What do we say to the god of Death ? Not Today | Pv Constantine & Bucky

Cela fait un petit moment maintenant que John va et vient dans sa vie, qu'ils passent du temps ensemble puis qu'il n'a plus de nouvelles pendant des jours mais cela ne le dérange pas puisqu'à chaque fois ce sont des moments inoubliables. Des conversations, des moments charnels, le précipitant toujours plus loin dans l'affection qu'il ressent pour le sorcier et encore que le mot est faible pour décrire ce qu'il peut réellement ressentir lorsqu'ils sont tous les deux, Bucky sait ce que tout cela veut dire mais pour autant, il n'est pas prêt à dire quoi que ce soit allant dans ce sens...même s'il a plus que l'impression que c'est réciproque.

Et puis il y a des jours comme aujourd'hui où ils terminent tous les deux par aller traquer un monstre. Le brun a beau savoir que ses armes ne lui feront pas grand chose, il est tout de même armé, arme à feu mais aussi couteau de combat et surtout cette fois, il a pris le temps d'enfiler sa tenue de combat, tout en kevlar et fibre de nomex qui devrait limiter un peu les dégâts qu'il pourrait recevoir. L'idée d'y aller à deux ? C'est que John puisse avoir le temps d'utiliser ses incantations et autres trucs de sorcier pendant que Bucky occupe le monstre si besoin est.

Sauf que cela c'était sur le papier, non parce qu'une fois arrivés sur place, les choses ont dégénérées rapidement. Honnêtement Bucky ne sait toujours pas par quel bout prendre la créature, il n'a jamais rien vu de tel, ce qui en soit n'est pas si étonnant mais il a aussi l'impression que John est perturbé devant le monstre. Un truc, quatre à cinq fois plus gros qu'eux, retord, violent et compagnie mais surtout très agressif. C'est déjà le deuxième vol plané que le brun peut faire et ce qui le fait se redresser aussi rapidement c'est la pensée que John puisse être touché, blessé voir pire encore. Hors de question qu'il laisse quelque chose comme ça se produire quand bien même il sait que le sorcier n'est pas sans ressources, c'est le principe. Et il n'y a pas que le fait qu'ils puissent être des amants réguliers voir plus encore qui le fait réagir ainsi mais aussi le fait que John sera le plus à même de trouver une solution à ce si charmant problème qui leur fait face.

Si Bucky garde une partie de son attention sur John au cas où le blond ait quelque chose à lui dire, il repart surtout à l'assaut de la créature. De nouveau les coups s'enchaînent sans qu'il ne trouve de réelle faille, jusqu'à ce que le monstre change de manière de faire, l'attrapant, l'enserrant et commençant à le traîner loin de là de plus en plus rapidement. Le monstre l'enserre si fort que le brun manque d'oxygène et termine par perdre connaissance.


Il ne saurait pas dire combien de temps peut passer quand il termine par émerger, commençant par tousser avant d'essayer de vérifier s'il peut bouger ou non et malgré quelques douleurs dans le corps, la réponse est oui. Étape suivante savoir où il peut être et où peut être le monstre, le où il est le laisse sans réponse puisqu'à part des arbres de toute part et une espèce de grotte, il n'a aucun autre point de repère. Le où est le monstre, il a tout aussi rapidement la réponse alors qu'il l'entend puis le voit et bordel ça va repartir pour un tour...

Bucky. Ce qui n’était censé être au départ qu’un coup d’un soir avec un parfait inconnu rencontré une nuit de pleine lune dans un cimetière – une introduction qui déjà pouvait prêter à redire – était en passe de devenir toute une histoire. John refusait toujours de toutes ses forces que cela devienne une Histoire avec un grand H, de celle où l’on parlait officiellement de couple et où tout semblait bien trop définitif pour John – parce qu’après tout, rien n’était définitif, pas même la mort. Pourtant, les faits étaient là : John n’était jamais parvenu, en plusieurs mois, à passer plus de quelques jours sans repointer le bout de son nez trop souvent alcoolisé qui dans le bar de Bucky, qui à son appartement, qui à se retrouver comme par hasard sur son chemin lors de quelconques sorties. Une inconstance qui en aurait énervé plus d’un, mais dont Bucky semblait parfaitement se contenter. Et ça convenait à John, ces petits moments qu’ils faisaient toujours durer plus que de raison et qui semblaient devenir petit à petit une histoire, pleine de trous et de rebondissements, mais qui malgré toutes les dénégations de John était bel et bien en train d’exister. Et tant pis pour John et ses milles réticences, tant pis pour son envie de freiner de tous ses membres et ses dénégations internes : il n’avait aucune envie de se passer de Bucky.

Alors ces moments continuaient, entre baisers et étreintes enflammées, entre discussion sans fin et silences confortables, tant que Bucky ne se laissait pas des frasques de son amant. Alors cela continuait, entre moments d’intimité et sorties plus formelles, comme c’était le cas aujourd’hui. Parce qu’après tout, même si c’était loin d’être tout ce qui l’attirait chez Bucky, il connaissait aussi ses capacités physiques exceptionnelles qu’il aurait été dommage d’ignorer face à certains ennemis que John ne pouvait faire autre chose que combattre. Et c’était le cas, ce soir. C’était pour cela qu’ils étaient sortis à deux, Bucky armé jusqu’aux dents et dans une tenue de combat qui lui avait valu quelques regards entendus et plus encore de remarques amusées – et légèrement déplacées, mais avait-on idée, aussi, d’être aussi sexy ? -. Sauf que cette nuit, rien ne devait se passer comme prévu et en lieu et place d’un simple démon, ils étaient tombés sur une bête immense, tout en griffes, crocs et autre extrémités potentiellement empoisonnées. Et ce qui aurait dû être un combat d’une heure maximum s’était vite transformer en bataille rangée particulièrement violente. Mais John était confiant. A eux deux, ils n’auraient aucun mal à s’en sortir, n’est ce pas ?

Jusqu’au coup de trop porté au sol, dont le souffle envoie voler John contre l’arbre le plus proche, interrompant son incantation… et surtout lui donnant tout juste le temps de voir l’énorme patte se refermer sur le corps de Bucky et l’emporter dans sa fuite. John ne s’est peut-être jamais autant maudit qu’en cet instant où il lui faut beaucoup trop longtemps à son goût pour se relever. Car déjà, la silhouette à disparue dans la nuit, emportant son amant avec lui.

Il s’était écoulé des heures, depuis cet incident. Des heures durant lesquels John avait cherché dans tous les alentours la moindre trace de Bucky ou du monstre qui l’avait enlevé, surpris que ce dernier, malgré sa taille, se soit visiblement purement et simplement volatilisé. Des heures durant lesquelles chaque minute qui s’écoulait lui laissait, au vu de l’agressivité de la créature, un peu moins d’espoir de retrouver l’autre homme vivant. Des heures qu’il avait tenté différents sortilèges de localisation, qu’il avait cherché des pistes, qu’il en était venu, par dépit, à hurler le nom de son compagnon pour espérer qu’il lui réponde. Des heures, donc, et rien, si ce n’était un sentiment grandissant de désespoir, la gorge qui n’en pouvait plus de se serrer d’inquiétude, les mains de plus en plus tremblantes de cette envie d’alcool qui se faisait toujours plus forte et à laquelle, pour le moment, il ne savait pas encore comment il pouvait résister.

Et puis alors que pointent les premières lueurs du jour, il sait que tout est foutu, John. Qu’il lui sera probablement impossible de retrouver son amant – et que celui-ci est, de toute façon, probablement déjà mort. Et alors que le soleil se lève, c’est comme si toutes ses forces le quittaient soudain, en même temps que ses jambes le lâchent et qu’il s’écroule sur un banc, à l’entrée de la forêt. Il en a perdu, des gens, au cours de ses aventures. Des proches et des moins proches, quasi inconnus ou meilleurs amis, trop souvent par sa faute, d’ailleurs. Mais il ne pensait pas perdre Bucky. Pas alors que l’autre semblait purement et simplement invincible, indifférent aux coups des plus puissantes créatures. Il ne pensait pas le perdre comme ça, bêtement. Peut-être qu’il aurait pu agir. Peut-être qu’il aurait dû enchanter ou sanctifier ses armes, pour lui permettre de mieux se défendre. Il ne l’avait pas fait. Il n’y avait pas pensé. Et maintenant l’autre homme était mort. Par ta faute, Constantine…

La voix qui vient murmurer cela à son esprit ressemble un peu trop à celle d’Astra, avec tout le poids de la culpabilité que cela suppose et qui vient s’abattre alors sur ses épaules. Et il ne résiste pas plus longtemps, John, alors que sa main se glisse sous son éternel trench-coat beige et que ses doigts se referme sur le métal trop froid d’une flasque toujours rangée contre son cœur. Une bonne lampée de Whisky. Voilà ce qui lui faut. La flasque entière, même, qui lui permettra seulement de trouver la force de se relever pour rejoindre la plus proche source d’alcool et boire jusqu’à plus soif, jusqu’à tout oublier. Mais il ne peut pas tout de suite, John. Parce qu’il vient de perdre Bucky. Et que c’est uniquement de sa faute.

En temps normal, il faudrait de longues minutes à n'importe qui, lui inclut, pour vraiment reprendre ses esprits et envisager une stratégie pour se sortir de là sauf que le brun n'a pas ce luxe actuellement, pas alors que le monstre est bel et bien là, visiblement attiré par les premiers mouvements qu'il vient de faire. Bucky le pressent qu'il n'y a qu'une seule solution possible : se battre encore, il n'y a vraiment aucun moyen pour lui de fausser compagnie à ce truc et d'ainsi pouvoir rejoindre son amant pour s'assurer de comment il peut aller. Parce qu'il l'a vu le vol plané que John a pu faire, c'est ce qui l'a déconcentré un bref instant, d'ailleurs en y songeant cela le rend furieux envers lui-même, s'il n'avait pas été déconcentré rien de tout ça ne serait arrivé, la chose n'aurait pas pu l'emmener. Pas aussi facilement en tout cas, c'est ce qu'une partie de lui essaye de lui souffler, de lui dire aussi que ça aurait pu se terminer plus mal, de lui dire que c'est logique qu'il s'en fasse pour son compagnon. Ce à quoi il pourrait rétorquer que sur le terrain, les sentiments n'ont pas à entrer dans l'équation, ce qui est plus facile à dire qu'à faire alors que si on y regarde de près, la fameuse chute du train est de sa faute parce qu'il s'en faisait pour Steve et le fait qu'il n'était pas encore le Winter Soldier ne change rien à la donne.

Donc il n'a plus qu'une solution, celle de se battre et de vaincre ce monstre, il va devoir rester concentré à cent pour cent dessus s'il veut en sortir en vie et pas trop amoché, il va devoir abandonner toute retenue, toute réflexion et ne redevenir que pur instinct comme il a pu l'être au cours de toutes ces années sous Hydra. Redevenir le Winter Soldier pour un temps et le brun sait qu'il en est tout à fait capable, n'a t'il pas déjà vaincu des adversaires où pourtant on le donnait perdant au départ ? Il l'a fait et plus d'une fois. Lentement il fait bouger ses membres, il fait craquer sa nuque, pour délier ses muscles, son regard bleu fixé sur le monstre, cherchant une ouverture, cherchant de nouveau une faille...même si tout à l'heure il n'en a pas trouvé, cela ne veut pas dire que l'autre n'en a pas. Déjà le monstre n'a pas une guérison super rapide alors que le brun peut voir l'entaille qu'il a pu lui faire tout à l'heure et qui est toujours bien là.

Les coups vont et viennent depuis longtemps déjà, Bucky esquivant autant qu'il le peut alors que pourtant il ne sent plus son corps depuis un petit temps déjà signe que le combat dure depuis un long moment. Mais heureusement qu'il ne le sent plus, cela lui évite d'avoir des hésitations lorsqu'il s'appuie sur sa jambe gauche alors qu'il a la cuisse lacérée mais aussi la lèvre ouverte, le nez sans doute cassé tout comme certaines de ses côtes ou encore son épaule droite qu'il a dû remettre en place et qui devrait le faire couiner de douleur. Il ne compte plus non plus le nombre de vol planés qu'il a pu faire. Mais s'il en mauvais état, le monstre n'est pas mieux, il tient encore debout mais il a des blessures plus ou moins profonde sur tout le corps, un membre qui ne fonctionne plus alors que le brun lui a sectionné les tendons, des impacts de balles également par lesquels il saigne. Bucky a dû déployer toute sa force pour en arriver là et ce n'est pas terminé loin de là mais il sait qu'il n'a pas le droit de faiblir, que c'est lui ou le monstre et ça ne sera pas lui, il s'y refuse. Le monstre a aussi des marques de brûlures lorsque le brun a pu lui envoyer des décharges électriques, d'ailleurs c'est la seule chose qui semble le ralentir assez longtemps sauf que jusqu'à maintenant Bucky n'a pas pu coupler une décharge avec un coup de couteau dans le coeur ou dans une des veines principales.

Avant d'enfin trouver la bonne ouverture, le bon moyen d'y parvenir, un coup violent à la tête, une décharge maximal au plus près du coeur, un monstre "à genoux", le brun lui saute dessus pour planter sa lame dans la veine principale le long de son cou -la carotide oui mais peut-on dire ça pour un monstre- avant de l'arracher et de sauter en arrière non sans se prendre une giclée de sang. Un bon en arrière où il se réceptionne mal d'ailleurs le foutant à terre alors qu'il voit le monstre se redresser et tenter de le localiser avant de faire quelques pas pour s'effondrer lui aussi sur le sol. Bucky reste ainsi allongé sur le dos de longues minutes alors qu'il prend le temps de récupérer son souffle, de revenir petit à petit à un état plus conscient. C'est d'ailleurs comme ça qu'il termine par percuter que le jour se lève et que putain ça fait donc forcément des heures qu'il y est.

"John", le prénom de son amant passant ses lèvres une fois cette première réalisation faite. Le sorcier est dans quel état ? Vivant il l'espère et ça ne peut pas être autrement il s'y refuse ! Ce qui lui donne la force de se relever malgré la réticence de son corps entier à le faire, pour autant avant de s'éloigner de là, il vérifier que le monstre est bien mort cette fois et comme c'est bien le cas, il s'éloigne. Le brun est pourtant tremblant sur ses jambes, ayant par réflexe ramené son bras droit contre son corps et ce parce que s'il ne sent pas ses blessures, il sait qu'elles sont là et doit donc faire attention à son épaule. Il aimerait pouvoir en faire autant avec sa jambe ou ses côtes mais il doit avancer, il doit sortir de la forêt et pour ça il se guide aux bruits lointains de civilisation qui s'éveille et qu'il peut entendre.

Il ne faut pas longtemps à Bucky pour sortir de la forêt, enfin c'est relatif alors que les premières lueurs du jour font place au soleil qui se lève, continuant sa course dans le ciel. S'il cherche à se repérer pour savoir où il est, très vite il aperçoit une silhouette sur un banc et il le reconnaît ce trench-coat mais aussi cette chevelure blonde qui semble toujours en bataille. Le brun l'approche alors, le bruit de ses pas masqué par l'herbe tendre sur laquelle il marche, John se détaillant à mesure que Bucky approche et il n'aime pas son attitude générale, comme s'il était abattu par du chagrin ou quelque chose du genre.

- John.

Son appel se fait entendre haut et clair alors qu'il n'est plus qu'à quelques pas du banc sur lequel son compagnon est assis. Ses sourcils se froncent encore plus en voyant la flasque entre ses mains, l'inquiétude venant définitivement peindre ses traits et avant même que le sorcier puisse vraiment réaliser et bouger, Bucky est déjà là, se laissant tomber à genoux devant lui. Hésitant un bref instant avant de lever sa main gauche et de venir la poser sur sa joue.

- Eh blondie, je suis là.

Sa voix se fait aussi douce que possible, tout comme les caresses de son pouce sur la joue du sorcier. Devant se forcer à restreindre sa force au minimum alors que cela fait des heures qu'il ne la retenait plus, enfin, ça c'est sur le papier parce qu'en réalité, il ne se force pas vraiment c'est comme un réflexe ancré en lui alors que c'est John en face de lui, l'homme pour lequel le coeur du brun peut battre.

Tout comme John ne sait combien d’heures exactement il a pu passer à fouiller cette foutue forêt sans queue ni tête de fond en comble pour tenter de retrouver la trace de Bucky, il n’a aucune idée de combien de temps il reste là, assit sur ce banc. Prostré, presque immobile, c’est comme si le monde autour de lui s’était arrêté de tourner. Même si à l’horizon, les rayons du soleil percent de plus en plus l’obscurité de la nuit, même si au loin les bruits d’une nature qui s’éveillent remplacent petit à petit hululement de chouettes et animaux nocturnes, John est incapable de voir que le temps s’écoule autour de lui. Pas forcément si longtemps, puisqu’il reste encore un fond d’alcool dans sa flasque ; trop, probablement, alors que la brûlure d’un Whisky d’une qualité toujours un peu douteuse vient abîmer sa gorge. Car ce n’est pas le goût qu’il cherche, John, avec cet alcool qu’il a toujours sur lui. C’est uniquement la brève sensation de réconfort que peut lui procurer une telle boisson. Ce qu’il compte, c’est qu’il soit fort. Vraiment fort. On aurait presque pu coller sur sa fameuse flasque l’étiquette à briser en cas d’urgence. Et l’urgence, elle était là. Ou plutôt, elle était passée, déjà, depuis longtemps. Et puisqu’il ne pouvait pas sauver Bucky, ne restait plus qu’à sauver ce qui pouvait encore l’être de son propre esprit. Si tant est que quoi que ce soit puisse encore l’être.

Il n’en était pas sûr, en général. Il en est encore moins sûr quand il a soudain l’impression d’entendre résonner dans le brouillard que l’alcool forme dans son esprit la voix de son amant disparu. John. Est-ce qu’elle allait se mêler à toutes les autres, celles de tous ces proches disparus, qui le hantaient pendant des mois avant de finir par s’estomper et se taire, presque définitivement ? Ou bien serait-elle plutôt comme celle d’Astra, à revenir résonner à ses oreilles au moment où il s’y attend le moins, le prenant par surprise et laissant alourdissant toujours un peu plus le poids de sa culpabilité ? Il pourrait être cela, Bucky. Il pourrait être l’une de ces pertes dont John ne se remettrait jamais. Il pourrait être ce poids de plus, celui de trop, peut-être, dans un monde où l’exorciste pensait avoir enfin trouver un minimum de paix. Mais peut-être a-t-il simplement été trop optimiste. Peut-être que c’est un énième coup du destin qui s’est amusé à ses dépens, lui laissant croire qu’il pouvait avoir un peu de répit. Lui laissant des semaines à construire quelque chose, même s’il se refusait de mettre des mots dessus, pour tout balayer en l’espace d’une seule nuit. Mais à quoi il s’attendait, exactement, Constantine ? Qu’est-ce qu’il était allé espérer, de cet espoir qu’il a pourtant tenté d’étouffer de toutes ses forces – pas assez fort, visiblement. Il a eu sa chance avec l’une des plus puissantes magiciennes au monde, avec Zee, et il a tout foutu en l’air. Et là qu’il avait à ses côtés un homme qu’aucun de ces démons personnels ne semblait réellement rebuter, un homme assez fort physiquement pour semblait résister à à peu près tout… Il n’avait fallu que d’une nuit. Une seule nuit, pour qu’il lui soit arraché. Comme un pied de nez à ces moments un peu trop agréables. Parce qu’après tout, il n’était pas fait pour en vivre, n’est-ce pas ? Il était John Constantine. Et le bonheur n’avait définitivement jamais été à sa portée.

Les pensées défilent et se suivent, trop rapides pour être saisies, trop lentes pour qu’il daigne s’y arrêter, trop douloureuses, surtout. D’un simple nom, de ce qui n’est pour lui qu’une toute nouvelle hallucination, en l’espace de quelques secondes, le voilà qui tergiverse toujours plus, avec l’impression de perdre un peu plus encore le contact avec la réalité. Et cette impression se renforce un peu plus encore quand entre dans son champ de vision une silhouette par trop connu, qu’il pourrait distinguer entre mille, dix mille autres s’il le fallait. Des traits déformés par une inquiétude qu’il ne lui a encore jamais vu. Et un regard, d’autant plus brillant, d’autant plus concerné. L’espace d’une fraction de seconde, John est tenté de donc ranger Bucky dans la catégorie fantôme éternel, au même titre qu’Astra, car il n’a toujours fait qu’entendre la voix des autres sans jamais les voir, si ce n’est quand ils sont invoqués par l’un de ses trop nombreux ennemis.

Et puis il y a ce contact, soudain. Cette main sur sa joue, chaude sur la peau rendue glacée par l’air de la nuit, alors même que John ne s’était pas rendu compte à quel point il avait froid jusqu’alors. Et puis il y a cette caresse, plus légère qu’une plume et pourtant si présente, qui fait s’emballer son cœur à une vitesse qui lui semble si démesurée tellement elle est puissante. Et puis il y a ce regard, empli d’une inquiétude qui ne saurait être feinte au-delà de la mort, même pas son l’esprit particulièrement tordue de John. Et ce surnom. Et cette voix. Et ces blessures qui semblent recouvrir son corps, si nombreuses, si réalistes qu’elles ne peuvent être le fruit de son esprit tourmenté. « … Bucky ? » Le nom lui échappe, après une longue hésitation, comme s’il avait besoin de le prononcer pour se rendre compte que non, il n’est peut-être, en réalité, absolument pas en train de rêver. Et lorsqu’il se rend compte à quel point c’est réel, lorsque le brouillard provoqué par l’alcool et l’angoisse et tous ces autres sentiments que John se refuse d’identifier, mais qui semblent se bousculer aussi bien dans sa poitrine que sous son crâne, lorsque ce brouillard, donc, finit par s’éclaircir un peu, il ne réfléchit pas, plus, John. Et la seconde d’après, il tombe presque de son banc, les gestes rendus maladroits par la fatigue et le combat précédent, pour purement et simplement se jeter au coup de Bucky et venir plaquer ses lèvres contre les siennes.

« F**k it, cutie boy. Me refais plus jamais ça, t’as compris ? Pu**in. Plus jamais. » Et de l’embrasser de nouveau, à pleine bouche, comme si l’air que Bucky respirait était soudain plus vital à l’exorciste que celui qu’il pouvait lui-même inspirer. Il se rendra compte, d’ici quelques secondes, de sa connerie monumentale, des blessures qu’il pourrait potentiellement aggraver. D’ici quelques secondes, oui, très certainement. Mais en cet instant, en cette seconde, la seule chose qui compte, c’est que Bucky est vivant. Et que John ne compte plus jamais le lâcher.

Son corps qui une nouvelle fois se plie à sa volonté, celle qu'il peut avoir de retrouver John et de s'assurer que le sorcier va bien. Pourtant à chaque pas le dit corps renâcle, lui fait sentir chaque blessure de plein fouet mais il continue un pas après l'autre. Oh franchement, il n'y aurait pas son compagnon dans la balance, Bucky serait resté sur place, à côté du cadavre du monstre. Il aurait attendu là bas quelques heures que son corps commence le processus de guérison accélérée pour bouger et qu'importe qu'il soit visiblement dans le pire des quartiers de la ville ou du moins le plus sauvage. Qu'importe ce qui aurait tenté de lui sauter dessus. Mais il y a John, cet homme pour qui il le sait il a des sentiments qui vont au delà d'une amitié avec bénéfices, alors le brun bouge, se relève, met un pied devant l'autre jusqu'à sortir de la forêt. Il continue encore pour se rapprocher de ce banc sur lequel il a terminé par voir la silhouette de son amant.

C'est l'inquiétude qui vient le ronger en voyant sa posture, en voyant cette flasque dans ses mains mais surtout en voyant sa non-réaction au premier appel qu'il peut lui faire. Il est oublié ce corps perclus, il est oublié leur environnement et tout ce qui pourrait se passer ; il n'y a plus que le sorcier dans son esprit alors qu'il termine par se laisser tomber à genoux devant lui pour l'appeler une nouvelle fois de ce surnom un peu ridicule qui est presque devenu une marque de tendresse, du moins pour le brun. Sa main qui vient caresser sa joue, rendant ses doigts de métal bouillant en contraste de la peau glacée du sorcier. Même sourire lui fait mal avec sa lèvre fendue et pourtant il en affiche un lorsqu'enfin John réagit, un sourire doux, encourageant comme un "oui c'est bien moi". Néanmoins ce n'est certainement pas un sourire de joie, pas avec la manière dont le sorcier peut prononcer son nom, comme si John avait du mal à y croire.

C'est tout son corps qui encaisse le coup alors que le sorcier se laisse tomber de sur le banc pour être pratiquement sur lui. Corps qui doit encore encaisser lorsque Bucky ne peut que venir refermer ses bras autour de son compagnon et que dans un réflexe les doigts de sa main droite viennent caresser la peau de sa nuque. Même si John lui avait laissé le temps de répondre, malheureusement, le brun n'aurait pas pu lui promettre qu'une telle chose ne se reproduirait plus, c'est malheureusement le risque à prendre pour combattre ce genre de monstre. Mais ce que Bucky aurait pu lui promettre c'est de toujours lui revenir, quoi qu'il arrive, parce que ça c'est quelque chose qu'il sait pouvoir faire. Sauf que pour le moment, Bucky répond à son baiser, une certaine urgence dans ses gestes pour lui aussi, de toute manière il l'a déjà pensé mais John prime sur tout le reste, son état de santé inclut. Oh que oui il répond à ce baiser, cherchant même à le faire durer plus que nécessaire alors que pour lui aussi c'est quelque chose de vital. Un baiser où il ne cherche même pas à cacher ce qu'il peut ressentir pour son amant.

Malgré toute son envie de faire durer ce baiser, il arrive l'instant où leur lèvres doivent se séparer, Bucky en profitant pour reculer un peu la tête afin d'observer John de l'inquiétude toujours perceptible dans son regard, dans sa manière d'être. Ramenant sa main droite sur le visage de son compagnon, venant tendrement essuyer ses lèvres -parce que qui dit lèvre fendue dit sang hélas- avant de la remettre sur sa nuque pour continuer ses caresses. Venant appuyer son front contre celui de John, voulant encore profiter de ces retrouvailles avant de devoir bouger à nouveau.

L’alcool est toujours une excuse particulièrement utile, en toute sorte de situation. Pas toujours une bonne excuse, attention ; souvent un peu minable, plus souvent encore parfaitement ridicule, mais une excuse malgré tout. Une excuse aux pires des comportements, aux langues qui se délient dans les plus vulgaires des désinhibitions. Une excuse que certains pouvaient parfois pardonner un peu plus facilement quand d’autres, plus nombreux – et à raison, selon John – condamnaient avec d’autant plus de véhémence. John était bien placé pour les connaître, ces excuses. Il ne pouvait même plus compter le nombre de fois où il s’en était lui-même servi, de cette excuse. Le nombre de fois où il avait utilisé l’excuse du whisky teinté de son meilleur cynisme pour dissimuler aux autres – et aussi à lui-même. Surtout à lui-même – le moindre de ses sentiments. L’alcool pouvait être une bonne excuse, donc. De celle qui pouvait parfaitement lui permettre de faire mine d’ignorer l’humidité soudaine qui s’accumule dans ses yeux, menace un instant d’y perler quand, enfin, il peut plonger son regard dans celui trop bleu de son amant. Et s’il y avait encore un doute qui pouvait subsister dans l’esprit embrumé de John, c’est ce regard, plus que ses appels, plus que ses baisers, qui finit se convaincre le sorcier : Bucky est vivant.  

Ce n’est qu’une fois que cette pensée est clairement et définitivement ancrée dans son esprit que John se permet un véritable soulagement. Que, alors que les doigts de l’ancien soldat viennent se perdre sur sa nuque, il se permet de fermer les yeux. Juste quelques secondes, oui. Juste le temps de profiter de ce contact léger, de ces doigts à la peau rugueuse qui effleurent, l’espace de quelques instants, ses cheveux légèrement trop longs. Et tant pis si Bucky ne lui répond pas, ne dit rien, ne fait aucun commentaire à la demande de John. Tant pis s’il ne prend pas la peine de lui assurer que cela ne se reproduira plus, puisqu’au fond John sait bien que rien n’aurait pu le garantir. C’est une promesse que John aurait pu faire, lui, tout en la sachant parfaitement vaine ; il ne peut donc en vouloir à Bucky de ne surtout pas s’y risquer. Peu importe, donc. Peu importe, tant qu’il est là. Et surtout, qu’il est vivant.

Mais pas en si bon état, se rend compte John alors que les informations semblent toujours arriver au compte-goutte, déformées par les vapeurs éthyliques. Et même s’il pourrait rester là pendant des heures, il se rend compte que la position, pour son amant, ne doit pas être des plus agréables. Alors John se force à se relever, à s’arracher de l’étreinte agréable des bras de Bucky, à cette caresse sur sa nuque qui a fait naître des frissons de soulagement dans son corps, pour venir se laisser tomber à ses côtés dans l’herbe encore humide de ce début de journée, sans plus se soucier de la terre et des divers débris végétales qui pourrait venir salir sa tenue. Il s’en fout, alors que de nouveau, il n’est pas capable de quitter Bucky des yeux, comme si ce dernier risquait de nouveau de disparaître, happé par il ne savait quel monstre imaginaire. « En tout cas, il t’a pas loupé… Vu ton état, j’espère au moins que l’autre type a une gueule bien pire que toi. » Retour de ce ton un peu moqueur, d’une voix rendue trop lente par les effluves de fatigues et d’alcool, de ce regard qui tente de dissimuler son inquiétude derrière ses éternelles plaisanteries un peu trop acides. Il n’a pas vraiment de doutes sur le fait que Bucky lui ait réglé son compte, au fond, mais si ce n’est pas le cas, il est tout prêt à y retourner lui-même, immédiatement.  

« Tu peux bouger ? Je suis pas certain que rester ici soit la meilleure solution, t’as besoin de soin. » Parce que oui, il sait être plus sérieux, John. Il peut même accepter de laisser, l’espace de quelques instants, transparaître son inquiétude en dehors de son amour immodéré pour la boisson. Il sait bien que Bucky lui a parlé de guérison accélérée, mais il n’a cependant aucune idée de combien de temps ça va mettre – clairement, plus de temps que pour Clark. Alors en attendant, ils ne peuvent rester ici. Il peut s’occuper de lui. Un peu. Peut-être. Et même s’il refuse toujours avec force de repousser toute interrogation sur sa propre inquiétude, il se rend compte qu’il en a envie. C’est pas bon signe, tout ça. Mais c’est une réflexion qu’il s’autorisera plus tard. Quand il sera certain qu’ils sont tous les deux hors de danger.

Enfin. Bucky a enfin retrouvé son amant et celui-ci semble se porter bien, du moins physiquement parlant alors qu'il l'examine et ne relève aucune blessure apparente. Mentalement cela semble totalement différent, il faudrait qu'il soit aveugle pour ne pas voir l'inquiétude sur les traits de John, pour ne pas comprendre la peur qu'il a pu faire au sorcier. Les blessures mentales sont souvent les plus longues à guérir mais le brun compte bien l'y aider au fil du temps, pour le moment il est simplement soulagé et sacrément heureux de le retrouver en un seul morceau. Tout dans ses gestes indique son état d'esprit, pas une seule seconde ne lui vient l'idée de chercher à masquer ce qu'il peut ressentir, tout ce qu'il peut ressentir en ayant de nouveau John dans les bras, en pouvant de nouveau l'embrasser et lui caresser la peau. Un instant bénit pour lui, une sorte de repos du soldat, il a retrouvé son compagnon, il a accompli sa mission. Un instant qui, il le devine, produit le même effet sur John, même si c'est le sorcier qui se recule le premier pour se laisser tomber à côté de lui dans l'herbe. Le brun adoptant une autre posture, une qui lui permettra de ne pas trop tirer sur ses côtes et sur sa jambe sans pour autant quitter John du regard, un léger sourire en coin arrivant sur ses traits aux propos qu'il peut entendre.

- Oh que oui, il a fait un bon sac de frappe. Bucky ne ressent pas le besoin de préciser que le monstre ou quoi qu'il soit réellement ne bougera plus jamais de l'endroit où le brun l'a laissé. "Mais toi, ça va ? Il t'a fait faire un sacré vol plané."

Parce que forcément, John n'allait pas passer au travers de cette question, n'allait pas échapper à cette matérialisation de l'inquiétude que le brun a pu ressentir en le voyant avant que la bête ne l'emporte de cette manière.

- Je peux bouger. Et je ne vais pas nier que ça serait appréciable si ta maison voulait bien apparaître par ici mais pour les soins, ça peut encore attendre, tu ne veux pas aller examiner le cadavre avant ? Savoir ce que c'est ou un truc du genre ?

Bucky a eu eu l'impression que c'était nouveau pour lui aussi un truc comme ça et comme John a pu lui laisser entendre qu'il voulait tout étudier dans ce nouveau monde, autant lui poser la question. Et autant retourner voir le monstre tant que ses muscles sont encore chauds, il connaît son corps, il sait que dès qu'il va s'arrêter quelques minutes ça va être foutu, déjà que là c'est limite. C'est d'ailleurs bien pour ça qu'il prend sur lui pour se relever quelques secondes après avoir terminé de parler, ne s'appuyant que sur une jambe pour l'instant et allant jusqu'à tendre sa main à son compagnon pour l'aider à se relever.

S’il y a une chose sur laquelle John a appris à pouvoir toujours compter sur Bucky, une des rares pour lesquelles il accepte d’admettre qu’il a une entière confiance en lui, c’est qu’à priori, si son état le permet, il répondra toujours à son éternel cynisme par l’une de ses propres piques acides. Et l’entendre faire accentue quelque peu le sourire vaguement présent sur les lèvres de John, tirant un peu plus sur ses traits assombris de terre, fatigués tant par les heures passées à attendre que par l’alcool qui court actuellement dans ses veines. Un sourire qui se crispe cependant quelque peu quand Bucky s’interroge à son tour sur son état de santé. Par réflexe, John fait jouer son épaule libre et retient une grimace quand il a l’impression de sentir son articulation grincer, éveillant l’une des nombreuses douleurs qui percluent son corps. « Oh, tu sais, c’est clairement pas mon premier. J’ai réussi à amortir le choc, mais il était rapide, l’enfoiré. »

John l’était aussi, certes, mais visiblement pas assez puisqu’il avait tout juste eu le temps d’invoquer un sort d’amortissement avant de percuter le sol, ou un arbre, il n’était pas tout à fait sûr ; et pour cause, c’est à ce moment-là que John avait perdu conscience. Et à ce moment-là qu’il avait perdu toute trace de Bucky. Ce souvenir ramène dans les yeux de l’exorciste cette ombre qui l’assombrit, encore plus accentuée par l’alcool et il lui faut quelques secondes à fixer le visage de l’autre homme, à redessiner mentalement ses lèvres, à se raccrocher à son regard pour s’assurer qu’il ne s’agit justement que de cela, que d’un souvenir.  Que Bucky est là, bien là. Et en assez bonne santé pour visiblement tenter de se relever et de l’entraîner de nouveau vers la forêt pour aller examiner le cadavre de la créature.

Cela, John le comprend avec un temps de retard alors qu’il semble avoir quelques secondes de blanc pour revenir à la réalité après avoir, une fois de plus, rassurer son cœur jusqu’alors encore comprimé d’inquiétude que l’ancien soldat était bel et bien toujours en vie. Mais déjà, les mots de Bucky lui parviennent dans tout leur sens et John ne peut cette fois retenir une grimace hésitante, même si désapprobatrice. Oui, il voudrait bien aller étudier cette bête et pouvoir pas en récupérer quelques morceaux pour les tester magiquement, mais Bucky vient également de dire qu’il aimerait rentrer et lui-même ne serait pas contre arrêter de bouger pendant… oh, disons au moins une bonne semaine. Sauf que l’ancien soldat vient aussi de proposer d’y aller, justement, malgré ses propres blessures. Et les pensées se bousculent un peu chez l’exorciste, s’entremêlant avec les vapeurs d’alcool. Comment réagirait Bucky, si John remettait en doute ses capacités à bouger ? Et surtout, surtout, qu’est-ce que cela voudrait dire de lui ?

John n’a absolument aucune envie de le savoir. Absolument aucune. Et quelle meilleure technique d’ignorer ses propres pensées que, une fois de plus, les fuir en se précipitant de choisir la pire solution sur celles qui s’offrent à lui ? John se saisit de la main tendue, en prenant soin de ne pas réellement s’en servir comme appuie pour ne pas prendre le risque d’aggraver l’état de son propriétaire : « Eh bien, allons-y. Je te préviens, je vais avoir besoin de tes bras, parce que je compte bien réduire ce… truc en morceaux. Montre moi le chemin, cutie boy, je te suis ! » Et pour une fois, John n’accompagne même pas cette phrase de l’une de ses propositions graveleuse, parfaitement conscient qu’il ne serait pas en état de l’assurer actuellement. Mais après tout, ce n’est que partie remise. Quoi de plus sexy, pour vous ouvrir l’appétit, que le dépeçage d’un monstre inconnu ? Tout, probablement. Mais se venger de cette manière sur la créature lui ferait néanmoins un bien fou.

C'est un simple "D'accord" qui passe ses lèvres quand John lui explique qu'il va bien, qu'il en a déjà vu d'autres, là dessus il veut bien le croire, à vrai dire il n'en doute pas une seule seconde. Pour autant Bucky sait. Il sait que ça ne va pas si bien que ça, il le voit dans ses mouvements, il le lit dans les traits de son visage, dans le reflet de ses yeux mais il ne dira rien...parce que Bucky sait aussi que ce n'est pas le moment, que le sorcier ne se confiera pas ou pas encore du moins, qu'il a sa fierté et qu'il préfère enfouir certaines choses. Le brun le sait parce qu'il est un peu comme ça lui aussi et il se connaît si on le pousse trop ça ne va pas donc ça n'ira pas pour son compagnon non plus. Et s'il peut deviner que John ne va pas si bien que ça c'est parce d'une part il commence à le connaître mais aussi grâce à ce qu'il ressent pour le sorcier. Plus Bucky est proche de quelqu'un plus ça lui est facile de deviner les choses, oh pas tout non, mais assez pour comprendre certains non-dit, certaines micro-expression de l'autre personne. C'est le cas avec Steve et cela depuis longtemps et c'est entrain de devenir la même chose avec son compagnon.

Donc oui il remarque tout, jusqu'à l'instant de flottement avant de se relever ou le fait que John ne s'appuie pas vraiment sur lui pour se relever. S'il doit être honnête avec lui-même il n'y pas que ses sentiments qui font qu'il remarque les choses, il y a aussi ses talents en espionnage, des leçons qu'Hydra et le KGB lui avaient bien rentrés dans le crâne. Le tout sublimé par ce fichu sérum qui coule dans ses veines, qui lui a donné des capacités et décuplé celles déjà existantes. D'ailleurs en parlant du sérum, il a autre chose à prendre compte comme le fait que cela ne décuple pas que ses capacités mais que ça a aussi décuplé ses sentiments qu'ils soient bons ou mauvais. Autant dire qu'il sait que cet amour naissant ressenti pour son compagnon est dix fois plus puissant, plus fort, plus violent qu'il ne le serait pour n'importe qui d'autre que lui. De quoi en revenir au fait que cela n'est pas le moment, pour dire quoi que soit ou pour se laisser aller à trop de sentimentalisme.

Sauf que Bucky ne peut pas tout retenir non plus n'est-ce pas, c'est impossible qu'il y parvienne totalement. C'est bien pour ça qu'une fois John debout, le brun l'attire contre lui doucement mais fermement pour venir l'embrasser une nouvelle fois, un long baiser à la fois passionné et tendre comme pour lui montrer une nouvelle fois qu'il est bel et bien là, que tout va bien malgré les blessures. Un moyen aussi de ne pas répliquer avec une remarque un peu trop sexuelle aux derniers propos du sorcier, parce que si John le prend au pied de la lettre il serait bien en mal d'assumer quoi que ce soit sans avoir eu de nombreuses heures de repos avant. Un baiser qui doit forcément se terminer et pourtant avant de doucement relâcher son compagnon, Bucky dépose un baiser sur son front. Se reculant ensuite avec un simple "C'est par là" sur les lèvres pour prendre la bonne direction et qu'ils puissent rejoindre la carcasse de la créature que John puisse faire ses trucs de sorcellerie et compagnie.

Comme prévu par le brun, ils y sont plutôt rapidement malgré le fait qu'il boite dur, la tension dans ses épaules se relâchant totalement quand il voit que la créature est toujours morte, bien là et qu'il n'y a rien de plus qui soit venu s'en mêler. John pourra alors découvrir que Bucky n'y est pas allé de main morte sur la dite créature, signe aussi que le combat a été acharné, brutal, violent, sanglant des deux côtés.

Il y a plusieurs raisons pour lesquelles John Constantine a toujours préféré travailler seul. La première, à n’en pas douter, est qu’il est tellement insupportable que les gens finissent par le fuir – celle-là n’est pas totalement de son fait, en réalité, mais c’est toujours plus agréable de se convaincre qu’il l’a choisi de lui-même. La seconde, c’est parce que ce qu’il fait est tellement dangereux qu’ils sont nombreux à avoir perdu la vie à ses côtés, qu’ils soient dans son camp ou de ceux dont il n’a pu que sauver l’âme, à croire que, quelque part, il retirait toute chance à ceux qui osaient l’approcher. Deux raisons déjà fort peu réjouissante, même s’il avait tendance à prendre la première avec son habituelle ironie mordante. Et puis il y en avait une troisième, bien plus égoïste – comme si, au fond, lui-même ne l’était pas au quotidien, on le lui avait assez reproché, merci bien – qui était celle des jérémiades sans fin. De celles dont on lui rabâchait les oreilles au sujet de sa santé, que ce soit par ses consommations que lui-même reconnaissait parfois comme quelque peu excessives, ou bien de sa manie de reculer toujours l’échéance de se faire soigner une fois blessé. Car John n’avait jamais réellement appris à prendre soin de lui, comme si ce n’était qu’un détail insignifiant pour l’exorciste aux tendances légèrement suicidaires – et, au fond, cela l’était. D’ailleurs, s’il avait envisagé de rentrer se reposer, c’était bien plus par inquiétude pour l’état de Bucky que pour le sien. Mais puisque l’ancien soldat en avait décidé autrement… Le sorcier appréciait cependant grandement que l’autre n’insiste pas absolument pour sa propre santé. C’était reposant, tant au niveau de l’énergie dépensée à convaincre que non, il n’en avait pas besoin, qu’au niveau du bruit que cela pouvait engendrer. Une qualité claire à mettre de nouveau du côté de son barman préféré.

Et puis, il n’y avait pas que cela d’agréable. L’étreinte dans laquelle il l’entraîne alors que John s’apprêtait simplement à repartir, la chaleur du baiser qu’il lui offre alors, le poids de son corps sous les bras de John qui s’enroulent autour de lui… Un instant, John en oublie presque où ils sont, ce qui vient de se passer. Les douleurs qui le parcours, la vue du sang. Il en oublie presque son cœur encore malmené, qui ne retrouve décidément pas assez vite un rythme régulier à son goût. Mais, cette fois au moins, John a une bonne excuse pour ce dernier fait. C’est le goût de ses lèvres qui l’enivre, plus sûrement que l’alcool ingurgité jusqu’alors. Cette envie qu’il réveille une fois de plus en lui, pas physique, cette fois, alors que son corps est trop fatigué pour cela, mais qu’il ressent malgré tout profondément. C’est Bucky. Et ça suffit amplement pour, l’espace de quelques secondes, tout oublier.

Alors peut-être que oui, il y a un léger grondement sourd qui s’échappe de sa gorge quand l’autre se recule, même s’il obtempère et dénoue ses bras pour le laisser s’éloigner. Et peut-être qu’il râle un peu plus que d’habitude sur cette foutue forêt pas vraiment praticable quand ils rejoignent la carcasse, histoire de se donner une contenance. Mais John n’a aucun mal à accuser mentalement Bucky pour cela. S’il n’était pas aussi sexy, aussi. Aussi dangereux, quelque part. Et aussi… Aussi lui, en fait, tout ça n’arriverait tout simplement pas. Mais, pour autant, John n’est pas prêt à échanger sa position actuelle pour quoi que ce soit au monde.

La pensée est bien vite repoussée très loin aussi rapidement qu’elle est née, d’autant plus qu’ils arrivent déjà près de la carcasse abimée. L’odeur qui s’en dégage commence déjà à être pestilentielle, comme si la bête, de quelque nature qu’elle soit, dégageait une odeur bien plus forte que n’importe quel animal commun. Autant être honnête, même si John avait l’habitude, il n’était pas fan pour autant et cela le motivait d’autant plus à accélérer au maximum les choses. Même si, alors qu’il s’en approche, il ne peut se retenir de lancer une petite pique à son compagnon : « Eh bien, vu son état, je comprends mieux le tiens… Tu lui as fait une de ses fêtes, tu ne l’as pas raté ! Enfin, on va voir ce qui est récupérable là-dedans, vu la bête, je suis sûr que je vais pouvoir en tirer quelque chose. » Parce que la créature était trop étrange pour ne pas venir d’un autre plan d’existence que la Terre normale, quelle qu’elle soit, et que c’était toujours bon à pouvoir étudier, même si nul doute que la Maison des Mystères lui ferait très vite regretter ce choix. Mais déjà, John commence à étudier la chose de plus près, donnant simplement des consignes à Bucky sur les parties qu’il fallait découper, lui laissant, il est vrai, le plus gros du boulot.

Il faut une bonne heure supplémentaire pour que l’exorciste soit enfin satisfait. Et alors qu’il se redresse, le dos perclus de nouvelles douleurs, il lance, enfin satisfait : « Bon, on va pouvoir rentrer, je m’occuperai de ça plus tard… Tu pues, darling, je crois qu’une bonne douche ne te fera pas de mal. » Qu’il termine, avec un clin d’œil, parce qu’il compte bien l’y accompagner – et qu’il doit, sans conteste, puer tout autant. Mais il ne se rend pas tout de suite compte, John, d’à quel point il lui parait naturel d’inclure Bucky dans ses pensées. D’à quel point ne même pas commencer à envisager qu’il pourrait rentrer ailleurs que chez lui, avec lui. D’à quel point cela devient, en réalité, beaucoup trop normal.