On ne peut inviter le vent - James et Qrow

Leurs deux regards s’opposaient, aux mêmes niveaux, ses iris obscures et froides faisant face à celles rougeoyantes et vibrantes de Qrow. Son reflet lui était renvoyé en imprimé carmin, mais ça ne l’avait jamais dérangé. De nombreuses fois il avait vu cette image. Ce qui aujourd’hui retournait ses tripes c’est qu’il y décelait la présence du monstre sans jamais l’avoir vu auparavant. Ses mains de métal ne pouvaient trembler, un soulagement. Il attendait la sentence, implacable et sans rappel. Car aucun de ses amis n’avaient essayés de discuter avec lui. Ou l’avaient-ils fait ? Qui étaient réellement ses amis ? Peu importe. Il saurait y faire face, continuer à avancer en sentant l’ombre de sa propre personne prendre le pas sur toute la lumière qui avait pu un jour se refléter sur son âme.

Avaient-ils toujours bataillé pour se comprendre ? Sûrement que lui. Malgré son affection sincère, Ironwood se souvenait de beaucoup de moment de tensions avec l’espion, déjà sous la coupe d’Ozpin. C’était peut-être une fausse impression, mais c’est elle qui guidait ses actes. C’est sûrement pour ça que James manqua de bondir au plafond quand les doigts fins et sertie de métal vinrent se poser sur sa main perdue. Ce n’était pas vraiment une sensation qu’il eu quand Qrow posa sa paume sur lui, c’était plutôt comme un signal. Il captait plus qu’il ne ressentait l’information. Mais elle ne manqua pas d’augmenter la vitesse de ses battements de cœur et de couper son souffle plusieurs secondes.

L’inquiétude de Qrow était si surprenante, c’était comme prendre une douche brûlante après un séjour dans le blizzard. La mâchoire de l’ancien général se serra et son visage se fit de marbre. Son regard était braqué sur le corbeau sans cligner et son air était plus patibulaire que jamais. Il restait parfaitement silencieux à la demande. Il ne répondit ni à ses questions, ni à cette invitation surprenante à garder le lien. Tout simplement car il avait l’horrible… la terrible… la catastrophique sensation que s’il dépliait un seul de ses muscles il allait se mettre à pleurer et c’était parfaitement révoltant. Ridicule. Pitoyable. Minable…

Il se rassit avec raideur dans son siège, suivant le mouvement du brun, ne faisant plus attention à leur environnement. Il jeta un regard sur sa main noir sous la paume frêle et la serra jusqu’à ce que l’acier crisse. Ses paupières se fermèrent sur le plat maintenant froid devant lui et se rouvrir face au visage encore si jeune de son camarade. « Tu… Je… » Un rire fatigué traversa ses lèvres alors que sa paume gantée vint quérir son visage dans un mouvement exténué. Son regard ne souriait pas.

« Tu es si bon. Tu es si… naïf. Tu vois du bien partout, n’est-ce pas ? Tu fais confiance à chaque personne de bonne volonté que tu croise. » Il perdit son regard dans le lustre chatoyante au-dessus d’eux, notant qu’il manquait un cristal sur l’ensemble. « … J’admire cette capacité. J’ignore si elle fonctionne. J’ignore qu’est-ce qui fonctionne réellement. Toi… Aussi… Mais tu continu. J’aimerais pouvoir m’en remettre à quelqu’un. Ozpin a eu tord de nous cacher tout ça. Mais… tout était si simple quand on pensait encore qu’il avait la clé de tout. J’aimerais tellement le voir et en même temps… je sais que je ne pourrais plus le croire. »

Il ne fit pas l’affront à Qrow d’expliquer pourquoi il ne quémandait pas son avis, il savait que l’espion n’était pas de ceux qui décidaient et ne voulait pas l’être. « J’imagine… que personne n’arrivera pour nous aider. Et tu en as conscience. Alors pourquoi ? Comment fais-tu pour continuer sur ta lancée ? »

Il a visiblement touché quelque chose de sensible. Le colosse de métal se rigidifie et ne dit pas un mot pendant un moment qui dure, l'espion ne sait pas comment sera accueilli son rapprochement mais il ne bat pas en retraite, laisse sa main contre la prothèse de James. Qrow est déstabilisé par ce silence qui pourrait bien être annonciateur de tempête mais ses yeux ne dévient pas. Il y a peut-être mieux à faire, cette fois.
Un effondrement. C'est à ça qu'il a l'impression d'assister. Le rire qui sort des lèvres du conseiller est profondément éreinté, dissonant, déglingué et son expression faciale tombe en chute libre tandis que sa main vient soutenir son visage comme s'il était plombé par le poids du monde. James déverrouille abruptement ses serrures et s'ouvre plus qu'il ne l'a jamais fait. Qrow a senti sa main métallique se tendre jusqu'à émettre un craquement mais, même en s'asseyant, il a conservé le contact. Comme s'il était désiré, presque admis comme nécessaire. Le corbeau n'est pas habitué à ça et il ressent une chaleur indue, à laquelle il ne devrait pas goûter. A ce stade il serait difficile de ne pas comprendre que le conseiller est criblé par le poids de la solitude, son attitude corporelle l'avoue à tout rompre. L'oiseau de mauvaise augure cille puis déglutit, sa gorge est sèche. Il est conscient du fait que son rythme cardiaque s'est emporté, conscient d'être traîné vers des sentiments antinomiques et puissants. Une part de lui n'aime pas voir ce qu'il voit mais l'acidité lui souffle que c'est la rançon d'une politique auto-centrée et brutale.
Il se rend que c'est l'homme qui croule devant lui, pas la machine qu'il était devenu en s'enfermant dans son cloitre d'autoritarisme.
Il ne se sent pas de poignarder un homme qui lui expose son flanc et sait que si ce dévoilement était crûment éconduit, il n'y aurait pas de retour vers l'arrière possible. C'est donc à ce moment qu'une décision doit être prise ; lui accorder une seconde chance et espérer autre chose de lui, ou attendre de lui qu'il paye. Il n'y a plus de compromis ou d'ambivalence possibles entre ces deux options. Qrow soupire profondément pour évacuer la tension.
Et il y a toujours sa main métallique sous la sienne, elle incarne bien tout le paradoxe d'Ironwood ; une boîte de métal dont le cœur est pourtant balloté sur la brèche. Est-ce parce qu'ils viennent du même monde, parce qu'ils ont eu la même guidance ? Parce qu'ils se connaissent déjà ? Parce que le général lui vouait de... l'affection ? Le corbeau est perplexe quant au pourquoi de ce sentiment mais n'est pas aveugle devant son évidence.
Il se sent minable d'y céder.
Les mots d'Ironwood, exhalés sur un ton décadencé qui brise son habituelle maîtrise, frappent Qrow en plein torse. Ses yeux rubis se dévient un instant, pour accuser le coup. Il constate toutefois que le regard du conseiller s'est évaporé comme s'il cherchait une amarre. Détrompe-toi, je ne suis pas connu pour mon optimisme. Et t'es pas n'importe qui. Un sourire sans joie dans sa voix rocailleuse. Non, Qrow ne donne pas facilement sa confiance. Cynique et critique il n'a pas l'habitude de mâcher ses réticences et ses mots. Il a la nette impression que James s'explique son attitude à son égard par une grandeur d'âme qu'il n'a pourtant pas. L'oiseau de mauvaise augure décide de le détromper, pour ne pas passer par quatre chemins ses doigts s'ouvrent et enlacent ceux de l'autre homme. D'ordinaire il aurait balancé un sourire goguenard et séducteur, il aurait haussé un sourcil équivoque - mais il n'a pas le coeur à être aussi superficiel. Parce que ce geste est un saut vers la culpabilité, parce qu'il n'a rien de facile même s'il lui semble honteusement évident en réponse à ce que James lui montre. Il soupire à pleins poumons.
Ils peuvent peut-être bien faire mieux, cette fois. Au moins essayer de se comprendre.
Même s'ils n'ont personne à qui s'en remettre. Je suis qu'un saoûlard, Jimmy. Je ne suis pas certain de "continuer" dans la bonne direction. T'es pas le seul à être paumé. Il serre sa main dans la sienne même s'il se doute que l'autre homme ne doit pas sentir grand chose.
Lorsqu'il a appris ce qu'Oz leur cachait, le corbeau s'est senti profondément floué. Il lui avait offert sa vie contre une place dans ce monde, mais la confiance n'était pas réciproque et sa raison de vivre s'est avérée faussée. C'était simple, oui. Marmonne t-il, le regard dans le vague, en se remémorant un passé autrement plus avenant. Il ne peut pas dire qu'il ne comprend pas Ironwood là-dessus. C'est elles qui me font tenir. Mes nièces. J'ai une responsabilité envers elles... Même si elles ne sont pas là. Il se tait un instant, pour refreiner l'émotion et le pessimisme. Et te revoir m'a remis sur les rails d'une certaine façon.

C’était vrai, Qrow n’était pas optimiste, mais il était le chevalier qui portait son étendard. Il sortait ses armes pour une vision d’un monde dénué de compromis quand il s’agissait de la souffrance d’autrui et maniait sa lame pour le temps présent. Ironwood quant à lui était un cavalier du mal nécessaire, qui galopait en rependant la mort pour accéder à un futur encore debout. Il voulait continuer de tenir ses certitudes dans un coin de son esprit, car sinon, tout s’effondrerait avec elles. A un moment il avait tout sacrifié pour son royaume, il avait affronté le monde entier seul, la colère, les rancœurs, les complots, portant le poids de la vérité sur ses épaules et étant incapable de le céder car cela revenait à provoquer une attaque de Salem sur leurs terres. Sans aucun allié, coupé du reste de Remnant. Et quand était arrivé l’équipe RWBY, il avait cru pouvoir lâcher un peu de lest, c’est alors que vinrent les mensonges. Les oppositions constantes. L’absence d’Ozpin. L’absence de Qrow. Il avait essayé de bien faire, il avait abandonné l’idée de prévenir le monde, il avait privilégié l’évacuation de Mantle. Il avait essayé ! Il avait l’impression d’avoir été le seul à voir le cauchemar se dérouler devant ses yeux avant même qu’il n'arrive. A sentir le monde se déchirer sous les actions de celle qui voulait le détruire. Il avait activé sa semblance pour faire face à ce scénario, mais personne ne semblait prendre en compte le fait que des meilleures options, il n’en avait pas. Et que, leur absence de décision et leur confrontation avaient fait gagner Salem et ses suivants.

Les doigts qui s’enroulèrent autour des siens le firent frémirent et il écarta lentement les siens pour les accueillir, dans un geste expérimental. Il aurait voulu y goûter plus tôt et en apprécie les contours quand il avait encore l’impression que chacun était dans le même camp. Celui des gentils. Non Qrow n’était pas qu’un saoulard. Il était un protecteur du monde, depuis sa sortie de l’école voir même avant. Il était un rouage essentiel de Remnant, se battant dans l’ombre depuis longtemps. L’homme semblait porté au gré du vent, ne prenant pas compte de toutes ses actions passées, car sûrement n’en avait jamais-t-il vu la portée.

Ces nièces, Qrow s’était raccroché à elles. Peut-être trop. James avait également voulu les inclure car, comment refuser l’aide de ceux qui se battait pour la vérité ? Jeunes mais pertinents, il respectait leur dévotion et leur avis. Cependant, cela avait flouté les barrières du commandement. Non… Ozpin avait flouté ces barrières. Son absence avait suivi sa présence, et par ses actions il avait donné la responsabilité du monde à une poignée de personne, disparates, parfois esseulées, parfois de pouvoir, parfois tout juste sortie de l’académie ou même d’une ferme éloignée. Ozpin avait lancé ses révélations et avaient disparu quand la situation lui avait échappait. Les laissant tous dans une bataille où ils se battaient pour un monde aveugle avec les moyens qu’on leur donnait.

Il finit par reprendre la parole avec une grande douceur. « Elles n’ont pas suivis tes pas par hasard, elles ont pris ton exemple. J’espère que tu les retrouveras. Tu as sauvé le monde de Remnant à de nombreuses occasions ; sans parler des vies associées. Tu n’es pas un ivrogne, tu n’es pas un saoulard, tu es un chasseur. J’étais heureux de te voir veiller sur ces jeunes gens. Tu as pris les rennes de leur voyage pour protéger leur chemin. Tu es le seul à te remettre sur les rails Qrow. » Il était épuisé. « Tu sauras prendre les bonnes décisions. Et tu continueras comme à ton habitude à faire ce que tu juge bien. Si les cartographes te comptent dans leur membre ponctuel ce n’est pas pour rien. Le maréchal doit te faire confiance d’une façon ou d’une autre. » Le Maréchal Trahearne était en effet quelqu’un avec qui il était agréable de converser. D’une grande douceur mais d’une franchise tranchante. « Tu devrais participer à la prochaine réunion qui a lieu avec certains conseiller et dirigeant d’organisation. Ca te permettrait de voir qui sont tes alliés. Et ennemis. »

La douceur des mots du conseiller pose un baume ambigu sur des plaies encore rudement ouvertes. La dernière personne à lui avoir tenu ce discours était Clover, le leader des Ace-Ops avait salué la manière dont il accompagnait les gamins et ça l'avait aidé à ralentir sur la boisson. Parce qu'on lui disait qu'il occupait une place, un rôle et qu'il le faisait bien. Ce souvenir laisse un goût âpre en bouche, Clover malgré sa chance a fini par connaître le sort qui attend ceux qui l'entourent de trop près. Son regard rubis s'obscurcit en suivant le flot de ses ruminations et se perd sur les autres clients endimanchés qu'il regarde sans voir. Il avait besoin de tenir Ironwood pour responsable de sa mort, sans quoi il n'aurait pas pu continuer à avancer avec la culpabilité qui le tirait vers le fond. Il avait besoin de se dire que ce n'était pas, lui seul, qui avait amené le malheur sur qui ne le méritait pas. Encore une fois. Il avait besoin de se contredire et d'avoir quelqu'un à faire payer comme si cela pouvait réparer quoi que ce soit ou à défaut donner un cap. Le corbeau est conscient que c'était autant égoïste que désespéré mais il se souvient également des derniers mots de Clover, de son "bonne chance" pour faire tomber le général. Même si Ebi ne devait pas appeler de tous ses vœux la chute d'Ironwood, puisqu'il lui est resté loyal jusqu'à la fin, il n'en demeure pas moins que Qrow revient sur ce qu'il lui a promis.

S'il veut voir l'homme qui tient actuellement sa main, il doit nécessairement endosser la pleine responsabilité qu'il fuyait, démentait, craignait du plus profond de ses tripes. C'est son pacte avec le diable qui a entraîné tout ça, c'est lui qui a brisé l'aura de Clover, c'est sur son arme qu'était son sang. Le corbeau, sans lâcher la prothèse de James - sans revenir également sur ça - est balloté au cœur du cyclone, sa seconde main vient comprimer l'arrête de son nez. Il se sent vidé maintenant que la colère à l'encontre d'un objet extérieur s'est tarie.

Et cela amène d'autres écartèlements. Tous ceux qui lui sont proches finissent par disparaître, il n'amène que le drame dans son sillage. Ironwood ne pourra jamais y être plus immunisé que ce que Clover l'était, sans que ça soit seulement suffisant. Ce n'est pas pour rien qu'il était aussi vaporeux dans ces contacts avec le cercle restreint d'Ozpin - particulièrement avec James -, ce problème ne date pas d'aujourd'hui.
Ses doigts ne se sont toujours pas écartés mais ils ne serrent plus leur prise.

C'est au final la considération que lui balance le conseiller qui lui met la plus grande claque, c'est ce qu'il constate dans un reniflement désabusé. Qrow secoue le visage à la négative. Il se demande s'il s'engage pas à cœur perdu pour combler le vide de sens, l'absence d'appartenance ou la solitude, comme il l'a toujours fait que ce soit en suivant la guidance d'Oz ou en s'enivrant à outrance. T'as toujours minimisé les effets de ma semblance... Constate t-il, presque pour lui-même, en se refaisant la rétrospective de leur partenariat. James s'est même désarmé devant lui en situation de crise, quel idiot. Un sourire nonchalant et nostalgique vogue sur ses lèvres. Il vient chercher son verre par réflexe avant de le reposer en se rappelant qu'il était vide d'ivresse. Ceux qui m'entourent finissent par disparaître. Tu devrais être sur tes gardes. Il revient là-dessus parce qu'il sait que la teneur de leur relation est en train de changer, parce qu'il ne sait pas s'il saura s'arrêter par lui-même. Un rire court, défraîchi, coupable. J'vois que t'as fait des recherches sur mon compte. C'est dit sans réelle véhémence car il n'est pas étonné le moins du monde. Ce qui le surprend, par contre, c'est la proposition qui suit. Ironwood entend visiblement lui donner l'accès à des informations sensibles et dans sa phrase il apparaît évident qu'il l'incorpore déjà, d'une certaine façon, dans ses effectifs. Ce n'est pas tellement sorti de nulle part considérant le besoin d'une équipe qu'a toujours eu l'autre homme ou en tenant compte de cette solitude qui doit l'écraser à Nowhere. Mais cela reste étonnamment rapide. Qrow ne sait pas bien comment se positionner, d'autant moins face à la politique. Ouais, ça pourrait me donner une idée. Il finit par accepter car il est conscient de ne pas détenir suffisamment d'informations sur le fonctionnement de la cité pour que ses avis soient tranchés. T'as vraiment l'air épuisé. Dit-il après un moment à s'escrimer du regard avec un quinquagénaire qui, comme d'autres attablés, semble écœuré par ce qu'il voit. Et si on demandait l'addition et qu'on parlait de tout ça... Ailleurs ?

T'as toujours minimisé les effets de ma semblance...

"Et toi tu les as toujours surestimés." Répondit-il du tac au tac sans une once d'hésitation. Tranchant. Il n'ignorait pas que juger la façon dont quelqu'un considérait sa propre semblance pouvait sembler mesquin et déplacé. Ça l'était. Seulement, James considérait que Qrow était trop égaré à ce propos et n'en entrevoyait qu'une parcelle de vérité. Il ne niait évidemment pas l'impact qu'elle avait ; impossible à taire, elle était un véritable handicape dans la vie civile, provoquant des situations désagréables, si ce n'était dangereuses, pour l'entourage du corbeau. Seulement, elle n'était pas seule coupable ; la sentence du monde et son instabilité était des choses qui n'étaient pas annulés par sa présence ; impossible de savoir si un évènement était la cause de la présence de Qrow ou si c'était dû à une coïncidence sinistrement habituelle. De plus elle n'était pas implacable, il était possible d'esquiver ces piques de situation hasardeuse en étant bien préparé. Et surtout, le chasseur avait sauvé bien plus de vie qu'il n'en avait brisé. Son impact sur le monde était foncièrement positif, et bien nombreux étaient ceux qui avaient eu la chance de croiser la route de Qrow Branwen et était encore vivant comme preuve de la bénédiction de son arrivée. Mais tout ça, il ne pouvait le résumer pour le lui dire. Il n'avait pas cette proximité. Il avait juste besoin de lui dire. De lui faire comprendre que Qrow n'était en rien le coupable des morts qui l'entouraient. Que toutes les pertes n'étaient pas de son fait, qu'elles étaient le fruit de la cruauté inerrante à un monde ordinaire.

"Tu surestimes grandement sa portée, son impacte. Quel ratio de vie sauvées faudra-t-il pour contre balancer cette sensation d'être le poison de ceux qui auraient le malheur de côtoyer ta vie ? Je n'ai pas la prétention et je ne l'aurais jamais de dire que je te connais. Finalement, nous avons vu que nous nous connaissions bien peu avant... la fin. Sans toi, sans ta présence, tes nièces auraient été mises en pièce sous les coups de Grimms. La relique ne serait jamais parvenue jusqu'à Atlas et ces étudiants non plus. Tu n'étais pas là quand vous avez perdu Summer, tu n'étais pas là quand Atlas a chuté, tu n'étais pas là quand j'ai... Tu n'es pas coupable de tout ce qui arrive autour de toi. Je n'avais pas besoin de faire de recherche sur toi..."même s'il les avait faites quand même "...pour que ceux que tu as aidé ne soit prompte à en parler d'eux même, jugeant important de mettre en lumière chaque élément de l'équipe ayant permis leur réussite."

James ne s'attendait pas à l'acceptation de Qrow et se senti soudain en possession de quelque chose de précieux. Et dangereux. Ignorant encore quoi réellement en faire mais continuant de vouloir le garder à porter. Et si son aval pour la soirée le laissa déstabilisé, alors la suite lui mit un coup de poing. Il en perdu le souffle. Ailleurs... Que signifiait ailleurs ? Un endroit peut-être plus prompte aux hurlements et batailles. Cependant il n'y croyait pas. Pas dans cette étrange et drôle d'ambiance cotonneuse dans laquelle ils s'étaient glissés tous les deux.

"... Bien sûr. Je vais régler." Il faillit proposer un verre et se ravisa. "J'ai un appartement. Mon appartement je veux dire. Non loin."

Qrow a le sifflet coupé et dans ses yeux la surprise est expressive. Il ne s'attendait pas à ces éloges et s'il fait mine de les recevoir de mauvaise grâce, qu'il se frotte la nuque d'embarras et regarde ailleurs, ils le touchent et le secouent. Il l'écoute débiter ces contre-arguments et encaisse comme il le peut la vision qu'Ironwood a de lui. C'est difficile à digérer. C'est presque trop ; une part de lui a toujours crevé d'envie de ne pas être indésirable sans jamais pouvoir l'assumer. Il récupère la main qui enlaçait celle de James et l'observe d'un œil absent en l'actionnant mollement. Il se relève ensuite sans sommation et lance par-dessus son épaule.

J'étais pas le seul à les sauver, ces vies et c'est pas une question de "ratio", les choses ne s'égalisent pas comme ça. Il n'y aura jamais un moment où je cesserai d'être dangereux. Ma semblance aurait pu coûter très cher et notamment à Ruby. Dit-il, conscient de lésiner sur les informations, ne pouvant  tolérer davantage la contradiction. Clover a payé le prix fort. Son ton claque et la douleur est âpre. C'est trop difficile de résister à un discours que l'on veut du plus profond des tripes mais auquel on n'a pas le droit. Dis-moi honnêtement que tu ne regrettes pas que je sois venu à Atlas. Il le met au défi de le faire, sa nonchalance en apparence récupérée. Il a un rire sans joie. J'aurais dû être là pour Summer mais disons que c'est une autre histoire. Qrow enfouit ses mains dans ses poches et courbe le dos, remet sa cuirasse d'aplomb autant qu'il le peut. Pour autant il n'arrive pas à s'éloigner. Un soupire profond soulève sa cage thoracique et il rejoint Ironwood. J'aurais voulu être là quand tu... Il n'arrive pas à trouver les mots mais il le regarde dans les yeux, à cet instant, alors que son regard le fuyait en prétendant se trouver d'autres occupations. J'aurais voulu te tirer de là, à la fin. Sa voix s'écorne mais n'hésite plus. Il disait vouloir le tuer de ses mains et, pourtant, savoir qu'il a perdu la vie lui est intolérable. Il se sent doublement minable.

La perte de moyens de l'ancien général lui extirpe néanmoins un sourire en coin. De surface. Je t'attends dehors. Marmonne t-il en lui destinant un bref clin d'œil et en se tournant vers la sortie.