Because the world is on fire -- James.

Les informations sont projetées et le corbeau tique, cette mégacorporation est déjà implantée dans tous les secteurs névralgiques. Et il n'y a visiblement pas de contre-pouvoir susceptible de calmer ses ardeurs sans en passer au préalable par une cueillette d'informations à charge. Et si on fait tomber ConneXions, qui reprendra le flambeau hein ? C'est malheureusement moins de la méfiance qu'une question qui s'évade, sincère. L'influence de la corporation semble s'étendre à tous les champs d'activités, sa place ne pourra pas rester vacante longtemps. Il veut savoir ce qu'Ironwood a projeté. Vérifier s'il le met une seconde fois dans la confidence.
Comme s'ils étaient encore amis. La bonne blague.

En dépit des sujets abordés, l'exposé du général est précis, chirurgical même, lavé de toute émotion encombrante. Qrow l'écoute d'une oreille critique malgré sa posture désinvolte et le tournis que lui flanque l'alcool. Il connait suffisamment James pour supposer que ces informations sont correctes, l'honnêteté crue est son mode opératoire, mais le vieux corbeau a l'impression d'entendre un robot. Peut-être qu'une pointe de frustration s'immisce. "Notre alliance". "Pas irremplaçable". C'est tellement factuel que le noirâtre en grimace. Il a du mal croire que cet homme pourrait avoir appris de son erreur cuisante. Cela dit quelque chose ne colle pas avec les méthodes habituelles d'Ironwood. Le porte-poisse donnerait cher, une fois n'est pas coutume, pour un peu plus de clarté d'esprit à cet instant précis. Il fait glisser le sésame dans sa poche, près du porte-bonheur qui lui sert encore de boussole.
Je sais que t'as toujours cru faire faire ce qui devait être fait pour Remnant. C'est précisément ça qui te rend dangereux. Son ton est mordant et, en même temps, déplore de façon éreintée. James voulait sans doute être le protecteur d'Atlas envers et contre tous, il y a laissé son cœur et faire ce constat est profondément désagréable mais ne le dédouane de rien. ça s'rait pas le première fois que tu mets une responsabilité pareille sur le dos de quelqu'un qui n'a rien demandé. Rétorque t-il du tac au tac pour trancher dans ses pensées parasites. Il ne compte pas le laisser oublier Penny ou l'ultimatum monstrueux dont il s'est rendu coupable.
Qrow arrive mieux à mettre le doigt sur ce qui le chiffonne.
Alors le conseiller Ironwood prend un pari. Et cette fois sans avoir de moyens de pression pour le faire pencher dans son sens. Uhmf, ça c'est nouveau. Il se frotte l'arrière du crâne dans un geste alangui. L'oiseau de mauvaise augure ne sait pas quoi penser d'un James qui mise sur lui. Il n'y avait jusqu'ici qu'Ozpin pour faire ça. Mais le parallèle s'arrête là. Et le corbeau se maudit d'y avoir songé ne serait-ce qu'un instant.

Il raffermit son équilibre autant qu'il le peut et s'avance près du conseiller de sorte à tomber nez à nez avec lui, son souffle imbibé cascadant contre les traits impeccablement exténués de l'homme de métal. Même s'il est à l'initiative de cette proximité elle n'est pas sans effet sur le corbeau qui, de frustration, plaque violemment la paume de sa main sur la surface du bureau de sorte à restreindre la zone de confort de son interlocuteur. Son ton claque.
Funestes ? C'est l''euphémisme du siècle. J'ai du mal à croire que tu ne veux plus tout contrôler, Jimmy. Qu'est-ce qui t'a fait gamberger ? La chute d'Atlas ? Le fait que tous tes alliés te tournent le dos ? Quand est-ce que ça a été trop même pour toi ? Ses yeux écarlates s'amarrent aux siens comme si le saoûlard était prêt à lui décocher un poing, comme s'il cherchait désespérément une réponse claire. Son état d'ébriété n'aidant pas il reboucle là-dessus, comme s'il voulait vraiment trouver une preuve que les choses pourraient être différentes ici.
Je prends mes responsabilités. FInit-il par admettre, sans s'écarter de l'odeur boisée du général, le regard pourtant plus flou que quelques secondes auparavant. Il humecte ses lèvres, essaie de remettre de l'ordre dans ses pensées. Son regard dévie vers la baie vitrée et il s'imagine le nombre de personnes qui, à ce même moment, sont en zone confinée.

La situation dont il est fait état est glaçante. ConneXions semble vouloir régler le problème seule, en vase clos, certainement pour ménager son image. Il repense aux derniers mots de James et plonge de nouveau dans ses yeux bleus, scrutateur. Et si les labos de The Heart avaient cette souche, ça pourrait changer quelque chose ? Il se racle la gorge, sur le point d'honorer sa part du marché. J'ai vu où ils emmènent les infectés et je peux m'y introduire. S'ils cherchent bien un remède, ils devraient l'avoir sur place, la souche, non ?

La rancœur de Qrow était gérable, tout comme sa défiance et ses bravades. Aisé à encaisser sans y injecter un peu de courage, ce n’était pas leur première dispute même si elle revêtait un caractère définitif sur le futur de leur relation. De sa distance professionnelle, il rendait son cœur si intangible que les remarques passaient sans mal au travers, sans heurt mais également sans récompense. Seulement, il ne s’attendit pas à ce que le Chasseur l’empoigne et le compresse entre ses serres en pénétrant son périmètre. Peu de gens avait eu l’occasion de le faire sans son aval, qu’il le veuille ou non, il semblait que son image était faite d’une autorité répulsive.

Son souffle se coupa sans lien avec l’odeur enivrée du souffle frelaté du brun face à lui. Son visage gardait son masque de fer et laissait seulement l’émotion de ses yeux se refléter, le remous du plongeon de Qrow vers lui agitant ses yeux d’eau sombre. Son corps se rigidifia, gagna plusieurs centimètres qui allaient vers l’arrière, vers ailleurs, bloqué entre l’espion et le bois sombre de son bureau. C’était plus difficile d’échapper aux mots du Chasseur ainsi amarré à son port, plus compliqué également de ne pas se perdre en contemplation coupable, vicieuse, nourrissant le péché de l’envie. Ses pupilles suivaient les mouvements de ce visage pâle et à la jeunesse volée ; les tressautements de ses sourcils, les plis qui dessinaient les expressions de son visage et les mouvements de ses lèvres. Son talon tapa contre le bois élégant de son meuble qui lui coupa sa retraite.

Il répondit avec le flegme qu’il voulait être le sien, mais qui était agité par l’urgence. « Ce n’est pas aussi nouveau que tu le pense ; j’ai parié sur Ozpin et son plan pour sauver le monde, du moins celui que j’imaginais derrière ses secrets et ses non-dits. J’ai pris des risques pour notre alliance, pour réparer les échecs qui s’en sont suivis. Je n’ai engagé que ma responsabilité et j’ai demandé à ceux qui avaient signés en tout état de cause de faire leur devoir. Je l’ai fait pour Atlas et je l’ai aussi fait pour Remnant ! J’aurais tout sacrifié ! » Les questions de Qrow le bombardaient, le colonel cherchait à y répondrait efficacement, à lancer une frappe sur chaque offensive, mais ni le terrain ni ses ressources ne jouaient en sa faveur. Quand est-ce que ça a été trop même pour toi ? Il se pencha vers son visage en hurlant « Ca l’a toujours été !! » La reliure de son bureau explosa sous ses doigts qui serraient le bois.

Il y eu un moment de silence qui s’étendit sur un fond de souffle abimé avant que le conseiller de passer une main dans ses cheveux, remettant ses mèches éparses en arrière et reculant. « Tu as néanmoins raison de me demander plus de détail. Tu fais comme d’habitude preuve de bien plus de sagacité que tu ne veux bien te l’accorder.  En effet, si le cadre juridique ne change pas, alors une nouvelle ConneXion prendra la place vacante, changeant juste son image et nettoyant mieux les rouages de sa machine. Sauf si l’opinion venait à être si opposé à ce système qu’elle en viendrait à faire pression sur le conseil lui-même. Et pour cela, nous avons besoin d’un scandale, plusieurs mêmes, de mettre en lumière les agissements de ConneXion. Ainsi, nous pourrons changer notre arsenal juridique voir nationaliser certains secteurs essentiels. » La discussion s’écoulait comme s’il n’y avait eu aucune accroche. « D’ailleurs ton idée est tout à fait brillante. En effet, si une souche venait à… mystérieusement entrer en possession des laboratoires de The Heart, sans qu’on en connaisse la provenance et son caractère hautement confidentiel, alors nous pourrions reprendre le contrôle de la situation. Nous pourrions gérer les retombés juridiques plus tard. Il faudrait surtout ne pas se tromper sur la souche à extraire, sans quoi nous aurions tout perdu. Et pour renforcer la difficulté derrière l’opération, si la souche venait à se rependre par accident dans le reste de la ville, alors ce serait une catastrophe sans précédent. Voilà pourquoi il nous faudrait un appuie scientifique pour savoir comment le transporter. Je vais passer des appels. A moins que tu es autre chose en tête. »

Qrow ne sait pas se qui le sidère le plus, la beuglante écorchée du général ou bien sa manière de faire comme si rien ne s'était passé. Le silence retombe un long instant et il songe à le laisser s'en aller à ses obligations, secoué et presque penaud. Les bras ballants il observe les débris et ne reprend son souffle qu'ensuite, dans un murmure. Je sais pourquoi tu l'as fait. Il sait qu'Ironwood était pris à la gorge et dos au mur, il sait qu'il n'a jamais voulu autre chose que protéger Remnant, il sait qu'il était prêt à tous les sacrifices et qu'il doit s'être persuadé de les avoir faits comme s'il y avait de l'héroïsme là-dedans. Ce que je m'explique pas c'est comment tu as pu en arriver là. Tu n'as donc aucun cœur là-dedans ? Malgré la rudesse de sa question la voix qui la porte est abîmée. Le corbeau cogne du revers de la main contre la partie du torse de James qu'il sait faite de chairs. Il tambourine sans fards et à chaque fois plus fort. Il ne peut pas prétendre que l'ivresse est seule responsable. L'oiseau de mauvaise augure est profondément secoué par la réaction du général, par cette manifestation de désespoir, car elle entrebâille quelque chose qu'il crève de voir. Comment, hein ? T'étais tellement focalisé sur ton foutu plan que t'as rien vu... Les gamins ont sauvé des milliers de vie. T'aurais pu en être. Dans sa voix accusatrice il y a cette fois un sanglot haché. A cet instant Qrow ne sait plus ce qu'il lui reproche le plus et quelle est la finalité derrière ses attaques.
Autre chose en tête ? Il y a un milliard de choses qui s'y pressent et qui s'y entrechoquent. Le corbeau n'a pas une grande capacité réflexive ou d'introspection quand il est à ce point imbibé, il laisse davantage parler ses affects bons ou mauvais. Ses impulsions. Il se désespérait de voir James réagir avec humanité et maintenant qu'il l'a vu faire, il ne compte pas le laisser se retrancher derrière ses phrasés protocolaires.

Ses bras s'ouvrent lentement et, dans un geste maladroit, il le prend dans ses bras comme l'autre homme l'avait fait à Atlas - à sa plus grande surprise. Ses mains se posent sur son dos et il enfourne sa tête contre son épaule organique. L'espion n'a jamais été, de sa vie, à l'initiative d'un contact pareil et n'en a reçu que quelques uns ; la faute à sa semblance et à la distance qu'il a toujours du observer afin de ne pas amener le malheur sur les autres. Le contact a quelque chose de surréaliste et c'est sans doute pour ça qu'il ne le regarde pas dans les yeux lorsqu'il bredouille. Pourtant t'en as un. De cœur. Il le tient quelques instants sans réellement savoir que faire de lui-même, l'odeur d'Ironwood est entêtante et lui retourne ce qu'il lui restait de clarté. Il voudrait lui dire bien des choses, ses regrets, ses sentiments en oubliant de les conjuguer au passé.
Avant de faire une erreur cuisante, il n'en est pas loin, le vieux corbeau relâche sa prise et fait un pas chancelant de côté. C'est là qu'il remarque que son cœur tambourine.
Il met la main sur sa flasque de whisky avant de se souvenir qu'elle est vide, il lâche un grondement contrarié. Dans tous les cas il doit être sobre. Va passer tes appels. Je serai là... pour prendre mon ordre de mission.

Ironwood n’eu pas la force de plaider sa cause quand Qrow sembla prêt à l’agripper, sûrement pour lui asséner un nouveau coup qui viendrait raisonner en accord avec les échos de sa douleur. Son mouvement était scruté mais rien n’aurait pu préparer le colonel à cette explosion. Les bras qui s’enroulèrent autour de lui vinrent exploser la bulle d’air entre eux et l’homme d’acier prit le souffle de plein fouet. Le choc, l’hébétement et un silence venant d’un caisson d’isolement qui semblait les entourer soudain. Et puis, alors que le menton du chasseur cueillait son épaule, il était dans la bulle avec Qrow, tous les deux.

Il cligna des yeux alors qu’il se souvenait avec amertume l’embrassade qu’il avait quémandé sur Atlas en se dévoilant totalement face à lui, dans un parfait sens unique. Et en même temps il était impossible de nier la chaleur qui pénétrait son corps froid, il voulait enrouler ses doigts transits autour de ce foyer crépitant.

Pourtant t'en as un.

Avec un souffle profond, James fini par entourer ses bras autour de sa taille fluette, déplorant de ne pas sentir la sensation douce de son dos sous ses doigts mais appréciant la sensation de ses mèches caressant sa mâchoire. Il aurait voulu avoir le courage de ne pas céder, de ne plus céder, pour lui et pour Qrow. Quand le Chasseur quitta l’étreinte, il faillit le retenir avant de laisse tout simplement glisser ses paumes le long de sa cape, la laissant s’échapper comme un tissus fantôme.

Il fit un pas de recul, quittant à son tour leur bulle, retournant à la stabilité froide de la réalité. Il du prendre quelques secondes pour reprendre contenance, comme si son corps s’ajuster à un nouvel environnement hostile. Il passa ses deux mains jointes devant son visage, appuyant son front contre elles et sans redresser le regard il pointa le canapé d’un mouvement lâche. « Repose toi, j’en aurais pour une petite heure. Je reviens pour le meeting avant ton départ. » Il attrapa son scro-téléphone et le mit dans sa poche avant de se diriger vers la sortie. Il s’arrêta sur le pallier de la porte et ouvrit la bouche.

Qrow. Je le pensais quand j’étais heureux de te voir à nouveau.

Il ne dit finalement rien et s’engagea dans le couloir.