Clipped Wings [Pv Hawks]

Pour être honnête, ça tombe assez mal. Même pas un Steven sous la main, songe t-il, les paupières tombantes.
Ses bottes s'enfoncent dans le sol poudreux alors il s'élève d'un pas dans les airs, posté en biais et la garde haute, ses ailes recourbées font office de boucliers devant et derrière lui, quelques plumes ruissèlent du panage rouge qui bloque les éraflures du sable. Derrière sa visière teintée, il ausculte. Hawks ne cède pas à la hâte. Sans plumes artificielles pour compléter et soutenir son plumage, il mise sur des attaques décisives. Sa main gantée enlace son katana. S'il porte une arme blanche c'est pour épargner ses plumes les plus mobiles. Il sait que son partenaire est conscient de la raison de ce changement de style, il n'aura d'ailleurs pas eu besoin de ça pour comprendre, le héros ailé n'a jamais cherché à nier, amoindrir aurait été contreproductif et si Endeavor est observateur dans le professionnel il est carrément soucieux dans le privé. Il faut vraiment vérifier sa tension.
Il est important de bâtir un plan en tenant compte de toutes les cartes pour ce qu'elles sont vraiment. Endeavor et lui sont, tacitement mais profondément, il en est persuadé, d'accord sur un point fondamental : le devoir ne peut pas être mis en pause et ne le sera pas. L'inquiétude d'Enji il l'a ressentie, ça a réchauffé son torse, mais il a gentiment botté en touche et l'enflammé l'a sûrement laissé passer sans parade argumentative pour la même raison : ils sont des héros professionnels. Sûrement, l'aigle en est conscient, lui a-t-il forcé la main en traçant un retour bien décidé, si ce n'est dirigiste, vers les patrouilles. Enji est plus humain que lui et c'est quelque chose qu'il respecte, qui l'aide à avancer et à se découvrir plus profondément. Le rapace se dirait davantage en mesure de compartimenter et peut-être d'ordonner tout ça, sûrement grâce à son dressage, parce qu'ils ne peuvent pas abandonner leurs postes et pas non plus leurs sentiments respectifs. L'idée serait de ne rien se cacher, ce qui est plus ou moins réaliste.
L'espace aérien est plus que contraint, un vrai siphon, les attaques à distance nécessitent des calculs - mais heureusement ceux-ci se fluidifient avec le temps : les vents déferlent, de la droite ou de la gauche, mais le pivot ou la forme de la projection ne changent pas énormément. L'ennemi ne semble pas avoir, à proprement parler, la capacité de contrôler l'air - il le perturbe uniquement dans une oblique plus ou moins rapide et resserrée.
Il pourrait sans doute slalomer à contre-courant en poussant un peu sa vitesse ; ça pourrait fournir une distraction. Mais il faudrait qu'ils puissent se coordonner.
Les gerbes de feu d'Endeavor sont également silencieuses ; son équipier doit faire approximativement les mêmes calculs. L'enflammé a, largement, la force de frappe suffisante mais cette tempête doit l'empêcher de discerner grand chose et, aussi, les vents violents pourraient rapidement répandre un incendie. Hawks peut se fier aux vibrations de la fréquence cardiaque de son équipier pour le localiser plutôt correctement, il y a quand même un peu de friture sur la ligne.
Il doit lui dégager un angle d'attaque. S'il a vu juste, la zone d'activation de l'alter ennemi est semblable à un cône dont le sommet ne dépasserait pas les 35 mètres.
Le gueulement de leur adversaire tire la commissure de ses lèvres de côté, tant de théâtralité c'est typique de la part d'un vilain et souvent symptomatique du moment où il pense toucher au but. Retour de celui qui préside, hein ? Soit c'est un délire particulièrement galvanisé, d'un coup, soit il cherche à invoquer une entité quelconque. Dans le doute, il faut agir, vite.
Hawks n'avait pas anticipé l'assaut des rapaces de sable ; ils se fracassent contre ses ailes qui encaissent le martellement diluvien, mais certaines serres passent au-travers du maillage et cherchent à agripper ses épaules, ont le temps de déchirer un peu de tissus et de la peau, entre la clavicule et le cou, avant qu'une vrille à basse altitude ne les déloge. L'ennemi essaie de les clouer sur place, il est sûrement bien en train de caster son coup décisif.
Le feu d'Endeavor doit pouvoir les réduire en poussière, ces invocations gêneront surtout le héros ailé - c'est sûrement ce que le vilain va se dire et ça fait plutôt son affaire ; plus besoin de rechercher une diversion. Le seul risque c'est de se trouver emporté dans le même courant d'air que les invocations, ce serait un coup à se faire becter.
Hawks bondit vers le ciel en visant la ligne la plus droite, puisque l'angle de frappe de l'ennemi semble penché de 20 degrés environ, il pousse sa vitesse pour semer l'essaim à ses trousses et, comme il l'espérait, parvient à s'extraire du cercle de tempête - au moins le temps que le vilain le repositionne. A ses basques, les rapaces jaillissant à ras le sol et grimpant comme un geyser semblent se fusionner les uns aux autres, comme un épais pilonne de sable dont les contours sont secoués par des battements d'ailes par centaines.
Son numéro 1 va faire le boulot, il en est certain. EndeaVOOOR-SAAAN ! Beugle t-il en retour à l'appel de son partenaire, mais c'est vraiment pas la peine d'expliciter la demande.
Enji gère.

Le rapace s'élance à la poursuite de toujours plus d'altitude, remonte le drain du courant le plus ascendant, ailes projetées à l'arrière, il tournoie comme une torpille pour se garantir une vitesse accrue et maîtriser au mieux l'exposition aux vents, rendus acérés par le sable, qui fouette son visage et lui provoque de sales grimaces. Il se contraint à garder un point de mire haut, Hawks n'abaisse le menton vers les créatures qui le poursuivent qu'une fois sa vitesse bien lancée : il doit accorder à Endeavor le plus de temps possible. Constituer la meilleure distraction.
Son katana est porté comme une égide, bouge avec lui pour trancher, éclaircir, une partie du typhon sableux qui voudrait bien l'engloutir.
Dans un geste aussi fluide que minuté, ses ailes déploient leur largeur et son corps s'élève dans l'à-coup. Une volée de plumes en jaillit à une vitesse proportionnelle à celle de sa percée, déferle comme une pluie d'acier qui transperce méthodiquement les assaillants susceptibles d'accrocher ses fringues lacérées. Les plumes carmines fracassent la texture sablonneuse des poursuivants ; pour être économisées elles ricochent d'une carcasse monstrueuse vers l'autre, un maillage rouge vif se dessine de choc en choc à la cime du ciel, et chaque plume revient se greffer aux ailes, dont l'envergure décroit à vue d'œil, lorsqu'elle est arrivée au bout de sa série de touches. Cela dit, les plumes s'endommagent davantage à chaque fois qu'elles sont renvoyées et certaines le sont trop pour adhérer de nouveau au plumage, elles cascadent alors vers le sol ; inutilisables. D'autres peinent à résister, se tordent, s'effilochent.
Il n'en aura bientôt plus assez pour tenir sa vitesse de pointe et les créatures aréneuses, quant à elles, semblent produites à la chaîne. Tant que le générateur ne sera pas éteint. Mais Endeavor devrait pouvoir désosser la machine, vite. Le héros ailé en est absolument persuadé. Ses bras sont gainés et chargent des coups sourds pour se dépêtrer.
Leur tandem est le plus puissant jamais vu, c'est ce qu'il aime à rabâcher aux oreilles de son partenaire histoire de rendre sa certitude contagieuse, plus qu'une prophétie auto-réalisatrice : la promesse que l'un ne peut pas être à terre si l'autre le soutient.
A eux deux ils peuvent même dépasser All-Might, ou plutôt tourner sa page - parce que contempler le passé n'aide en rien le présent - c'est en ça qu'ils doivent croire, farouchement et pour la Ville - Endeavor doit être le nouvel espoir qui se présente à ceux qui en recherchent un et Hawks doit l'aider à déployer ses ailes ; lui montrer en quoi il peut être ce symbole. Enji a, vite, accepté de considérer leur duo comme une réponse à la retraite de l'éternel numéro 1, le rapace ne l'avait qu'à moitié vu venir. Bien sûr, Endeavor est un vrai héros, soucieux de la population sous sa responsabilité, mais il s'est fracassé toute sa vie contre la figure irréalisable et viciée du surhomme. Il n'a jamais accepté la faiblesse comme un élément à traiter parmi les autres, il aurait pu concevoir l'aide comme tout autant inacceptable, comme une confirmation, la preuve d'une identité impossible à atteindre seul. Il aurait pu la haïr et se haïr de la considérer.
Mais il n'en fut rien. L'aigle ne l'admire que plus, sur une base plus saine, l'idéalisation laissée au placard. Endeavor a progressé en changeant son cap. Peut-être bien, cela dit, qu'il y a sacrifié une partie de lui, celle qui était trop nécrosée et coupable, qu'il n'avance plus que pour le devoir. L'aigle compte bien continuer de lui proposer un autre chapitre dans le civil. Hawks en bénéficie pas mal, il l'avoue de bonne grâce. En fait, il radote allégrement à ce sujet.

Le signal est détecté et ses plumes ébrouent une trainée carmine en modifiant leur consistance, l'air se charge en chaleur et perd conséquemment en densité, pas besoin d'y réfléchir tellement le rythme est forgé ; Endeavor a lancé l'offensive, a trouvé l'ouverture attendue, ses ailes se réhaussent et s'alignent en anticipant la piquée : attaquer le dos de l'ennemi puisque son partenaire maîtrise la première ligne. Déstabiliser pour lui permettre de toucher dans le vif. C'est le moment de frapper aussi fort qu'il le peut : ses plumes, devenues rigides comme l'acier, se débarrassent en un tournoiement rêche des nuisibles dans le sillage proche. Hawks fuse vers le sol qu'il rase le temps d'un unique battement d'ailes, il ambitionne de charger avec toute la vitesse acquise dans la chute libre et grâce au poids de son revêtement d'acier.
Mais il n'avait pas prévu cette contre-offensive. L'onde de choc est massive, elle l'envoie paître à une vitesse inouïe, Hawks s'était lancé à presque 300 km/h alors son atout se retourne contre lui, la poussée de la déflagration l'emporte à la dérive totale : le héros ailé roule-boule dans les airs, protège autant qu'il le peut sa nuque sous ses gants, jambes renversées au-dessus de sa tête échevelée, il gaine ses abdominaux en râlant sa douleur. Ses ailes essaient de battre mais se retrouvent bien lésées par la puissance qui leur est opposée, il enrage légèrement de constater à quel point son plumage est affaibli par les bons soins de Dabi. Tout est trop rapide, n'importe quel impact, n'importe lequel et c'est fini. Ses ailes se resserrent autant que possible autour de ses points vitaux, amortissent les projections de sable.
Son esprit ne cède pas à la panique, il a toujours son point de mire, de la lumière claire et nette pour percer l'hébétement ou la terreur, il l'a toujours eu. C'est sa chance et l'atout qui ne pourra pas lui être enlevé. Ses yeux se ferment, dans la cacophonie des éclats perçants et du vent rugissant, il utilise son écholocalisation, parvient à donner le coup d'aile suffisant pour ne pas finir embroché comme un poulet malchanceux. L'obstacle ne fait que griffer sa hanche.
Endeavor se bat, il a besoin de lui et, surtout, son partenaire lui offre bien sa chance. Envoyé à plusieurs centaines de mètres, comme s'il n'était qu'un vulgaire grain de poussière, Hawks a le loisir de constater qu'il n'est vraiment pas la cible privilégiée. Si son esquive a été possible, s'il peut de nouveau battre des ailes convenablement, c'est que le focus adverse s'est posé sur Endeavor.
Hawks tire une bonne fois pour toutes sur ses muscles dorsaux, parvient à toucher le sol où il effectue trois pas, le temps d'empoigner par réflexe sa blessure sanguine - mais visiblement pas bien méchante et s'élance à sens inverse et à vitesse maximale.
Il fend la distance en quelques secondes, tant pis s'il ne peut plus réitérer la prouesse ensuite. S'il a été autant délaissé par le vilain c'est que ça craint sur place.
Et, lorsqu'il déboule, c'est encore pire que le suggéraient ses pronostics. Les déplacements d'air trahissent une présence massive à raz de terre.
Hawks ne peut pas décélérer, son plumage est moins agile qu'avant et cela lui ferait perdre trop de vitesse, trop de latence au redéploiement. L'analyse est vite faite : invocation débutée, inutile d'en faire la cible de son coup d'estoc. Trop bien gardée par les épais pylônes de sable - qui le ralentiraient.
Il en reste à son idée première et fonce, sans s'annoncer davantage, dans le dos de l'invocateur en espérant qu'il ne soit pas trop tard pour stopper le processus. Le regard acéré, les paupières ayant cessé de battre et tout scrupule ayant cessé de pulser dans son sang, Hawks surgit le katana braqué au-dessus de la tête et l'abat de toutes ses forces dans le dos du vilain, trop fanatisé pour être parfaitement attentif.
Son souffle est si uniforme qu'il ne le ressent même plus monter ou descendre, son regard est toujours glacé dans l'alerte, assombri par l'absence de doute. Le corps de l'adversaire saigne, Hawks enfonce son arme et ne la retire qu'une fois le coup suffisamment porté.
L'adversaire tombe aussitôt sur ses genoux, recroquevillé, mais ses lèvres émettent un rire hilare si ce n'est hystérique. Le rapace a à peine le temps de remonter sa garde et de reculer d'un pas.
Une fumée violâtre s'exhale hors de la blessure, colore le sang qui y abonde, coule jusqu'à la vision de Hawks qui vrille elle aussi vers l'améthyste. Comme une pellicule de brouillard sur la pupille.
Il ne perçoit plus distinctement le vilain et ce qu'il voit, ce qui frappe son regard à cet instant, l'abat presque à genoux. A son tour.