il n’a pas essayé ou ne nous l’a pas dit. Il s’agit de Stanford Pines, un indépendant. On lui a fourni une subvention l’année dernière concernant des expérimentations sur des nouvelles formes arcanic avec son partenaire, Bill Cipher. Les résultats se font attendre, mais ça à l’air d’être plus un excentrique qui garde ses recherches pour lui qu’un travailleur pour un intérêt privé. »

Il attrapa son whisky et remarqua que Qrow n’avait rien prit. James hésita et d’un mouvement de main il appela un serveur pour le faire venir et déposer son verre sur son plateau pour le ramener en cuisine.

« Et toi, quel vont être tes nouveaux objectifs ? Il y a toujours du travail en ville, ce n’est pas ce qui manque. »

S'attendait-il à ce que James le prenne mal ? Bien sûr, Qrow n'est pas connu pour être facile à vivre, mais il ne le prévoyait pas si profondément insurgé. Les yeux du conseiller sont accablants ; ils disent tout leur rejet. Le corbeau n'a pas l'habitude de courber l'échine devant une confrontation, d'ordinaire il nourrit le feu, mais cette fois quelque chose se bloque en travers de la gorge et il s'affaisse davantage sur sa chaise. Il n'y a que deux façons de comprendre la situation ; soit James est brutalement repoussé parce qu'il ne veut pas être associé à lui et cela même par un sarcasme, soit le corbeau est allé un cran trop loin en frondant en eaux troubles. L'espion n'est pas totalement imperméable aux autres, peut-être voit-il plus d'affect qu'il n'y en a cela dit, dans tous les cas il regrette amèrement d'avoir conservé son état de sobriété. Parce que les deux hypothèses font un mal de chien - et il est le seul à blâmer sur ce coup-là, il a cherché sans savoir se retenir. Il décide de s'arrêter sur la première option et de considérer qu'Ironwood a réagi si viscéralement face à sa proposition fantoche parce qu'il se sent amicalement trahi - qui a trahi qui, hein ? - voilà, c'est plus simple ainsi, redistribuons les torts. Qrow décide d'oublier l'inquiétude de James à son égard ainsi que sa vraisemblable sincérité.
Mais ça ne prend pas, il connait trop bien l'homme face à lui et ce qui motive ses réactions. Il pousse un soupir à fendre l'âme. Désolé. C'est sobre, peu explicite, éraillé, mais réel.
En le lui glissant il le regarde dans les yeux, pour lui faire comprendre qu'il se sait être allé trop loin. De quoi s'excuse t-il ? C'est indistinct. Incertain. Tiraillé. Il ne lui pardonnera pas le chemin emprunté, il veut toujours le voir payer mais pas comme ça, pas en utilisant ce registre. Qu'il ne fait d'ailleurs que balbutier et qui le heurte déjà.
Veut-il plus le voir payer que le voir comprendre, d'ailleurs ? Un nouveau soupire. Qui est-il pour décider qui a le droit ou non à une seconde chance ? L'amnistie, ils en ont déjà parlé et il n'a pas pu la contrecarrer avec des arguments.
Un moment de silence s'installe.
La réponse de James à sa mise en garde le surprend à moitié, l'homme de métal n'a jamais paru s'inquiéter des conséquences désastreuses de sa semblance, ou pas assez pour s'éloigner. Ce qui est plus étonnant c'est de l'entendre rétorquer quelque chose d'aussi... prévenant alors qu'ils s'écorchaient, à son initiative, la seconde d'avant. Ses yeux ne retiennent pas une pointe d'incrédulité. Il est pourtant un fléau pour ceux qui l'approchent et sa malchance n'est pas seule responsable. Qrow se qualifie lui-même de fardeau imbibé, même pas capable d'honorer ses nièces en leur absence.
Désabusé après avoir été débouté et étonné, il rétorque d'une voix sombre et intransigeante. Crois-moi quand je te dis que tu ne veux pas être associé à mon nom. Avec ce repas la dette est effacée. On se verra, occasionnellement. Parce qu'il a bien compris les enjeux. Il balaie le vide d'un revers de main sarcastique. Il ne veut pas être considéré, pas que quiconque lui en doive une. Le ton cérémoniel de James n'y changera rien, il ne se laissera jamais adouber. Il ne recherche pas une reconnaissance indue. L'oiseau de mauvaise augure ajoute C'est pas encore fini, hein? Il va falloir travailler l'opinion publique au corps. Tu vas avoir du travail. ConneXions n'est pas encore tombée. Ses doigts sertis de bagues tapotent la surface de la table. Quelle est la prochaine étape, conseiller ? Ironwood va certainement vouloir "nationaliser" les services essentiels et si le corbeau trouve que l'idée se tient, il n'en demeure pas moins qu'elle l'investirait de plus de pouvoirs.
Qrow réceptionne son plat et remercie le serveur d'un hochement de tête évasif. Il prend le temps de digérer les informations car celles-ci sont copieuses. Et ces travaux avancent ? C'est égoïste, parce qu'il pense désespérément à ses proches, mais c'est la première question qui lui vient. Il charge sa fourchette le temps de se tempérer. Quels sont les risques ? Parce qu'il doit y en avoir, sinon ce serait trop beau. Tu dis "nous", es-tu es impliqué dans ces recherches ? Qrow se doute bien que c'est le cas et ne sait pas quoi en penser. Peut-être que son regard s'est froncé.
Lorsqu'il en apprend davantage sur Pines il ne se garde pas de dire le fond de sa pensée, malgré une note de soulagement. "ça a l'air" ? Les suppositions, ça te ressemble pas.
Il le voit rendre son verre de whisky et il comprend bien le pourquoi derrière ce geste. Qrow déglutit malgré lui, parce que ne pas avoir cette tentation sous les yeux est en effet une aubaine. Parce que l'attention est... Soutenante. Oh tu sais, je vais au gré du vent... Un haussement d'épaules nonchalant. Il n'a aucune idée d'où traîner sa carcasse et il est encore déstabilisé par l'attitude du conseiller.

Il y’eu un moment de latence, durant lequel Ironwood ne s’exprima pas, ne se manifesta pas et ne s’embarrassa pas de donner de l’importance à son repas. La discussion avec Qrow avait une dimension irréelle. Elle se superposait à la sensation de l’étreinte volé au détour d’un couloir, quand sa main pouvait toujours expérimenter la sensation de la chaleur qui émanait de son dos. Mais également à l’angoissante sensation de perdre prise, de se voir déposséder et de ne pouvoir que creuser le gouffre entre lui et celui qu’il ne pouvait plus comprendre, qu’il ne pouvait plus croire. Et entre ces deux moments diamétralement opposés, ils étaient là. Assis à la table d’un restaurant mondain entouré d’étoffe et de manières, à alterner entre discussions dangereuses et marques de considération, entourés d’une élite et de leurs domestiques endimanchés. James ignorait dans quelle galère il avait embarqué, lui qui s’était promis de garder les pieds sur terre était appelé, plus que tout, vers un horizon inconnu aux reflets rubis. Peu importe ce qu’il devrait bravé. Et ça ne le rassurait pas. Après un moment de réflexion, il finit par reprendre la parole. Comme après avoir pris le temps d’admirer l’eau sur le pont. Il retournait sans une remarque à se propos prendre la barre.

Il laissa malheureusement le sujet de Qrow et se semblance s’envoler car, après tout, ils ne partageaient plus de lien qui justifiait de s’y obstiner. Aucun.
« Il n’est pas nécessaire de faire plus qu’un repas. Un seul suffira, nous n’avons pas à prétendre être plus que des connaissances. Je te rassure, je ne t’impose aucunement plus de contact. »

Clarifia-t-il avant de reprendre. « Rien n’est jamais terminé, le repos est une utopie. Tu es bien placé pour le savoir. Quand nous aurons assez de preuves tangibles, nous pourrons faire basculer l’opinion en les divulguant largement. En attendant, je renforce la pression sur le groupe. Ils vont peut-être commettre des erreurs dans la précipitation. »

James passa ses doigts d’onyx sur le manche de sa fourchette, la surface métallique lui renvoyant son image effilée, surplombante et concentrée.

« Les travaux avancent … lentement. Justement à cause des précautions liées aux risques. Le protocole validé en conseil nous sommet à une réserve de trois mois pour chaque expérimentation, avec en dernière étape un vote des conseillers. Les risques sont réfléchis et minimisés autant que possibles.
Je porte le projet en le représentant auprès du conseil, et il est mis en œuvre par l’académie de Piltover. Je ne suis qu’un rouage, rassure toi. Une commission indépendante est également en place pour émettre des prérogatives régulièrement. C’est d’ailleurs elle qui a réclamé la plus grande discussion à l’égard de ces travaux. » Il posa ses deux mains sur la table et regarda l’espion. « Et toi, qu’en penses-tu ? Doit-on garder le silence pour éviter un emballement médiatique ? Ou informer la population de cette possibilité et les laisser s’emparer de ce sujet ? »

Il passa une main dans ses cheveux. « Pines est un excentrique. Difficile à cerner. Cependant son partenaire semble être bien au-delà de la légalité. Si ça peut te soulager, je ne suis pas plus prompte aux incertitudes qu’avant. La surveillance va se maintenir, ce n’est pas une option. »

Il le tient toujours pour responsable de ses pertes alors il devrait être à peu près satisfait de ne pas avoir à l'encadrer davantage. Mais c'est une pointe de regret qui s'immisce malgré tout dans son torse, même si son regard s'efforce de ne rien laisser paraître. Peut-être est-ce à cause de toutes ces fois où ils se sont ratés, désaccordés, malgré des intérêts qui auraient dû être communs.
Peut-être que s'il avait tenu sa langue, qu'il n'avait pas laissé l'amertume s'exprimer en premier, les choses auraient été différentes entre eux. Ils ont été plus que des connaissances à une époque et, aujourd'hui, ils sont seuls.

Enfin Qrow se sent seul, James siège sans doute sans s'en rendre compte.
Il ne devrait pas expérimenter un sentiment de solitude lorsque le conseiller lui renvoie la balle et décrète dans la foulée qu'ils ne se reverront pas. Pouvoir prétendre que le raid sur ConneXions les forçait à se côtoyer était sans doute une belle excuse pour le corbeau qui ne peut pas s'autoriser à le vouloir, il est semi conscient de son ambivalence à l'égard d'Ironwood. Audacieux de ta part de penser pouvoir m'imposer quoi que ce soit. C'est une réponse qui aurait dû être automatique, frondeuse, mais elle est lâchée par une voix éraillée - elle sort quand même, âpre.

Impossible de ne pas observer la distance qui se creuse lorsque James ne renchérit pas sur sa semblance. Les gens qui la connaissent sans la redouter - à raison - se comptent sur les doigts d'une main et il sait que le conseiller en fait partie, pas la peine alors de tenter le diable. S'il se doute qu'ils auraient pu être plus proches, finalement il devrait se féliciter d'avoir coupé net, il n'a sûrement pas le droit de refreiner sa colère et c'est sans doute moins risqué ainsi. L'oiseau de mauvaise augure ne peut pas côtoyer fréquemment quelqu'un qui le déstabilise, ça pourrait aggraver les risques de malchance. Disons ça.

ConneXions a déjà dû lancer une chasse aux sorcières pour trouver le coupable du vol, je me trompe ? C'est beaucoup d'efforts déployés pour autre chose que la découverte d'un traitement. Et s'ils trouvent quelqu'un à qui faire porter le chapeau, pas sûr que ce sera au goût de la population. Ils sont déjà en train de se saborder. Qrow ne se fait pas particulièrement confiance concernant ses capacités déductives, il laissait la prise de décision à Ozpin, mais c'est une façon d'interroger indirectement ce que l'homme de métal a en tête.

La suite lui fait reposer sa fourchette, il appuie lourdement un coude sur la table et hausse un sourcil. Il devrait être purement opposant, il l'est en partie, mais une question lui brûle les lèvres. Tu es certain de vouloir encore décider de tout ça ? Vouloir, ou peut-être devoir selon lui. Qrow secoue le visage à la négative, il a laissé filtrer un peu d'indulgence dans le ton de sa question. Une part de lui se demande ce que James serait encore prêt à sacrifier. De ce monde mais aussi de lui-même. La question de James le prend au dépourvu et il hésite un instant, ne comprenant pas vraiment ce que l'autre homme pourrait tirer de sa réponse. Il se doute que le général voudrait répandre l'information au grand jour, peut-être pour de bonnes raisons et pour d'autres moins humanistes. Ozpin serait certainement contre cette divulgation. Hmmm. Si la population était au courant elle ferait pression pour que le projet se réalise et ça ferait plutôt ton affaire, hein ? Il soupire, pas dupe. Je pense que les gens ont le droit de savoir mais que tant que ça reste une hypothèse... Autant ne pas nourrir les faux espoirs. Si ça s'avérait au final impossible l'espoir prendrait un coup dans l'aile et ça serait pas bon.
Il relève le regard dans celui de l'autre homme. James. Marmonne t-il après un temps laissé à l'hésitation. Jusqu'où tu es prêt à aller, cette fois ? Qu'est-ce qui a changé ?

Ironwood pensait avoir expérimenté toutes les formes de discussions retorses et alambiquées possibles. Car, il n'était pas étranger aux dédales sinueux et aux périphrases infini des élites. James ne s'était jamais considéré comme désarmé face à l'opacité d'un discours, car en général, il arrivait à lire entre les lignes de ces discussions, à comprendre où étaient les intérêts de chacun et qu'est-ce que ce voile de babillage de prime à bord superficiel pouvait cacher. Sauf qu'il n'était pas face à des élites mondaines qui alignaient une demi-dizaine de phrases pour appuyer une idée. Il était face à Qrow qui en une dizaine de mot mots lui donnait l'impression qu'il avait en sa possession une boite avec les réponses du monde et qu'elle était hermétiquement fermée. Ca le rendait dingue.

Sa réflexion pouvait signifier de nombreuses choses. D'emblée, que le général n'aurait pu le contrainte a aucune entrevue de part sa simple volonté et qu'il était ridicule de penser le contraire car rien ne le retiendrait artificiellement. Plus simplement qu'Ironwood devait comprendre qu'il n'était pas en position de demander quoique ce soit et que l'espion lui accordait sa présence de sa propre initiative, car il était en position de force. Et pour rêver, que Qrow ne jugeait pas ces invitations comme des contraintes. Il y avait aussi de nombreuses façon de l'interpréter, c'est ce qui mettait l'homme sur le qui-vive. Il laissa tomber également ce sujet, car il en allait de sa raison.

James avait besoin de se concentrer. Sur Nowhere, sur Nexus, sur ConneXion. ConneXion et leur nouvel objectif ; faire tomber ceux qui les avaient bravés.

"Tu as parfaitement compris la situation. C'est pourquoi je doute que ConneXion ne se lance ouvertement dans cette chasse et ne la règle de façon... conventionnel. Ils n'ont aucun intérêt à créer un martyr. Si ils peuvent attraper l'auteur des faits, ils useront sûrement de méthode tel que la torture pour remonter la chaîne de commandement. Et si ils ne peuvent pas faire tomber le commanditaire, ils saliront surement son image. Je soupçonne qu'ils utilisent déjà des organisations criminelles déjà implanté à Nexus ou y opérant pour leur traque. C'est pourquoi tu dois te montrer extrêmement prudent. Néanmoins si tu décide malgré tout de continuer en solitaire, évite alors toute référence à l'affaire, enterre la comme si elle n'avait jamais existée."

La méfiance était encore grande chez Qrow, il suffisait d'entendre la nature de ses questions. L'espion n'aimait pas les méthodes de James, et plus largement sa manière d'agir. Sa personnalité. Comment nier qu'en effet des personnes avaient soufferts de ces ordres ? Qu'ils étaient injustes, cruels, tyranniques. Mais nécessaires.

" Je ne suis certain de rien, je t'ai déjà expliqué ma position !" Haussa t-il le ton. L'homme d'acier était désespéré de voir son ancien partenaire comprendre ses actes.  "A qui donner cette place ?! Je te laisse me dire qui la prendra !" Il tapa du poing sur la table et elle ploya sous le coup. "Je fais ça pour Nowhere et ses habitants ! Je pense à leur survie mais aussi à leur famille, je pense à leur royaume perdu, je pense à leur offrir de nouvelles possibilités et je pense à sauver ce monde de la surpopulation, l'entends tu ?! Je suis prêt à aller aussi loin qu'il le faudra !!" Fini-t-il, à moitié redressé sur sa chaise.

La table tangue dangereusement, tout comme le fait la teneur de la discussion. Qrow se rembrunit automatiquement en dardant un regard sur Ironwood. Il ramène ses mains vers lui et ses épaules s'affaissent.
Il se maudit de ne pas avoir davantage de verve, d'arguments pour faire mouche, il est conscient que ce moment peut être crucial, que l'autre homme en dégainant cette colère lui entrebâille du... Désespoir. Il ne l'a vu que rarement perdre le contrôle.
James semble se désespérer d'être compris et c'est ironique, âpre en bouche, parce que le corbeau voudrait aussi qu'il comprenne. Quelles limites ont été dépassées lorsqu'il n'a plus écouté qui que ce soit. Un reniflement lui échappe.
Et, là, le conseiller prétend vouloir écouter une marche à suivre comme si l'avis de l'espion pouvait le faire dévier de sa focalisation. Ozpin n'y est pas parvenu alors comment le pourrait-il, lui ? Il avait pensé, lorsque l'ordre de l'arrêter avait cinglé à Atlas, qu'une discussion avec le général suffirait à rétablir les choses, mais tout est allé trop loin et d'après ce que dit Ironwood, tout pourrait de nouveau aller aussi loin. Il ne semble pas avoir changé.

Il pourrait aller à l'offensive, lui dire à quel point un autre que lui serait moins dangereux à ce poste décisionnel mais Qrow devine quelles seraient les retombées. Ironwood ne dévierait pas d'un degré et serait, sans doute, complètement hors d'atteinte. Avec ce dîner, la sollicitude qui a été la sienne concernant sa semblance, le corbeau en est déjà arrivé à la conclusion que le conseiller voulait son adhésion et peut-être même plus que cela.
Peut-être qu'il y a bien une façon d'enrayer la machine, peut-être que la solitude d'Ironwood est plus prégnante qu'il ne le pensait et qu'elle le pousse dans ses pires retranchements. Qrow n'est pas de ceux qui manipulent les sentiments, c'est beaucoup plus franc et esquinté que ça.
Le regard froncé, le corbeau se redresse à son tour et plaque ses deux mains sur la surface de la table, dos voûté pour réduire l'espace entre lui et le conseiller, pour bien signifier qu'il n'est pas intimidé. Sa voix est rauque et lente, chaque syllabe est articulée. Je sais pourquoi tu fais tout ça, je te l'ai déjà dit. Un soupire profond avant de plonger dans l'inconnu et vers le risque. Qrow ne sait pas déterminer à quel point cette idée est mauvaise ; alors que les regards se portent sur eux à cause du raffut, sa main glisse vers celle de l'autre homme et se pose sur elle, une tentative de soutien qui se moque bien du qu'en-dira-t-on. Il n'a jamais été doué avec les contacts physiques, généralement il ne les initie ou ne les réciproque que superficiellement, pourtant il laisse sa main sur la sienne. Il essaie d'une voix rocailleuse tandis que ses yeux rubis plongent dans ceux, cerclés de cernes, du conseiller. Ne fais pas ça seul, pour commencer. Regarde-toi ! On dirait que ça fait des semaines que t'as pas dormi. Comment tu veux prendre les bonnes décisions dans ces conditions ? Il aurait voulu le lui dire avant, lorsqu'ils étaient encore à Atlas. Aujourd'hui ça sonne étrangement. Bon sang. Est-ce qu'il y a des personnes en qui tu as confiance ? La froideur du métal qu'il touche lui démontre à quel point Ironwood est prêt à tous les sacrifices et ça lui apparaît intolérable. Pour Nowhere mais aussi, malgré tout, pour l'homme qui lui fait face. Je ne donne pas cher de ma peau si je continue en solitaire... Il lâche ça après un instant de silence. C'est une façon de se proposer en demi teinte. Il n'a que faire de son capital survie et gage que l'autre homme le sait bien.
Qrow le relâche finalement et se laisse choir sur sa chaise avant de se baisser de côté, donne un coup pour restabiliser le pied de la table. Et reprendre contenance.