Les corbeaux volent là où est la charogne. [PV Qrow]

La situation était invraisemblable. Le vent froid et sifflant de la ville ne suffisait pas à reprendre pied avec ce qui se déroulait entre eux ce soir. Rien à mettre sur le dos de l'alcool, rien à mettre sur le dos de la frénésie des champs de bataille ou sur l'égarement d'une situation de crise. Tout l'inverse même, malgré la situation absolument singulière de Nowhere, le pays était plus en paix que ce que Remnant avait connu ces dernières années. Du moins, pour ce qu'ils en savaient. Les dangers étaient maitrisés et la politique stable. Alors, comment expliquer ce qui se déroulait ? James observa la volatile vapeur qui sortait de ses lèvres, hésitant à la considérer comme un souffle d'humanité ou comme le simple rejet d'une machine.

Ils étaient tous les deux sur les pavés, Ironwood goûtait l'échec de ne pas avoir convaincu Qrow de ses bienfaits, même si à l'impossible nul n'était tenu. Il ne revint pas dessus, car malheureusement c'était une bataille qu'il ne pouvait mener avec ses... actes passés. Il ne pouvait pas revenir sur Atlas, sur Clover et sur Oscar. Il savait qu'il volait la vérité en se taisant à ce sujet mais aucun moment n'avait amené à en discuter. Aucun sauf peut-être celui-là, propice aux révélations ; celles qui stopperaient tout ce qui était en train de se dérouler, qui remettraient la machine sur les rails, loin des champs inconnus où battaient les ailes du corbeau, plus proche de l'acier des grandes cités.  Pourtant il n'ouvrit pas la bouche, il continua son chemin vers son appartement, le talon de ses bottes raisonnant sur le sol de l'avenue.

Il regrettait sincèrement cette action. En voilà une formulation de phrase bien froide et vide. Ce moment il l'horrifiait et le laissait flegmatique. Il l'affolait et pourtant il revenait dessus avec le plus grand calme. Entre monstre et humain, James Ironwood ne savait pas, honnêtement, où se positionner sur l'échiquier. Seul ses nuits ensuquées où ce regard infantile de trahison surprise qui avait rejoint d'autres fresques l'amenait à penser qu'il y avait encore quelque chose qui faisait battre son cœur.

Avant même qu'il s'en rende compte, il était devant la porte de verre de son immeuble et c'est le bruit de sa propre main tournant la clé dans la serrure qui le ramena à l'instant présent. Il ouvrit avec vivacité l'entrée et garda la porte pour l'espion en lui envoyant un regard entre l'incertitude et le jeu. Il monta les escaliers, enchaînant les étages d'un pas rigide et arrivé au sixième il rejoignit l'entrée de son appartement qui était tout à fait confortable. Autant qu'on pouvait l'imaginer pour un homme occupant un métier comme le sien, les lieux étaient bien ameublés, propres et d'un espace qui convenait sans problème au besoin d'une personne seule, les dépassant même. Seul bémol de ce lieu était le froid glaçant qui parcourait les pièces à l'odeur renfermées. Ironwood alluma les lumières et la ventilation des lieux.

"Je vais regretter ces paroles mais fais comme chez toi." Il enleva ses bottes et posa ses clés dans l'entrée, dans un rangement spécifique. "As tu un logement fixe à Nowhere ?" Ca, ça n'avait jamais été le genre de Qrow quand il le connaissait à Remnant. De se fixer.

@Qrow Branwen

Il n'a même pas l'excuse de l'alcool.
Depuis qu'il est à Nowhere, sans réelle bannière derrière laquelle se ranger, sans famille pour l'inspirer et l'inciter à mieux faire, le vieux corbeau est pourtant retombé dans l'addiction. Englouti par le poids de ses pertes et affaibli par un manque cuisant de ténacité. Dernièrement, il a passé bien plus de nuits avachi dans des ruelles ou caniveaux qu'au fond d'un lit chaud. Perte de sens, perte d'appartenance, perte d'identité. Subies et peut-être bien recherchées. Même les cartographes n'ont pas suffit à le rappeler à l'ordre, à la vie.
Il n'avait pas besoin d'être sobre pour combattre les créatures de l'Interstice lorsqu'elles lorgnaient de trop près sur la frontière des quartiers. Dans cet état, il n'avait plus besoin de rien.
Mais ce soir il est en pleine possession de ses moyens. Peut-être parce qu'il sait pertinemment dans quoi il s'engouffrerait s'il ne l'était pas. Peut-être bien, ironiquement, que James a incarné l'ancrage qu'il lui manquait ; même si c'était pour lui tenir tête Qrow devait cesser de se diluer, de se disloquer. Et par son intermédiaire, il a été utile. Il semblerait.
Ce qui signifie aussi qu'au lever du matin, rien ne pourra le disculper de ce qui se sera passé dans la nuit.
Parce que Qrow n'est pas tombé de la dernière pluie, il lit pertinemment la tension qui le noue à James. Peut-être est-ce parce qu'ils représentent, chacun pour l'autre, le dernier fragment du monde d'avant.
Non, l'espion ne peut pas s'abuser. Ce n'est pas aussi simple que s'il l'utilisait juste pour amortir sa solitude.
Il sait qu'il tenait à James. Leurs désaccords ont longtemps été aussi piquants, émulants, que leurs retrouvailles étaient sincères et certaines - et les dieux savent que la stabilité est rare dans la vie du corbeau. C'est pour cette raison que son premier réflexe a été de vouloir lui parler lorsque tout est parti en vrille.
Est-il en train de reproduire la même erreur, non, de faire bien pire ? Une chose est sûre il y saute à pieds joints.
Il n'a pas la force de se réfréner. Pas en se remémorant l'embarras d'Ironwood, leurs mains superposées, pas alors que le regard de James sur lui mélange enjôlement et incertitude.

Lorsqu'il pénètre dans l'appartement du conseiller, Qrow constate sans être étonné que celui-ci n'a pas grand chose d'accueillant. L'odeur hermétique indique que les lieux, impersonnels, ne doivent pas être régulièrement occupés. Il a eu le loisir de constater que le canapé du bureau d'Ironwood était bien plus douillet, se doute que c'est bien plus souvent là-bas que James doit dormir. Lorsqu'il le fait. A cette pensée Qrow roule des yeux vers le haut plafond, non sans une pointe - coupable - d'attachement. Ces lieux austères symbolisent bien l'absence de vie personnelle de l'ancien général se dit-il. Il sait ce que c'est, peut-être trop bien pour ne pas se projeter. Pour ne pas avoir l'envie folle et indigne de donner plus de chaleur à cet endroit incolore.
Impossible que tu regrettes ça. Tu m'as pour toi tout seul. Ironise t-il du tac au tac en levant le menton d'un air pseudo provocateur. Tu parles d'un cadeau. Cependant il n'avait pas anticipé l'instant d'après, celui qui reste en suspend lorsqu'ils se retrouvent face à face dans le corridor. Il sait exactement ce qu'il aurait fait s'il ne s'était pas retenu.
Qrow observe l'autre homme effectuer des mouvements raides et, tout à son opposé, il envoie valser ses chaussures pour passer à autre chose. Il commence à faire le tour du propriétaire, les mains dans les poches. Hmm. J'ai pas exactement d'endroit fixe. Comme tu dois déjà le savoir, je passe pas mal de temps dans l'Interstice. Des créatures semblables aux Grimms y pullulent en ce moment. Il répond après un moment de sans-gêne, avoir lancé un regard sur la chambre à coucher. Et toi ? ça t'arrive de venir ici ? A part quand tu ramènes quelqu'un. Il se doute que ça ne doit pas arriver souvent. Frondeur, il espère.

Le regard inquisiteur que lui envoya Ironwood sertissait son visage froissé, alors qu'il assimilait les paroles de Qrow. Réfléchissant sur les sous-entendus qui ponctuaient ses phrases comme des bijoux extravagants et outranciers. C'était avant tout la surprise qui le fit se parait de son visage le plus stricte et sévère, cachant ses nombreuses interrogations sous une face réprobatrice. James était méfiant, attendant d'avoir confirmation, ne voulant pas se prendre un rejet qu'il aurait du mal à encaisser. Assez misérable pour un homme qui prétendait pouvoir occuper des positions aussi cruciales dans la politique. Il n'était habituellement pas du genre à retenir ses remarques et bravades envers ceux qui pourrait s'opposer à ses ambitions, mais jouer sur l'échiquier géant du pouvoir était bien différent que de commencer une partie de carte intimiste ou un mouvement un peu trop hâtif pouvait y mettre fin en un instant.

Il était vrai qu'envoyer un regard assassin à celui qu'on convoitait était un mouvement tout aussi risqué mais le plus défensif, celui qui mettait le plus de barricade autour de ses envies pour éviter qu'elles ne soient balayées trop fort en cas de fin de partie. Tu m'as pour toi tout seul. La phrase tournait dans son esprit. Si seulement. Elle était ce qu'il voulait attraper depuis des années et ce qu'il craignait d'atteindre depuis tout autant de temps. Ses fantaisies lui intimaient de saisir sa chance, ou plutôt sa malchance en l'occurrence, et de faire comme si le passé pouvait être effacé par ce nouvel endroit. De ne pas attendre que son opportunité lui soit volé et qu'il se retrouve de nouveau être le protagoniste distant dans l'histoire du corbeau. Et en même temps, il n'avait plus les mêmes chances qu'avant. Les avaient-ils déjà eux ? Ce n'était pas comme s'ils étaient très proches auparavant.

Qrow était donc en vadrouille ; pas spécialement étonnant. C'était un homme qui ne s'était - à sa connaissance - jamais posé. Pas une seule fois. Toujours sur la brèche et toujours en mouvement. Même ici. Le visage du général se dérida à la dernière remarque. Car elle était douce, un peu moqueuse et étrangement intime. Il balaya les défenses, de toute façon, s'il ne jouait pas sans filet, il ne jouerait pas du tout. Alors il finit par laisser son sourire se dessiner sur ses lèvres. "A part quand je ramène quelqu'un" Confirma-t-il en haussant un sourcil vers Qrow. Cet endroit, il ne l'avait plus vu depuis des semaines. Peut-être un week-end ou deux depuis un bon moment. Le chasseur était cet étrange quelqu'un qui inaugurait la nouvelle utilité de ce lieu abandonné par son propriétaire. James s'approcha, les deux mains dans le dos. Il sentait le danger à chacun de ses rapprochement et fini par se pencher vers Qrow. Leurs visages se rapprocha et sa barbe effleura sa joue avant que finalement il bifurque pour ramasser ses chaussures et les rangers dans la commode. Sur son visage, il y avait un air joueur, mais son coeur, lui, battait d'un rythme effréné. Puis d'une voix aux accents suaves et prédateurs, aux accents rigoristes, il s'exprima. "J'imagine Qrow que tu n'as pas donner tes consignes aux hasards. Alors je vais te demander de le confirmer." Il joignit ses mains devant lui et tapota son index sur l'autre. "Est-ce que je t'ai en effet pour moi ? Totalement pour moi ?" La lumière du couloir n'empêchait pas sa silhouette d'être ombragée par un coin d'ombre entre la porte et le salon.

L'homme qui se tient devant lui s'est enhardi en reprenant sa pose martiale, comme s'il cherchait le contrôle et il gagne effectivement du terrain. De surprise, le corbeau effectue un pas en arrière. Il s'attendait à ce que James soit hésitant, pas à son aise, mais il lui semble au contraire décidé. Sa gestuelle trahit le fait qu'il aborde ce "problème" avec le même rigorisme que s'il devait prendre une décision statégique.
Ou alors il n'agit comme ça que pour le séduire. Dans sa voix, Qrow identifie un zeste de provocation.
Il faut admettre que le corbeau n'a plus été regardé comme ça depuis un bail. Cela rameute un peu de chaleur dans le torse et près des tripes. Il n'a jamais été insensible à l'idée de plaire, se savoir voulu chasse temporairement la certitude d'être un nuisible. Même si elle revient toujours au galop et qu'il ne doit jamais tarder à s'éloigner.
Mais le regard brûlant, trop maîtrisé pour ne pas et contrarier et élancer, qui le couve est celui d'Ironwood. D'un homme qui a été son ami avant de devenir un ennemi. La légèreté d'une coucherie d'un soir ne peut pas s'envisager avec lui, tout sera d'office beaucoup trop symptomatique. Le regard rubis perd son aplomb m'enfoutiste et tangue de la droite vers la gauche à la recherche d'une issue au jeu qu'il a lui-même lancé.
Mais Jimmy est un homme entier, trop, avec lui il a rarement de voie du milieu. Qrow sait que s'il cède à ses envies il y aura des conséquences.
Mais sur qui pourront elles retomber si ce n'est sur lui-même ? L'oiseau de jais est sinistrement seul à Nowhere. Il n'a, au fond, pas grand chose à risquer. Il soupire lourdement pour remettre ses idées en place.
Les yeux d'Ironwood sont toujours sur lui. Et si l'on doit reconnaître une chose au conseiller, c'est sa belle gueule. Un visage harmonieusement carré, des traits plus expressifs qu'on ne le croirait, des yeux au bleu sombre et puissant.
Il faut admettre que le corbeau n'y a jamais été insensible et cela ne faisait que rendre leurs désaccords encore plus tendus. S'il n'est pas friand du respect de la discipline il a, au contraire, pour point faible d'aimer la titiller.
A qui est-ce que cela pourrait faire du mal ? A lui-même mais, ça, c'est pris par-dessus la jambe. A Ironwood s'il a bel et bien un cœur - pense Qrow pour se déresponsabiliser - mais le corbeau sait, au fond, qu'il n'est pas uniquement la boîte de conserve qu'il donnait à voir lors des derniers instants d'Atlas. S'il n'était fait que de protocoles il n'aurait pas à ce point là perdu la tête face à la peur. Mérite t-il que l'on se soucie de ce cœur s'il est bien vissé au creux de son écrin de métal et de chair ? Qrow doit-il résister à une envie de plus alors que la soif d'ivresse court déjà dans ses viscères et enserre son crâne ?
Ironwood lui plait et compte tenu de leur historique il devrait soit enterrer cette pulsion, soit y céder sans considération pour le conseiller. Après tout peut-être bien qu'Ironwood ne veut rien de plus qu'expurger une passion sale. Comment pourrait-on en vouloir plus de Qrow ? Ou s'attendre à plus de sa part ?
La main droite du corbeau vient empoigner le col de James, son petit jeu attise ses feux, et il le tire sans sommation vers lui. A l'effleurement de ses lèvres, de son souffle. Pour l'instant... On peut dire que ouais... Susurre t-il d'un air enjôleur, en haussant les sourcils de façon suggestive. Il passe une main le long de sa joue et s'apprête à l'embrasser à pleine bouche.
Mais quelque chose ne colle pas.
Je... J'peux pas, Jimmy. Dit-il d'une voix rauque et hachée en s'écartant d'un pas presque hagard. Ses yeux rouges sont secoués et son cœur bat à tout rompre.
Il en a vraiment quelque chose à faire. Il ne peut pas l'utiliser sans tenir compte des risques. En faisant comme si de rien n'était.

Le coup, il le prit frontalement et ses fondations vacillèrent. La lumière dans ses iris tangua dangereusement, menaçant l'intégralité du système d'une coupure généralisée, au risque de seulement laisser les ténèbres pour avenir. Pendant quelques instants, Ironwood resta dans un état de dérèglement hébété, ses process ripés et incapables de se réactiver faute de savoir vers quel objectif tendre. Tout ce qu'il savait, c'est qu'il devait s'éloigner de la cause de la perturbation, s'en éloigner physiquement mais surtout mentalement. Le rejet était violent mais d'autant plus qu'il était fait dans son espace, aussi bien dans l'appartement que dans la voie qu'il avait ouverte en baissant ses boucliers l'espace d'un instant. Hésitation, confusion, détermination. Son aura se trouvait dans un état intermittent, prenant forme et se faisant étouffer par son possesseur qui ignorait encore s'il en aurait l'usage. Pour finalement être totalement assumé, le général s'en faisant un uniforme martial, activant ce qu'il s'était employé le plus possible à consigner.

Juste quelques minutes, le temps de redresser les barricades tombées trop hâtivement, le temps de protéger son esprit le temps de relancer la machine, de revenir sur son chemin, d'éloigner celui-ci de ses pensées, que son souvenir soit moins aiguisé. En attendant ça, il allait utiliser un brin de courage anesthésiant. Mettle déployé, le flot de sensation que Qrow avait déversé ne se tarissait pas, il était juste reconduit ailleurs, versé dans des digues qui permettaient à son esprit de reprendre son chemin sans les prendre en compte. Jusqu'à son objectif. Son objectif qui était de clore cet égarement et de rompre tout ce qui pouvait encore le lier, lui et Qrow. Car l'espionétait un problème dans la poursuite de ses ambitions pour Nexus, pour Nowhere. Il était le grain dans son mécanisme. Ce n'était pas chose facile, car Qrow était une de ses dernières choses que son esprit refusait de concéder, d'abandonner, alors il devait être efficace et rapide, ne pas hésiter à déployer ce qu'il fallait pour en finir rapidement.

"Je vois."

Ironwood s'éloigna d'un pas, mettant la distance nécessaire pour ne plus être perturbé par les sensations du corbeau, par sa tiédeur, par son souffle, par les détails de sa peau pâle.  Il pouvait maintenant réfléchir à la situation avec clarté. Le soudain revirement du brun était étrangement brutal, sans signes annonciateurs. Bien sûr, ça pouvait être l'horreur de son association qui frappait l'espion, rebuté par l'idée de coucher avec un homme comme Ironwood, l'ayant surement toujours été au cours de leurs nombreuses interactions sans que le général n'en saisisse réellement l'ampleur, considérant leur rivalité comme des divergences qui ne les éloignaient pas par rapport à leur aspiration commune, du moins jusqu'à Atlas. C'était ce qu'il avait pensé dès que Qrow avait détourné le regard pour exprimer, son impossibilité - même pas un refus. Comme une réaction viscérale passant au-dessus de la raison. Mais maintenant, avec plus de recul, il pouvait voir aussi d'autres alternatives. L'espion n'avait jamais été un bon manipulateur, mais quel était son but en allant jusque là sobre ? Avec une des personnes qu'il devait le plus détester au monde, notamment pour sa perte... Et peut-être lui en tenait-il rigueur pour le Collapse. Ironwood lui-même ignorait si les dieux avaient pu influencer ces évènements.

Et si toute la situation était plus qu'un simple élan de passion destiné à la mauvaise personne ? Ce n'était pas des options qu'il pouvait ignorer. Ironwood se tourna et enleva lentement son gant qu'il posa dans un tiroir. Il avança dans la cuisine, ses pas raisonnant sur le sol. Il en fit le tour sans rien se servir et passa au salon. Pareil, ses talons faisant un bruit claquant sur le parquet. La chambre, le bureau et pour finir la salle de bain. Son regard scrutait chaque coin d'ombre, chaque signes suspects.

Finalement il revint se place devant l'homme aux cheveux d'ébènes. "Je m'excuse d'avoir mal interpréter. Ou surinterpréter tes intentions. " Foutaises. "Tu dois être vraiment égarés dans cette ville. Sans tes alliés sans ta famille et sans Clover. " Il observa la surface métallique de sa main, se perdant dans les détails sinueux de sa conception avant de redresser le regard. "J'imagine que ta présence ici n'a rien à voir avec tes anciennes rancunes. Ou avec l'opportunité de mener un groupe d'opposition en rencontrant les membres influent de Nexus à la soirée que j'ai évoqué plus tôt." Il réfléchit et fini par ajouter "Et que ton rejet est la conséquence d'une remise en question totalement personnelle. Très éloigner de qui je suis. De ce que je représente. De ce que tu as souffert à Atlas."

Le corbeau vacille, ne se pense pas en droit de formuler ce qui l’a conduit à faire ce pas de recul. Il ne parvient pas à verbaliser cette peur qui l’a pourtant pris aux tripes alors qu’il était si près de fondre sa malchance sur Ironwood, de lui faire prendre un risque dont personne ne pourrait approximer les contours ou la profondeur pour sa satisfaction personnelle. S’il s’agissait d’une simple coucherie, sans lendemain, il aurait sauté à pieds joints mais ils seront amenés à se revoir car, c’est évident, il y a de l’affectif écorché et irrésolu entre eux. Parce qu’il se doute que l’implication de James ne peut pas être autrement que totale, parce qu’il se découvre envieux à l’idée d’y goûter sans jalons. Par ce qu’il n’a plus la capacité de poser des limites franches. Il le sait, plus les gens sont proches de lui et plus le couperet s’approche de leur échine. Il ne peut pas engager une relation, parce qu’il risquait de s’agir de ça, avec quelqu’un qui anime à ce point-là son palpitant. Il n’arrive plus à suffisamment lui en vouloir pour être à ce point égoïste.

Ironwood a drastiquement changé, l’éclat dans ses yeux s’est éteint au profit d’un terne sans mouvement et sa posture s’est redressée comme s’il était un soldat de plomb. Qrow comprend alors tout le mal qu’il lui a fait ; James enfile son armure et se défausse de toute l’émotion qu’il lui entrebâillait. Ça crève le coeur, c’est amer en bouche. L’oiseau de jais ne se donne pas le droit d’ouvrir la bouche pour expliquer parce que James n’a déjà que trop minimisé les effets de sa semblance, parce que le discours qu’il lui a tenu était trop séduisant pour maintenir la prudence, et surtout parce que le mal est déjà trop installé. La cage thoracique de l’espion s’affaisse et ses bras retombent lourdement le long de son corps, il est prêt à retenir ses mots et à accueillir l’indignation de l’autre homme mais celle-ci ne vient pas. Non, il ne semble plus y avoir assez d’émotion même pour ça, le général s’est asséché. Le corbeau l’a déjà vu, rarement, être aussi mécanique et sait que tout est allé loin, qu’il avait raison de craindre l’importance qu’Ironwood plaçait dans leur relation balbutiante. Personne ne lui a jamais donné cette importance-là, l’éconduire est douloureux. Mais nécessaire.

Qrow le regarde toutefois d’un air perdu lorsqu’il commence son inspection des lieux. L’espion ne comprend pas de quoi il s’agit, il ne le suit d’ailleurs pas, lui laissant cet espace qui est également salutaire pour lui, loin de ce visage gelé mais splendide qu’il n’a vu que de trop près.
Son pas est raide. Qrow se l’imaginerait presque sur le pont de l’un de ses vaisseaux.
Lorsqu’il revient se positionner devant lui, le corbeau se frotte la nuque sans savoir comment mettre un terme à l’échange. Il ne préfère pas s’aventurer concernant ce que James a compris parce que ça lui donnerait sans doute la furieuse envie de le détromper. Il se retient sur le fil de lâcher un « t’as rien mésinterprêté, tu le sais » parce que les deux hommes ont sûrement bien compris quelles étaient ses intentions avant qu’il infléchisse et que les excuses de James sont impossibles à accepter, le vieux corbeau se contente de racler sa gorge et de marmonner un « Désolé » mâché et repentant. La manière dont Ironwood observe sa prothèse lui noue le torse, il y a peu Qrow la tenait entre ses doigts et espérait que le général ressente quelque chose. Ironique.

Et tout à coup les rouages s’actionnent lorsque l’autre homme égrène ses propositions d’un ton mécanique, impersonnel, mais accusatoire. « James » dit-il finalement alors qu’il avait choisi de le laisser penser sans objecter. Qrow est ouvertement mal à l’aise mais il a la nette impression qu’Ironwood ne croit pas un instant à ce qu’il a énoncé, tout au contraire, sa revue de l’appartement pourrait finit par l’alerter. « Crois-le ou non, y’a pas de grande machination. J’ai rien prévu, je suis ici parce que… » Comment le dire sans trop en dire ? « c’est juste arrivé ! » Il s’approche d’un pas et secoue le visage à la négative. Ironiquement son refus ne concerne ni Clover ni ses nièces, uniquement Ironwood et le nuisible qu’il est. Parce qu’il a été assez égoïste pour ça. « Je suis pas à la solde de tes détracteurs ou je n’sais quoi. » Un soupire. «  Ecoute… Je t’ai tenu pour responsable, mais… C’est moi qui ai le sang de Clover sur les mains. » Sa voix est rocailleuse, brisée.

Si James Ironwood en avait encore le souci, il convoiterait présentement la quiétude de son bureau. Spacieux et lumineux, il était au centre d’un chemin fait d’autres pièces similaires où les passages des salariés formaient le flux qui donnait vie au système. Le bruit des pas, des portes, des tasses, des voix basses, des réunions, c’étaient les instruments de la musique routinière de ses journées qui étaient parfois à hautes tensions, mais jamais comme sur Atlas. Sauf que son parcours de pensé s’était réduit, qu’il n’avait plus le visuel sur de meilleurs situation, sur l’envie de s’extirper du moment présent. Il n’avait juste qu’unun objectif ; Couper. Sans aucune possibilité de réparation, juste extraire la donnée instable qu’était Qrow, dangereuse et totalement hors de contrôle. Sectionner l’arbre, l’empêcher d’étendre ses racines.



James écouté l’argumentation pauvre de l’espion. Ce n’était pas qu’il ne pouvait pas l’entendre. Il comprenait bien les difficultés de Branwen à s’exprimer, à s’opposer. Ce n’était pas un leader, même s'il n’en demeurait pas moins une grande gueule. Il brillait surtout dans les prises de positions qui ne le concernaient pas directement, sachant se dresser contre l’autorité, faisant front contre la hiérarchie mais étant bien incapable de mordre jusqu’au sang ceux dans lesquels il plaçait un sentiment de loyauté, de reconnaissance de confiance.



Rien de tout cela ici, mais le langage de l’émotion, celui que Qrow ne maîtrisait pas de façon formelle, celui qu’il savait parler familièrement là où d’autres s’en emparaient froidement. Même en sachant ça, James ne pouvait pas faire confiance aux paroles du brun. Il était hésitant, mais il était surtout peu convaincant. C’est juste arrivé était une raison à peine plus réconfortante que celle de la manipulation. En voilà une raison qu’elle était bête, dommage même. Juste un égarement, un manque de chance que ses passions l’amènent ici, avec lui et pas un autre. Surement que le corbeau aurait pu consommer son errance avec quelqu’un d’autre, qu’il aurait pu trouver dans ce hasard du moment un peu de plaisir.



Très rapidement, ces pensées, il les balaya, car elle ne servait aucune fin, elle n’était que spéculation. Peu importe la raison de Qrow, que ce soit de la mesquinerie ou de l’irresponsabilité, une envie volatile ou un vicieux besoin. Cela n’empêchait pas Ironwood d’être prit dans une toile qu’il allait arracher, à grand coup de poing, à grand coup de hache, quit à arracher quelque chose qui était en partie organique chez lui. Ce n’était pas la première fois.



En même temps, même avec Mettle, Qrow était cette partie impossible à totalement ignorer, il était la vague qui faisait se mouvoir tout le bassin, le pavé de sa marre. A ses dernières paroles, Ironwood laissa le souffle bloquer dans son torse se libérer. Il souffla, passant ses doigts sur l’arrête de son nez et finalement il s’exprima.

“Je suis désolé...” Sa main de métal redescendit lentement devant son torse avant de se remettre derrière son dos. “Mais je ne crois pas à un seul mot qui sort de ta bouche, Qrow.” Tout claque. Son ton, sa langue, son regard. “Nexus te remercie de ton apparent acte d’héroïsme, jusqu’à preuve du contraire, mais je pense qu’il serait mieux que tu ne te mêle plus de la politique de la ville ou de ses crises.” Aucun mot pour Clover, aucun mot pour sa prétendue culpabilité car elle était ridicule. Le général l’avait entendu lui jurer la mort après son arrestation ; il avait oublié ces moments trop vite. Après trois ans, il s’était laissé emporter par leur passé commun sans vérifier la note qui avait mis fin à leur accord. Clover n’était pas la responsabilité de Qrow et le général ne l’avait jamais considéré. L’inverse n’était pas réciproque mais il en portait la seule responsabilité de son ordre et pas du coup fatal donné par un ennemi de l’humanité.

“Bon courage pour la suite. Et pour ton abstinence.” Finit-il

Qrow était déstabilisé. Les excuses d'Ironwood, il était prêt à les accueillir et même à les rendre. Si elles n'avaient pas été proférées pour attendrir la chair avant d'enfoncer le couteau plus profondément. Il y a un moment de balance, quelque chose d'intraduisible et puis James cingle comme s'il ne prenait plus rien en compte à part lui-même. Qrow avait pourtant cru à une ouverture. Il s'était exprimé avec ses émotions à vif.
La surprise et suivie par l'incompréhension et puis c'est finalement la colère, de plus en plus vigoureuse, qui prend la main.
Pas un mot sur Clover, comme si le général n'avait aucune considération pour l'homme qui lui est resté loyal jusqu'à son dernier souffle et qu'il l'a poussé à cause de cette même loyauté. A bien y réfléchir, James n'a jamais témoigné de respect envers la mémoire de son soldat, pas devant Qrow, la seule fois où ils en ont parlé il n'a fait que reconnaître la perte du corbeau sans commenter la valeur intrinsèque de Clover. Utilise t-il les gens à ce point ? Passe t-il à autre chose dès qu'ils ne lui sont plus utiles ? Cela expliquerait pourquoi et comment Ironwood est prêt à cloisonner, à sacrifier.
Pas une once d'écoute envers les raisons qui font que Qrow ne peut pas. Même s'il s'était juré de ne pas parler de sa semblance au risque d'être contredit hâtivement, il a signifié son incapacité et quelle est la réponse du conseiller ? Le mettre à la porte. Branwen est d'autant plus furieux que se retenir lui a coûté. Il a dû dire non à tout ce qu'il convoitait ; une place auprès de quelqu'un pour qui il ressentait, une place dans ce monde sans sens. La colère enserre ses tempes plus fort que la confusion et que la peine, maintenant. Un amalgame de frustrations, de détresses, qui le suivent depuis des années et qui explosent sans l'ivresse pour les diluer dans un flou grossier.
Pas de compromis, parce qu'il compte lui retirer l'espoir d'être utile à Nowhere en le coupant net des sphères où les décisions se prennent. Qrow n'a jamais voulu se mêler de la politique, même s'il avait des avis aiguisés à son encontre lorsqu'il s'agissait encore de Remnant, mais à Nowhere ? Il aurait le besoin de mieux comprendre les rouages afin de savoir quoi en penser, où se placer, où en être. Si Ironwood dresse entre eux un antagonisme qu'adviendra t-il du support de Nexus vers les cartographes ? Jusqu'où est-il capable d'aller pour un baiser refusé ?
Pas même de la confiance. Qrow est brutalement fixé ; James ne croit plus un mot de ce qu'il dit et remet même en question la sincérité de son action contre ConneXions. C'est difficile à avaler.
Le corbeau ne comprend pas le pourquoi de ce revirement alors que le conseiller était prêt à lui offrir la compréhension de cette ville et, surtout, à lui donner une place privilégiée à ses côtés.
L'oiseau de mauvaise augure ne reste pas longtemps sans réaction ; porté par cette colère qui dissimule le reste il fuse sur le général, empoigne de deux mains fermes son col et le pousse abruptement contre le mur du couloir. Ses yeux rubis le foudroient et il ne le lâche pas, peut-être qu'il n'en est même pas capable. J'sais pas ce que tu t'imagines mais t'agis comme un bel enfoiré. Lâche t-il d'une voix rêche et esquintée. En se remémorant sa réplique sur son abstinence il resserre sa prise jusqu'à s'en blanchir les jointures. Désespéré, sûrement, d'avoir son attention au travers du voile de rigidité qui s'est emparré d'Ironwood. Et tu sais pour qui j'étais sobre ?! Tonne t-il, brûlant d'envie de lui refaire le portrait pour lui arracher une réaction humaine. Sobre, il l'était pour l'intérêt de la mission qu'Ironwood lui avait confiée. Puis pour leur repas. Parce qu'il se sentait presque utile, désiré. C'était sa seule bouée de sauvetage en l'absence de ses nièces. Mais qu'est-ce qui t'arrive, bon sang ? Cette fois c'est presque désespéré parce que, malgré lui, il crève toujours de comprendre. Je suis là parce que tu me plais. Ou plutôt parce que l'homme que je croyais revoir me plaisait ! Maintenant, j'ai l'impression d'être de nouveau devant une foutue machine. Il déglutit, sa pugnacité perd du terrain même si ses mots sont martelés avec virulence. Je me mêlerai des affaires de Nowhere que ça te plaise ou non, conseiller. Alors le choix t'appartient : soit on s'explique soit je passe cette porte et y'aura pas de retour en arrière.

Il sentit les jointures mécaniques de sa main frémirent alors que son mouvement offensif était retenu sur le fil de l’acier, ses doigts s’arrêtant recourbés comme des crochets près du poignet de Qrow, prêt à appliquer leurs emprises machinales. Ils se figèrent dans cette position, marquant bien leur caractère inhumain, s’arrêtant complétement comme l’aurait fait un outil, sans un tremblement, sans un relâchement. Tout son corps, parcouru par son aura, appelait à la riposte. Et il failli lui donner raison. Il ne savait par quel miracle il avait eu cette impulsion retenant son bras, comme une dernière corde rattachée à une forme de volonté de préservation. Cependant, sous l’impulsion de Mettle, elle allait céder, comme les autres, pour le bien commun. Qrow était en capacité de se défendre. Qrow devait aussi faire face à la responsabilité de ses actes, à refuser de mettre fin à la discussion peu importe les risques.


Les risques. Le métal de son arme reposant sur sa cheville électrisait sa peau.

James toisa avec froideur le visage fin devant lui, sa main toujours armée par des intentions bellicistes. Et finalement, il laissa tomber son bras et sa semblance pour quelques secondes, le membre s’affaissant sans douceur à ses côtés. C’était comme plonger dans un lac bouillonnant. Difficile de dire d’où venait le tourment, c’était diffus. S’il baissait son bouclier, ça ne voulait pas dire qu’il quittait sa garde. Cependant, il aurait voulu garder tous les pares-feux possibles, car chaque parole de Qrow était une intrusion difficile à contrer de façon calme et raisonnée.

Non Qrow n’était pas sobre pour lui, il l’était dès leur retrouvaille sur Atlas, pour sa famille, peut-être pour ses nouveaux amis. Il n’était pas là pour lui ne l’en déplaise, il était là pour une envie, pour quelque chose qu’il convoitait, peut-être pour divertir son désespoir ou pour l’attiser juste assez pour pouvoir s’en repaître plus tard dans une démarche pénitente. L’ancien général détestait le ton familier qu’employait l’homme devant lui, comme s'ils avaient été amis un jour alors que les mots les plus doux qu’il lui avait jamais adressé était peut-être la formule de politesse à la fin de ses écrits.

Il aimerait que Qrow soit devant une foutue machine, et il hésita encore à exaucer les impressions de l’espion, tout en sachant ce que cela pouvait représenter. Il avait encore la sensation vertigineuse de son esprit tombant en chute libre alors qu’il regardait dans les yeux ambrés du garçon. Et c’était ce qui l’empêcha de remettre Qrow face à cette machine qu’il voyait déjà.

Mais voilà le problème, sans ses protocoles, il n’était plus aussi déterminé à détruire tout ce qui les accrochaient encore, que ce soit positif ou corrosif. Il avait ce besoin terriblement humain et inutile de s’expliquer, comme quand il avait balbutié à Qrow des justifications misérables après l’attaque de Vale.

“Je ne comprends pas en quoi tu es étonné, tu me connais depuis suffisamment longtemps.” Qrow ne l’avait-il pas toujours considéré comme un enfoiré ? C’était une constante qu’il n’avait jamais autant remarqué que depuis leur séparation. “Je ne crois pas qu’il ne t’ait jamais plu et que tu sois sobre pour cette raison. Peut-être que tu l’es car c’est ce que tu recherches depuis longtemps, que tu as besoin de t’accrocher à quelque chose, mais tu ne peux pas t’accrocher à moi. Tu ne peux plus. Tu.” Ce n’était pas son genre de perdre ses mots, car il avait toujours été écouté, entendu, sa voix s’était familiarisée à ces audiences, avait gagné en assurance. Elle n’avait jamais craint l’opposition, toujours déroulé son schéma de pensé sans vaciller, trouver des subterfuges pour s’exprimer même quand elle n’était pas autorisée. Et juste un battement d’aile de corbeau et ça s’effondrait.

“Tu n’as aucune légitimité à me servir ce discours, tu n’es pas éconduis ; c’est bien plus, je prends en compte la situation globale. Tu m’as bien signifié ton refus, je ne reviendrais pas dessus. Tu feras ce que tu souhaites, comme à ton habitude, je n’ai jamais pu t’en empêcher. MAIS JE REFUSE - ...” Il serra la mâchoire avant de reprendre “Je refuse de laisser mes sentiments personnels intercéder dans les affaires de Nexus. Pense ce qu’il te plait Qrow. Tu n’es pas une machine, alors je me demande bien ce que tu vois de ton point de vue. Moi j’ai le mien.”

Est-ce que Qrow s’attendait à ce qu’il lui dénie toute forme de liberté ? C’était en tout cas ce que le conseiller voyait dans ses propos et dans un sens... il pouvait l’entendre. Il se demandait ce que ceux de chairs avaient vu de lui à la fin. Et en même temps, il n’en ressortirait pas plus accomplis en le sachant.

Qrow remarque cette main qui réagit sans pourtant le saisir, qui reste dans une suspension métallique, retenue par il ne sait quoi. Et ne pas le savoir le pousse au bord d'un précipice amer. Il n'est pas dans les meilleures dispositions. En découdre serait sans doute plus simple, cathartique, la douleur lui hurle d'aller au contact. Des images s'imposent pourtant contre sa volonté, sans savoir pourquoi il se souvient brutalement de cette fois où James lui a tendu son arme au lieu de se prémunir de sa charge. Il ne parvient pas à oublier l'homme qui semble semi absent derrière le regard sans éclat dans lequel il tombe. " Qu'est ce qui te retient, Jimmy ?" lâche t il, âpre, pressant et provoquant. Il ne veut pas en arriver aux hostilités, pas en son for intérieur, mais peut être qu'il serait plus simple de s'éloigner de lui après un antagonisme consommé. Il se sait lâche.

Et soudain, son regard s'éclaircit et une décharge d'émotionnel surgit des lèvres de James, fait s'effondrer le château d'excuses et de dérobades. La colère fait une chute vertigineuse. Même s'il ne le veut pas, Qrow est transi de suppositions. Les choses s'emboîtent trop plausiblement, trop pour que cela ne sonne pas comme un aveu écorché. "... Tes sentiments." Ce n'est pas une question mais c'est balbutié, griffonné. James a toujours fait passer sa vision du devoir et son accomplissement avant tout le reste et, là, il hurle que quelque chose serait assez lourd pour y faire obstruction. Quelque chose dont Qrow est à l'origine.

Le corbeau n'est pas en capacité de lui dénier la capacité de ressentir même si ce serait plus simple de se persuader qu'Ironwood n'a aucun coeur à donner. L'oiseau de mauvaise augure reste aphone après avoir tangué d'un pas vers l'arrière, son souffle court et ses pensées se dissolvent dans un amalgame de choc, de culpabilité, de frustrations. Parce qu'il aurait crevé de recevoir ça de sa part, crevé d'envie et suffoqué de négation à la fois. "James... Les choses ont changé." Admet t il, en se remémorant leurs désaccords incessants et la manière dont il les faisait cingler lui même bien avant d'en être arrivé à jurer sa mort. En se souvenant du raid sur ConneXions et de ses retombées positives, à des années de partenariat pour Remnant. A l'une de ses seules relations suivies. "Je... Je pense que tu peux faire du bien à cette ville. Et j'ai pas spécifiquement pour intention de te contrecarrer." Même si la confiance est ébranlée, il voudrait lui accorder oralement le bénéfice du doute mais il ne parvient pas à totalement l'articuler. Parce que ça ne concerne pas que lui.
Peut être qu'ils pourraient faire mieux ensemble, cette fois, peut être que le conseiller vient d'ouvrir la voie de l'honnêteté pour quelque chose de productif, de nécessaire. Quelque chose qui, si non dit, ne ferait que les retrancher dans des positions polaires. Mais n'est ce pas ce qui doit être fait ?

Qrow ne s'est jamais senti aussi déstabilisé, en balance, entre foncer et fuir. "Mais je ne peux pas laisser mes sentiments personnels me faire oublier les risques." Finit il par lâcher, cherchant les yeux du conseiller dans un élan afin de se faire comprendre. Enfin presque. Il ne précise pas qu'il parle de sa semblance mais se risque à révéler que des sentiments, quels qu'ils soient, sont éprouvés des deux côtés. Il ne peut pas laisser Ironwood se dévoiler sans faire un pas en avant, même s'il dévie de côté, il n'est pas assez fort. Un rire sans joie, cynique, s'élance hors de ses tripes et il passe une main molle sur sa nuque. "On est bien avancés, hein ?" Il pousse un soupire à tout rompre, sans délicatesse.